CoViD-19 (II) : comment le Sdis 13 a anticipé...
Comment anticiper et voir la hauteur du pic ?
Comme expliqué dans le premier post, nous nous sommes progressivement éloignés du suivi du nombre de cas, non fiable à cause des pénuries de tests ; et de la létalité doublement faussée : car rapportée au nombre de cas, et pendant longtemps n’intégrant ni les décès à domicile, ni dans les Ehpad.
Nous nous sommes donc focalisés sur les hospitalisations quotidiennes, puisque le gouvernement donnait tous les jours un cumul d’hospitalisés, à différents niveaux. Nous savions que ce delta quotidien d’hospitalisations était constitué des admissions déduites des décès et sorties-guérisons du jour. Nous avons dans un premier temps pensé que ces deux derniers paramètres seraient à peu près constants. Hélas, nous nous sommes lourdement trompés. Le 25 mars notamment, en pleine montée épidémique, nous observions un « incident » de chute brutale des hospitalisations, par doublement ponctuel des retours à domicile (cf. ci-dessous).
Nous avons alors décidé de faire encore évoluer notre indicateur de suivi. Nous nous sommes donc fixés sur les admissions quotidiennes soit le delta des hospitalisations corrigé des décès et sorties-guérisons du jour. Les admissions A se calculent simplement :
Aj = (Hj – Hj-1) + (Dj-D j-1) + (Sj-S j-1) où H sont les hospitalisations, D les décès et S les sorties. Les indices matérialisent, eux, les jours d’observation (j) et la veille (j-1).
Il va de soi que les services hospitaliers n’ont pas à produire ce traitement des données, puisqu’ils possèdent directement les chiffres d’admission.
Intuitivement, mais aussi bien réellement, cet indicateur très basique rend parfaitement compte de la force de l’épidémie lorsque l’on ne peut pas se fier aux cas. Ceci restera toutefois possible pour d’autres épidémies dont le diagnostic serait purement clinique, immédiat et non réactif-dépendant.
Une autre condition nécessaire à la pertinence de cet indicateur est qu’il devient aveugle lorsqu’il n’y a pas de structure hospitalière, ou lorsque celle-ci est saturée et refuse les admissions (ce qui n’a jamais été le cas en France).
Ainsi, mieux et plus tôt que l’augmentation des cas, cet indicateur nous a permis de parler dès le 7 avril de « plateau descendant », après le passage de ce qui s’est révélé être le pic, à un moment où évidemment, il n’était pas question de crier victoire et nécessaire de conserver l’efficacité du confinement.
Cette même donnée, suivie au niveau régional et départemental a montré que nous nous étions trompés en pensant dans notre première évaluation, basée sur l’augmentation des cas, que la région et les Bouches-du-Rhône étaient en retard de phase (compté deux jours) en regard du pic national.
En fait les pics nous concernant (région y compris) ont tous été très proches du 1er avril.
Ce qui nous a intéressé très tôt, était d’essayer de modéliser le maximum (hauteur du pic). Nos suivis quotidiens, effectués par Camille Giraud et Hanane Chadli-Mauricio, ont montrés qu’il y avait une excellente corrélation entre nos missions CoViD et les admissions départementales (0,15 < ρ < 0,34 et ρ moyen 0,25). Ce ratio faible provient du fait que le service institutionnellement en charge est celui des transporteurs sanitaires privés, et que les marins pompiers assurent les transports pour la municipalité de Marseille.
Il nous fallait alors chercher dans les épidémies en avance de phase les maxima possibles d’admissions. Le grand Est et plus particulièrement le Haut Rhin aura probablement été le "champion de France", avec 25 admissions quotidiennes le 25 mars pour 100 000 habitants. Grâce à Nouhaila Amir, nous avons aussi eu accès aux données publiques en langue italienne et avons constaté que la Lombardie, elle, avait fait presque aussi bien avec quasiment 24 admissions pour 100 000 habitants au pic du 22 mars (attention toutefois à la comparaison de collectivités n’ayant pas la même taille).
Nous avions là nos situations envisageables les plus défavorables. Il suffisait de se mettre au calcul en anticipation. Ambre Carlavan et le commandant Pascal Bergé firent les calculs, complexes, d’autant que la baisse d’activité (-30 %) de nos opérations normales et la préservation de nos personnels nous avaient fait diminuer nos potentiels journaliers. Plusieurs éléments entrent en compte ici (durée en hommes heures des opérations CoViD, corrélation admissions-missions CoViD, indices de sollicitation individuelle moyens…) et seront à l’évidence publiés ultérieurement.
Quoiqu’il en soit, ces travaux sont encore en cours aujourd’hui et adaptés pour installer des « voyants rouges » lors de la sortie du confinement, afin d’adapter au jour le jour nos potentiels opérationnels journaliers, en fonction de regain d’activité ou de "flambées épidémiques" de retour toujours possibles. Avec l’évocation de la largeur du pic, nous en reparlerons dans le dernier papier.
PRÉSIDENT
4 ansnormal le bon sens du sud