Chronique #2 : la Route !

Chronique #2 : la Route !

image extrait dessin animé avec panneau "route de l'automobiliste"

Qu’elle est belle ma route ! Cette voie qui aujourd’hui est considérée par la plupart des automobilistes comme étant un territoire réservé, n’appartenant qu’aux seuls heureux (évidemment !) possesseurs d’un véhicule automobile. Je vous invite ici à voir et revoir le fabuleux dessin animé « motor mania » qui rappelle très bien que la route appartient bien sûr à l’automobiliste puisqu’il/elle la paie.

Et bien, chères/chers automobilistes vous vous trompez complètement. Cette route ne vous appartient absolument pas et tous les modes de déplacements ont autant le droit d’utiliser cette infrastructure que vous-même au volant de votre bolide motorisé. D’ailleurs, piétons.es, cyclistes, trotinettistes, contribuent eux aussi au financement des routes si on doit ne regarder que ce point de vue.

Le Code de la Route le prévoit d’ailleurs explicitement en précisant les conditions de circulations des piétons et des autres engins sur ce type de routes. Au final, seules deux infrastructures routières sont formellement interdites aux autres véhicules que des véhicules motorisés. Vous les connaissez ? Il s’agit de l’autoroute, celui-ci est facile et connu, et de la route pour automobile. Vous savez ce panneau bleu avec une voiture blanche au milieu.

Alors oui, la route appartient à tous les modes et si l’on veut vraiment envisager une amélioration des conditions de déplacement il ne faut surtout pas créer de nouvelles infrastructures. Il faut les adapter et faire en sorte que l’on partage ce que l’on a qui est déjà largement suffisant. Ceci devrait être une évidence logique. Plus les individus irons vers des modes qualifiés de vertueux, moins on aura de déplacements automobiles donc moins on aura besoin de routes et l’on pourra donc utiliser ces mêmes routes pour d’autres usages. Créer de nouvelles routes ou, plus généralement de nouvelles voies (pour les vélos, les piétons, les trottinettes, les personnes en fauteuils roulants, les EDP…) c’est encore et toujours gaspiller du foncier pour la mobilité et donc se marcher sur la tête.

Oui, mais comment faire alors pour permettre le développement des modes alternatifs autres que l’automobile ? Et bien en appliquant des mesures « simples » qui rappelleront systématiquement que la route n’appartient pas aux automobilistes et à la voiture, mais que tous les modes y ont droit d’usage, tout en respectant des principes de base de sécurité et d’aménagement et, surtout, en ne venant pas consommer de l’espace foncier supplémentaire.

Deux illustrations.

La première est le cas de la route « à grande circulation », c’est-à-dire une route qui connait un trafic important avec pas mal de poids lourds. En France, on fait des grandes routes, très larges, sur des principes datant pour une part de la fin des année 90 (si si, les documents du CETUR sur la conception géométrique d’une route par exemple) et qui prônent donc tout un tas de mesures pour protéger l’automobiliste de tout risque d’accident. On aboutit donc à cette image avec une route très large, des bas-côtés dégagés, sans obstacles nulle part pour que l’automobiliste puisse rouler tranquillement en voyant loin. Et bien sûr, on limite à 90 km/h l’usage de cette piste d’aéroport parce qu’il ne faut pas rouler trop vite.  

Photo route Française (D766 après Château la Vallière)

Il est bien évident qu’il faut être folle ou fou pour vouloir se risquer à vélo ou à pied sur une telle route puisque les accotements (la bande dérasée) n’est pas praticable ou qu’il faut marcher dans l’herbe et que le cheminement le long d’une voie avec des véhicules qui roulent à 90 km/h n’est pas très plaisant. Toujours est-il que c’est la configuration de la route qui pose ici question et que nos amis germaniques ou hollandais proposent des solutions qui ne consomment pas plus de foncier, mais répondent autrement au besoin des différents modes, comme le montre la photo ci-dessous (merci google !)

Photo route pays Bas
schéma comparatif aménagement route français et germanique

Le petit schéma donne une explicitation rapide qui montre l’organisation différenciée de l’espace et le partage pour les modes pour une même surface occupée.

Alors, bien sûr, ce type de solution pose d’autres questions, qu’il s’agisse de sécurité routière, de mise en œuvre ou d’entretien. Mais ceci montre que notre conception routière reste monocentrée sur l’automobile et qu’elle a passablement oubliée tous les autres utilisateurs, et c’est bien dommage.

La deuxième illustration, c’est un nouvel aménagement arrivé il y a peu en France : le Chaucidoux ou la Chaussée sur Voie Centrale Banalisée (CVCB). Vous avez peut-être vu ces aménagements qui consistent simplement à supprimer la bande centrale de marquage de chaussée et à mettre deux bandes latérales pour les piétons et les cyclistes. On a ainsi l’impression d’avoir un sens unique quand on est automobiliste, mais ce n’est pas le cas.

photo chaucidoux Villequiers
panneau chaucidoux

Cet aménagement commence à se développer en France et présente 2 avantages majeurs. Le premier est de déstabiliser les automobilistes qui ne savent plus vraiment où ils ou elles doivent rouler, ce qui incite inévitablement à plus de vigilance. Le second est de proposer des lieux de circulations pour les piétons et les cyclistes sur une voie existante, sans consommer de foncier supplémentaire, mais simplement en partageant l’existant. Cependant, comme les habitudes ont la vie dure, les analyses effectuées par le CEREMA sur ce type d’aménagement montrent que le comportement des automobilistes reste assez paradoxal. En effet, avec un aménagement de ce type, les automobilistes doublent avec moins de marge de sécurité que sans marquage, pensant de façon sympathique, que le vélo ou le piéton n’a qu’à tenir sa droite bien entendu. Les cyclistes voient bien de quoi je veux parler je pense.

Voilà donc deux illustrations qui montrent que l’on peut réaménager nos voies de circulations pour faire en sorte qu’elles répondent réellement aux besoins actuels et futurs de mobilité, sans consommer de foncier supplémentaire, sans dégrader considérablement l’usage pour le mode automobile dominant.

J’espère juste que la lecture de ce petit article aura fait germer en vous cette petite réflexion quand vous serrez au volant de votre voiture : la route ne vous appartient pas et n’est pas une zone protégée, les autres modes ont autant que vous le droit de l’utiliser !

Alors soyons des homo mobilis raisonnés !

Gilles Gallichet

Co-directeur chez Habitat et Qualité de Vie

4 ans

Bravo Michel pour ce partage si opportun et si plein de bon sens ... unique .

Paul Ortais

Sustainable cities planner and high-end control systems architect - I do not invite without telling why

4 ans

Vu le Chaucidoux ou la Chaussée sur Voie Centrale Banalisée (CVCB) sur le pont de St Pierre de Vouvray, c'est particulièrement dérangeant et la grosse rigolade des habitants du coin. Difficile de savoir où on doit rouler, et comment on écrase les cycliste quand on se croise. Très perturbant en tout cas.

Jean BOUTRON

Travailleur indépendant du secteur Formation professionnelle

4 ans

Article très intéressant, merci Michel.

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