Prélèvements fiscaux et vie du travailleur : une curiosité en Afrique centrale !
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Prélèvements fiscaux et vie du travailleur : une curiosité en Afrique centrale !

  1. A la perception du salaire, le travailleur est prélevé. C’est normal. Impôt sur le revenu, taxe de développement local, redevance audiovisuelle, centimes additionnels communaux, caisse de prévoyance sociale, et bien d’autres. Tout ça figure sur les bulletins de paie. Bien sûr, les bulletins de paie c’est pour ceux et celles qui ont la chance d’en avoir. Car on connait bien comment ça se passe souvent dans certaines entreprises.
  2. Lorsque ce salaire net arrive enfin sur le compte courant, la banque commerciale coupe sa part. Certaines appellent ça « commissions sur package ». Frais mensuels d’entretien, système d’alerte, etc. Bref, les banquiers ne manquent jamais de justificatifs pour débiter les comptes. Vous restez et l’alerte SMS vient dans votre téléphone. Tellement prompts à débiter, qu’on ne serait pas surpris un jour de voir qu’ils aient débité mon compte pour organiser l’anniversaire du Chef d’Agence. Voici ce que me confiait un jour, un salarié dépité. Tout ça, c’est une autre « taxe déguisée » qui n’est pas mauvaise car, en réalité, la banque garde votre argent pendant que vous dormez. C’est une sorte de « katika » ou de « parrain ». Il faut supporter seulement.
  3. Ainsi, sans avoir touché le salaire net (du moins, les billets de banque), le salarié a déjà enduré 2 niveaux de « coupe », mieux, de prélèvements.
  4. Une fois que les billets sont retirés, les achats pour la vie du ménage sont faits au supermarché le plus proche. Là-bas, le portefeuille se fait caresser par la fameuse taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Dans certains pays c’est 19,25%. Les gens aimeraient bien savoir sur quelle base on avait fixé ce taux.  Pourquoi 19,25% ? Pourquoi pas 10% ou 8%? Ce qui fait mal c’est que le salarié qui y dépense 100 000 Fcfa, se retrouve en train de laisser 19 250 Fcfa. Grosse perte du pouvoir d’achat ! Voici le troisième niveau de coupe, pardon, de prélèvement.
  5. Quand le salarié a fini ses courses, et a payé ses charges locatives (logement pour ceux et celles qui n’ont pas encore une maison, eau et électricité), le reflexe souvent c’est d’étancher sa soif dans un bar, snack, ou une cave question de socialiser avec d’autres compatriotes. Mais là encore, pour les consommateurs de bières, vins et liqueurs, les prix sont fluctuants, allant du simple au double, en fonction de l’endroit sollicité. Une « autre taxe déguisée » est appliquée. C’est le quatrième niveau de prélèvement.
  6. Pour les plus courageux qui dépassent le quatrième niveau de prélèvement, ils réussissent à épargner pour s’acheter une parcelle de terre, un véhicule, ou encore démarrer un business (side hustle). Pour le véhicule et la parcelle de terre, il faudra payer les droits de timbre, l’assurance, les frais de douane, etc. Si le salarié a une maison, il devra payer la taxe foncière. S’agissant du side hustle, lorsque la boutique va ouvrir, ce sera le défilé des agents de mairie pour réclamer le paiement de l’impôt libératoire, de la taxe d’hygiène et bien d’autres. C’est le cinquième niveau de prélèvement.
  7. On constate alors qu’une partie non négligeable du salaire net perçu s’est volatilisée dans les différents prélèvements. Le salarié a l’impression qu’il bosse pour rien au final.
  8. Dans un contexte de plus en plus marqué par une fuite accrue des cerveaux, il serait juste que les décideurs publics de ces pays se penchent, de manière sérieuse, sur l’opportunité et la pertinence de certains prélèvements. Le discours sur le patriotisme et l’amour du pays ne résoudront pas tout, malheureusement ! Il faudra plus d’actions concrètes et une volonté politique affirmée et réelle.
  9. Très peu de pays dans la région pourront, en effet, maintenir une masse critique de Chercheurs, d’Enseignants, de Médecins, d’Ingénieurs, d'Auditeurs, de Statisticiens, de Banquiers, etc. si ces pays ne peuvent pas garantir à ces personnes moins de prélèvements, un meilleur pouvoir d’achat, et surtout un meilleur service public : de bonnes infrastructures routières et ferroviaires, de l’eau potable et l’électricité en continue et en abondance, un meilleur plateau sanitaire, un système éducatif de qualité, etc. En effet, ces personnes bien formées et actives sont cruciales pour le décollage et l'émergence économiques de ces pays .
  10. Si ces garanties ne sont pas certaines et acquises, alors c’est logique que des salariés (du secteur public comme du secteur privé) opèrent des choix rationnels à savoir immigrer et mettre leurs compétences au service des pays qui peuvent leur permettre de mener une vie humainement viable – et ceci malgré des prélèvements peut-être plus élevés dans ces pays d’accueil.

Ulrich D’POLA, Economist and Senior Policy Analyst

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