coacher l'invisible

Avec la méthode des constellations familiales nous entrons dans un contexte de coaching extrêmement particulier dans lequel les ressentis et surtout l’intuition du coach poussés à leur maximum peuvent révéler des informations dont le coaché n’avait absolument parlé ,voire dont il n’était même pas au courant.

Vu de l’extérieur, cela peut ressembler à de la médiumnité et pourtant, je peux assurer que je ne suis absolument pas médium et que je ne m’intéresse pas aux sciences occultes.

Pour utiliser cette méthode, il suffit qu’un coaché me demande « veux-tu jouer le rôle de…. (par exemple mon père, ma mère, mon patron, mon client actuels, etc.). Puis indique un endroit de la pièce qui lui semblerait particulièrement adapté pour que j’y entre dans la peau du personnage et c’est parti.

Prenons un exemple, lorsque je commençais à pratiquer cette façon de travailler, une coachée me demande de jouer le rôle de son père. J’accepte volontiers. Elle me place juste derrière une armoire d’où je ne peux la voir que partiellement. Comme le demande la méthode, je commence par lui faire part de mes premiers ressentis et premières idées et je lui dis : « J’ai l’impression que je dois rester constamment les yeux fixés sur toi car tu es une dilettante ». À cet instant elle éclate en sanglots. Je sors de mon emplacement, je reprends mon rôle de coach et lui demande ce qui lui arrive. Elle m’explique avoir perdu toute confiance en elle à cause de son père qui la traitait souvent de dilettante. Je lui explique alors que je ne sais pas vraiment ce que ce mot signifie et que je ne l’avais jamais employé de ma vie...

Les constellations familiales, c’est cela : un moyen qui nous permet d’aller à la vitesse de l’éclair au cœur même de la vraie problématique du coaché et qui nous y conduit même si nous n’avions pas les éléments au départ.

Mais les constellations ne servent pas qu’à poser un bon diagnostic. Elles peuvent aller jusqu’à réparer les troubles. Dans ce cas, je travaille en binôme avec une collègue. Nous jouons des rôles différents et nous interagissons de manière à recréer de manière bénéfique les rapports humains entre les personnes marquantes pour mon coaché.

Il y a quelques années, par exemple, je travaillais avec une jeune femme qui en faisait vraiment trop pour ses supérieurs hiérarchiques. Dans les séances précédentes, elle m’avait déjà expliqué que cette fâcheuse tendance lui était née pendant l’adolescence auprès de sa mère dépressive qu’elle essayait sans cesse de prendre en charge. Face à elle, je joue le rôle de la mère et ma collègue joue le rôle de la coachée. Très vite me prend l’envie de m’agenouiller devant celle qui représente ma « fille ». Je m’exécute avant de me rendre compte que cette position me fait me sentir « enfant de ma fille », dépendant d’elle. Je demande alors à ma collègue d’inverser les positions : elle se met à genoux alors que je me lève. Je lui demande de me fixer dans les yeux et de me dire à haute voix « maman, c’est toi la grande et c’est moi la petite. C’est toi qui donnes et c’est moi qui reçois ». Un rire tonitruant nous fait alors sursauter. Ma coachée exulte « c’est ça, c’est vraiment comme ça que l’on doit être ma mère et moi ». Ce premier déblocage réalisé, nous pouvons nous atteler aux relations avec les supérieurs hiérarchiques.

Lorsque nous utilisons les constellations, nous tombons de manière quasi inévitable sur des choses aussi pertinentes qu’inattendues.

*************************************************

Séance avec Maryse :

Nous sommes en octobre 2015. Maryse est partner. Elle ressent le besoin de changer de cap professionnellement. Elle a l’impression d’avoir exploré tous les aspects de son métier actuel et aspire désormais à rejoindre une direction opérationnelle. Une opportunité secrète lui est offerte par un chasseur de têtes pour un poste dans un grand groupe, dont elle garde l’identité confidentielle. Elle partage avec moi ses préoccupations concernant des tensions et des conflits internes au sein de cette entreprise, qui la font douter de sa capacité à y trouver sa place. Plus elle décrit la complexité des interactions entre les membres de l’équipe, plus le défi semble insurmontable. Souhaitant lui éviter une perte de temps, je lui suggère d’utiliser la technique des constellations

Nous commençons par disposer des Post-its au sol pour représenter les acteurs clés de l’entreprise. Je me glisse dans la peau de chacun d’eux — le secrétaire général, les actionnaires, le client principal, et d’autres — en me plaçant sur les marques prévues pour eux. À chaque position, je m’efforce de ressentir ce que chaque personne pourrait éprouver, partageant avec Maryse mes impressions et émotions. Elle valide à chaque fois que mes ressentis correspondent à ses intuitions. Lorsque je me mets à la place du PDG, dont je ne connais pas l’identité, je me mets à penser très fort à… Hugh Hefner, le fondateur du journal Playboy. Quelques jours auparavant, j’avais lu un article le concernant expliquant qu’il avait acheté la tombe à côté de celle de Marilyn Monroe. Je ne vois absolument pas ce que ces pensées viennent faire là, mais l’image du vieil homme persiste en moi. J’en parle alors à Maryse qui trouve la ressemblance avec le PDG très juste : c'est un homme âgé, à la réputation sulfureuse de coureur invétéré de jeunes jupons et de macho. Nous mettons alors le doigt sur les véritables questions que Maryse doit se poser sur son éventuel rebond professionnel : « Est-ce que j’ai envie de travailler avec un homme comme cela ? », « Est-ce que la collaboration entre nous sera possible et saine ? ». Pour aider sa réflexion, elle m’apostrophe directement : « Peux-tu m’en dire plus sur notre future collaboration ? ». Je prends le temps de vraiment rentrer dans la peau du personnage avant de lui partager ce qui me traverse : « Quand je te regarde fixement, la réflexion qui monte en moi est que je ne mélange jamais le professionnel et le personnel. Ainsi, il n’y aura pas d’ambiguïté sexuelle entre nous. Par contre, étant donné que tu es une femme, je ne te verrai que comme une ressource et jamais je ne t’accorderai l’importance que j’accorderais à un homme ». « OK c’est clair », me répond-elle en ayant du mal à avaler sa salive.

Nous retournons nous asseoir et poursuivons la séance de manière plus classique.

— Ça me parle ce que tu as mis là en évidence. On m’avait relaté ses comportements avec les femmes et je crois que je ne voulais pas entendre.

— Peut-être que la peur que tu ressentais envers ce poste servait-elle à t’ouvrir les yeux sur ce que tu fuyais ?

— Oui, je crois que c’est vraiment ça ! Du coup, maintenant j’ai moins peur.

— C'est normal, la constellation a montré quelque chose de très inconfortable, mais qui n’est pas dangereux. Dis-moi, est-ce que tu sais ce que tu vas décider ?

— Je crois que je le sais oui. Mais j’ai besoin d’y penser encore un peu toute seule, je te répondrai la prochaine fois.

Finalement partante pour ce poste, Maryse passera une année épanouissante à mener des projets qui lui tiennent à cœur. Mais brutalement, son patron devient lunatique, lui confiant puis lui retirant de nombreux dossiers. De retour en coaching, nous réaliserons une nouvelle constellation révélatrice des dynamiques avec chacun des dirigeants. Forte de ces insights, Maryse choisit de démissionner tout en négociant habilement des indemnités de rupture.