C'est l'histoire de celui qui ne voulait pas... manager !
Au sein de son équipe, il a un rôle catalyseur de ses collègues, est à l'origine de propositions, s'intéresse à des nœuds process/outils/relations clients que personne ne traitait ou ne voulait voir, a montré de l'enthousiasme et du sens dans son job...
bref il est la tête qui dépasse, le profil qui attire l'attention, le tempérament qui innove, rafraîchit, apaise et suscite l'envie, au point que sa hiérarchie s'est mise à l'envisager autrement.
Dans nombre de postes de Direction, j’ai pu constater que face au besoin de remplacer un manager pour des raisons diverses -démission, mobilité interne, congé maternité, détachement sur un projet- il n'y a pas pléthore de solutions.
Tout d'abord, l'entreprise a rarement une vision de moyen terme pour faire émerger de nouveaux talents et les préparer en avance de phase. Ce serait investir en formation, en mises en situation, en risque de dé positionnement pour un hypothétique futur qui ne se réalisera pas forcément. Elle considère souvent que pour être manager il faut avoir une certaine assise, du vécu, une expérience autre et avoir fait ses preuves.
Un tel raisonnement conduit à une impasse : ne disposant pas de la compétence en son sein, la solution est d'attirer un profil venu d'"ailleurs" : autre direction, prestataire de service, voire recrutement externe.
Mais ces options sont coûteuses et consommatrices de temps alors que le besoin est urgent. Sans avoir investi dans un profil à faire grandir, la solution de facilité devient alors d’envisager une compétence interne, du sérail, donc une solution rassurante "bien de chez nous" qui pourrait se transformer et évoluer : qui pourrait...
Alors celui qui n'avait pas forcément envie de devenir manager, et a été "remarqué" se voit approché pour LA proposition. C'est son manager direct qui va tenter une amorce, de manière conviviale sur le ton de la boutade, puis au fil des observations terrain va devenir plus précis et suggérer une petite musique lancinante.
Au fond de lui-même, ce salarié n'a pas envisagé cette évolution professionnelle, constatant qu'être manager c'est une somme de compromis et une stature spécifique qu'il ne se sent pas en état de revêtir. Sa fonction actuelle lui convient tout à fait même si, soyons honnête, il en fait davantage que les autres et déborde du sacro-saint cadre de la fiche de poste...
De plus, se hisser au-dessus de ses collègues avec lesquels il entretient de bonnes relations, voire sont des potes à l'extérieur, cela lui semble incommensurable.
Cela dit, il sait que pour évoluer professionnellement il va devoir attendre des années (sur le plan salarial), des opportunités aléatoires (une création de poste de technicien, de formateur que sais-je encore) et qu'il existe un plafond de verre dans son métier actuel (formateur, expert, contrôleur, téléconseiller confirmé, gestionnaire aguerri).
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Cependant, il y aura pour lui un avant et un après : LA proposition va modifier l'éco-système sécurisé dans lequel il se sentait si bien, reconnu, apprécié de ses collègues et conscient d'apporter une valeur ajoutée au collectif car il rayonne en transverse, dépanne, a un avis sur les choses..
Il va lui falloir y réfléchir, peser le pour et le contre, s'imaginer différemment pour demain et en discuter avec son ou sa compagne de vie. Est-ce le Graal pour lui ? l'espérait-il secrètement ? ou se trouve t il pris au piège ?
Difficile dilemme que d'être distingué, approché et choisi pour LA mission et de reconnaître qu'au fond de lui ce pas en avant n'est pas ce qu'il souhaite.
Ambiguïté de s'interroger sur l'envie de monter une marche, et dans le même temps une distinction sociale évidente, la possibilité de s'exprimer et être reconnu dans d'autres cercles, et la rémunération qui va avec.
C'est une décision très personnelle dont les fondements sur le - qu'en dira-t-on, que vais-je devenir si je refuse, aurais-je toujours l'estime de mon responsable, et si l'entreprise ne me proposait plus rien ensuite ?...- , ne doivent pas à tout prix outrepasser une intime conviction.
MANAGER, c'est "aimer" l'équipe, savoir se positionner en leader, en résolution de problèmes, en galvaniseur de créativité, et être à l'aise avec le potentiel humain, quel qu'il soit dans sa différence, son âge, son expérience, son niveau de compétences. Toutes ces variantes humaines devront un jour ou l'autre être abordées, soutenues, comprises.
Il faudra avoir l'âme d'un capitaine, du ressort, l'aptitude à faire le grand écart entre l'équipe et le N+1, ressentir les vibrations d'une équipe qui vous porte ou qui ne porte pas du tout ….
Si au fond de soi-même, ces ambitions du quotidien ne sont pas une évidence, un SENS recherché, alors il faut se poser la bonne question
Ai-je envie d'être manager ? peut-être pas... voire sûrement pas. C'est un choix qui engage pour l'avenir, et non la décision de faire plaisir ou d'occuper une position sociale qui doit prédominer.
A défaut, les conséquences au quotidien seront de se confronter au corps social qu’est une équipe, d'être en submersion face aux compétences de couteau suisse parfois requises, et de s'exposer, de trop s'exposer… au point de se trouver en divergences profondes et en déstabilisation.