Comment atteindre une croissance économique à 2 chiffres d’ici 2027 au Cameroun?
www.google.com

Comment atteindre une croissance économique à 2 chiffres d’ici 2027 au Cameroun?

Les autorités camerounaises ont adopté, depuis 2009, une vision de développement à long terme qui vise à faire du pays « un pays émergent démocratique et uni dans sa diversité à l’horizon 2035 ». Processus divisé en 3 parties, la Vision 2035, inscrite dans le Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi, sert de boussole dans la mise en application des politiques publiques. Cette vision se décompose ainsi qu’il suit:

Phase 1: 2010-2019 dont l’objectif principal est la modernisation de l’économie et l’accélération de la croissance; Phase 2: 2020-2027 qui verra le Cameroun franchir le stade de pays à revenu intermédiaire tranche supérieure; Phase 3: 2028-2035 dans laquelle le Cameroun atteindra le statut de nouveau pays industrialisé. Des lors, que retenir au terme de la première phase? Comment envisager le deuxième phase?

I. Une économie Camerounaise dynamique mais exposée à des menaces réelles

Au terme de la première phase de la Vision 2035, on peut noter que le Cameroun bénéficie, depuis quelques années, de taux de croissance économique positifs, soutenus et sur une tendance haussière (3,5% en 2017 ; 3,8% en 2018 ; 4,4% et 4,7% projetés en 2019 et 2020 respectivement). Il est intéressant de dire que les taux de 2019 et 2020, sont supérieurs aux taux de la région Afrique (4% en 2019 contre 4,1% pour 2020 pour la région). Le pays connait aussi des taux d’inflation assez bas et inférieurs de 3%, la norme communautaire dans la CEMAC. Davantage, le Cameroun connait une baisse des niveaux de pauvreté depuis quelques années.

Malgré ces signaux positifs, le pays fait face aux défis et menaces tels: (i) une forte exposition aux variations des cours mondiaux de matières premières; (ii) le problème de chômage, de sous-emploi et de la création d’emplois ; (iii) la vulnérabilité de la dette publique; (iv) et la dégradation de la situation sécuritaire dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest.

Au regard de toutes ces menaces et réussites, il est urgent de consolider les acquis et surtout d’actionner des leviers nouveaux qui pourront permettre au pays de franchir le cap de pays à revenu intermédiaire tranche supérieure d’ici 2027.

II. Investissements et industrialisation comme moteurs de la phase 2 en vue de l’Émergence au Cameroun

Je crois sincèrement qu’il faut 2 choses pour que mon pays atteigne le seuil de pays à revenu intermédiaire tranche supérieure d’ici 2027. Juste 2 choses. Pas trois. Premièrement, il faut attirer les investissements directs étrangers. Deuxièmement, il faut urgemment réduire la pression fiscale des entreprises. Pourquoi? Je m’explique.

Le Cameroun a, durant la phase 1 de la Vision 2035, mis en jeu des montants colossaux dans les infrastructures et la mise à jour ou la mise à niveau de certains secteurs de l’économie. Les économistes du régime au pouvoir depuis le 06 Novembre 1982, ont appelé cela, les Grands Chantiers. En effet, des barrages de Memve’ele, Lom Pangar, Hydro-Mekin, à l’autoroute Yaounde-Douala, en passant par le Port Autonome de Kribi ou bien le second Pont sur le Wouri, les autorités camerounaises ont fait tout pour positionner le Cameroun sur un sentier de croissance potentielle. Ces projets devaient permettre, suivant la logique keynésienne, de créer: (i) un environnement favorable pour les entreprises et le secteur privé; et (ii) des emplois à travers le fameux multiplicateur de la dépense.

Hélas, tel n’est pas le cas actuellement. Moins de 10000 emplois créés par exemple en 2014; loin des 250000 emplois annoncés la même année. Les lenteurs, le détournement des fonds et la corruption font de certains projets des gouffres financiers. De même, les dettes contractées pour financer ces projets représentent des menaces »lointaines mais certaines » pour les générations futures. Ces dettes limitent aussi la capacité des autorités de soutenir l’économie dans l’éventualité d’une récession ou d’une crise financière.

