CENTENAIRE DE L’ARMISTICE : LES AVOCATS BRUXELLOIS SE SOUVIENNENT

(éditorial de la « Lettre » du 9 novembre 2018)

Le 1er septembre 1914, le barreau bruxellois comptait 920 avocats, dont 170 stagiaires : 182 avocats (un sur cinq !) furent appelés sous les drapeaux et bon nombre d’entre eux ne sont pas revenus.

Dès le 4 novembre 1914, le bâtonnier Théodor fit savoir à l’occupant : « ce sera l’éternel honneur du barreau belge et sa raison d’être de n’obéir, dans l’exercice de sa haute mission, qu’à sa conscience, de parler et d’agir sans crainte, de demeurer quoi qu’il puisse advenir, sans peur et sans reproche ».

La résistance du barreau fut active, réfléchie, pratique, à un point que nous ne pouvons nous représenter ; aux pires heures du conflit, le barreau a lutté pour que les droits de la défense ne soient pas anéantis, malgré les intimidations, les interdictions de plaider ou les perquisitions [1].

Cette résistance s’est faite au prix des plus grands renoncement s.

Notre monument aux morts pour la patrie, que nous avons à cœur d’honorer chaque année, lors de la rentrée de la Conférence et de la remise des prix Lejeune et Janson, en témoigne.

Nous devons nous souvenir des voies de fait qui ont été perpétrées contre les avocats, du mépris de nos valeurs qui a caractérisé les années de guerre et de la disparition de l’Etat de droit que la guerre avait entraînée.

Nous devons nous souvenir des protestations que notre barreau n’a jamais cessé d’émettre avec force et conviction, au point de susciter d’inqualifiables représailles, telles que l’arrestation et la déportation du bâtonnier, sans jugement, en 1915[2].

Nous devons aussi nous souvenir de nos confrères qui ont imposé à l’ennemi l’intervention active d’un « Comité de Défense » et qui ont assuré la défense des patriotes devant les tribunaux constitués par l’occupant[3].

Avant de scander l’organisation du temps, les commémorations nous rappellent que nous devons nos droits, nos libertés et nos valeurs à nos anciens et qu’il serait indigne de ne pas poursuivre leurs combats.

Le 11 novembre n’est pas un jour férié comme les autres : c’est un appel au souvenir, à la confraternité et à la paix.

Le 11 novembre 2018 à 11 heures, les cloches résonneront dans toute la Belgique pour célébrer le centenaire de l’Armistice ; les avocats les entendront avec émotion, avec la conscience de la chaîne confraternelle et des devoirs sacrés qui les unissent[4].

C’est le moment de nous rassembler[5].

A l’initiative de Monsieur le bâtonnier Sculier, le Conseil de l’Ordre a, lors de sa dernière assemblée, adopté à l’unanimité la motion suivante :

Le bâtonnier et le Conseil de l’Ordre s’associent à la commémoration du centenaire de l’armistice de la Grande Guerre.

 Ils invitent les avocats à se souvenir des deuils et des souffrances engendrés par ce conflit ainsi qu’à conserver la mémoire des confrères qui ont donné leur vie à leur patrie lors de la Grande Guerre et qui doivent demeurer pour nous des exemples.

[1] De nombreux exemples sont cités dans « La Belgique judiciaire » ; v. not., le n°5 du 2 février 1919, p. 146 et le n°15 du 13 avril 1919, p. 498.

[2] Le Conseil de l’Ordre fit aussitôt savoir aux forces d’occupation, par une déclaration unanime, qu’il était solidaire de tous les actes accomplis par le bâtonnier, et le barreau de cassation adopta une résolution dans le même sens, le 11 septembre 1915 (ibid., p. 501 et 502).

[3] Le site web du Sénat rappelle que l’occupant avait réquisitionné le Palais de la Nation et rend hommage aux avocats -Alexandre Braun notamment- qui ont défendu devant ce tribunal de guerre les résistants belges et étrangers.

[4] La Confrérie Saint Yves nous invite aux messes solennelles du 11 novembre qui auront lieu à 12 heures et à 18 heures, ce dimanche, en l’église Notre-Dame du Sablon.

[5] Le 27 novembre prochain à 19h30, Jérôme de Brouwer, professeur d’histoire du droit, donnera une conférence, « Tout par le Droit. Tout pour l’Honneur. Le barreau de Bruxelles sous l’occupation (1914-1918) » au vestiaire des avocats ; nous espérons que vous y serez nombreux.



Patrick Vanden BERGHE

Expert-comptable et Conseil fiscal en droit luxembourgeois et belge

6 ans

D'aussi belles lettres nous aident et nous rappellent à réfléchir, à une époque à laquelle certaines guerres se sont engagées avec légèreté et insouciance... Cette époque n'est pas seulement passée, mais aussi actuelle comme en Irak ou en Libye. La der des ders n'est pas aussi loin dans le passé, qu'on le dit et qu'on le pense. Mon père m'a raconté de son vivant, la terrible arrivée des prussiens à Courtrai. Il avait quatre ans, et toute la famille tapie les observait du soupirail... Mais à propos, existe-t-il à Bruxelles ou en Belgique une rue (ou un boulevard) bâtonnier Theodore ? Un grand merci au bâtonnier Forges, pour ce moment d'histoire et de souvenir !

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