Chroniques : COVID-19, on t’aura ! Début février 2020
L’hôpital en grève imminente
Première semaine de février
Le COVID-19 passe en deuxième plan.
En effet, certains chefs de service et responsables des structures et directeurs de dispositif ont démissionné de leurs fonctions suite au mouvement de protestation qui anime la communauté médicale hospitalière depuis plusieurs mois. L’hôpital public est confronté à de graves difficultés. Le président de la CME partage l’inquiétude exprimée par toute la communauté de médecins devant le processus de dégradation de l’hôpital public. En attendant la suite de cette crise, les services s’organisent en fonction de la responsabilité individuelle et en fonction du sens collectif du service.
C’est-à-dire : c’est le bazar.
Une désorganisation massive débute. On envisage de faire des grèves.
Le personnel soignant se démobilise, prépare des mouvements de grève spontanés. Des affiches sont collées dans tous les services. Sur notre boîte mail, nous sommes inondés d’appels à mobilisation à la grève, réunions de crise etc…
Bref, le quotidien dans un service en mouvement social, en total décalage avec le COVID.
Quid du COVID ? On l’avait presque oublié.
Jusqu’au jour où un personnel soignant est arrêté pour fièvre et toux.
Masques chirurgicaux et suspects COVID-19
Deuxième semaine de février
Branle-bas de combat, les choses s’accélèrent : 10 COVID en réanimation en état critique, les urgences débordent de suspects COVID.
Il faut impérativement s’organiser pour isoler les parcours patients des parcours soignants, et des parcours COVID+ des parcours COVID -…
Quid du mouvement de grève ? Oublié. Tout le personnel se remobilise.
Devant cet effet affluence, chacun repart avec dans son sac au moins deux boîtes de masques, et dans certains hôpitaux jusqu’à 1000 litres de SHA disparaissent.
Les réunions s’enchaînent avec mise en place d’un dispositif référent pour les patients COVID. Toutefois, les staffs, les bibliographies, les formations restent ouvertes et continuent au rythme habituel.
La référente hygiène COVID fait le tour des services pour expliquer les mesures de protection pour les soignants au contact des patients COVID. En fait, ces patients sont en réanimation. Les personnels soignants les plus touchés sont donc les réanimateurs, le personnel de réanimation et les radiologues. La radiologie est le service carrefour par lequel passent les patients pour aller faire leur scanner, qui est un élément essentiel dans le diagnostic, pronostic et signes de gravité du COVID.
Les équipes de radiologie, les médecins et les personnels soignants prennent très au sérieux les mesures de protection. De façon efficace et ordonnée, des mesures d’isolement complet du parcours du patient COVID sont réalisées. Au diable l’administration ! Les mesures sont rapides.
Effectivement, avec les urgentistes, les radiologues prennent conscience de la gravité des patients porteurs COVID sans être identifiés comme tels. Il est décidé très tôt par les différents chefs de service que la radio et les urgences porteraient des masques chirurgicaux… tout le temps.
Tous les médecins s’équipent de masques. Il est très difficile de travailler dans des conditions pareilles. Sous le masque, il fait chaud. La respiration est difficile, hachée. Les yeux manquent d’expressivité, ou sont muets. Dans le service, il y a d’ailleurs un sourd muet qui lit sur les lèvres, et qui ne connaît pas le langage des signes. Quel problème pour lui de nous voir tous masqués !
L’établissement des parcours des patients COVID est bien fléché. Des annonces sont faites quand les patients arrivent pour permettre aux personnels de rester en dehors du parcours. Une équipe dédiée s’occupe des patients. Ils sont transformés en cosmonaute, avec des lunettes, une charlotte, une blouse, des gants… pour les suspects !
Par ailleurs, quel langage pour les malheureux patients atteints !
On les surnomme les “suspects”… Une désinfection complète est réalisée à leur départ.