Il est donc clair qu’on ne peut pas avancer comme cela. Les pesanteurs actuelles empêchent le pays d’atteindre sa croissance potentielle. Il faut changer de paradigme. Migrer vers un système économique de type libéral. L’État ne peut/ne doit pas tout faire. D’ici 2027, il ne doit pas être le premier employeur comme c’est le cas actuellement. On doit renverser la tendance: en attirant davantage d’investissements directs étrangers, en étant attractif, en offrant des opportunités. Les statistiques de la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement montrent que, sur la période 2009-2016, les IDEs ont contribués marginalement à la Formation Brute de Capital Fixe (investissements) au Cameroun. Les entrées nettes des IDEs n’ont jamais dépassé 3% du PIB depuis 2009. Ce n’est pas le cas des pays comme Maurice ou bien le Sénégal qui sont positionnés actuellement sur des sentiers de croissance supérieurs à celui du Cameroun.

Au cours de la phase 2, et en vue d’attirer davantage d’IDEs, L’État doit plutôt se charger de veiller au respect des lois qui garantissent les libertés individuelles, la sécurité des biens, la sécurité des contrats et la sécurité des personnes. Cela passe par 3 choses fondamentales: (i) la primauté des règles de droit (la loi s’applique de la même manière à tout le monde); (ii) la libre entreprise (avec un accent mis sur la compétition, la Recherche & Développement et l’innovation); et (iii) une présence marginale de l’État dans l’économie (qui pourra néanmoins intervenir en cas de distorsions et défaillances sur les marchés).

D’autre part, parce que le tissu des PMEs camerounaises est relativement jeune, il est urgent de réduire la pression fiscale des entreprises au Cameroun. En effet, suivant le Recensement Général des Entreprises N.2 (2016) de l’Institut National de la Statistique, la fiscalité reste le premier obstacle au développement des entreprises au Cameroun. La fiscalité fut aussi citée en 2009 comme le premier obstacle.

Réduire la fiscalité liée aux entreprises permettrait de densifier et de solidifier l’écosystème des PMEs en vue de mettre en place un système économique qui crée des opportunités pour tous. Juste pour donner un ordre d’idées: la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) au Cameroun est de 19,25%. Or au Nigeria, elle est de 5%. De même, l’Impôt sur les Sociétés (IS) au Cameroun est de 33%. Or au Nigeria, il est de 30%. C’est vraiment urgent de réduire cette pression fiscale au Cameroun via des crédits d’impôts par exemple. Les entreprises individuelles, prépondérantes dans l’économie, se doivent d’effectuer une profonde mutation pour rester compétitives et ne pas »mourir ». Elles étaient 89% de l’ensemble des entreprises recensées en 2009. Elles forment 97% de l’ensemble des entreprises recensées en 2016. Tout ceci semble expliquer pourquoi la majorité (77,5%) des entreprises dénombrées en 2016 ont au plus 6 ans d’âge.

Pour finir, le changement de paradigme implique aussi un changement d’orientation. Pour une économie qui souhaite émerger, produire et exporter des biens manufacturiers doit être LE leitmotiv. Les PMEs doivent, de ce fait, s’engager massivement dans le secteur secondaire. Le secteur tertiaire actuellement prépondérant dans l’économie (84,2% des unités recensées en 2016) doit laisser place a une activité manufacturière (15,6% des unités recensées en 2016) intense, créatrice d’emplois et d’opportunités pour tous.

Ulrich D’POLA KAMDEM, Économiste et Analyste en Politiques Publiques 


Identifiez-vous pour afficher ou ajouter un commentaire

Plus d’articles de Ulrich D'POLA

Autres pages consultées

Explorer les sujets