Comment concilier compétitivité industrielle et décarbonation ?

Comment concilier compétitivité industrielle et décarbonation ?

Retour sur la soirée du 29 février 2024 au Cercle de l'Union Interallié organisée par la Chambre Franco-Allemande de Commerce et d'Industrie

Le partenariat dynamique entre la France et l'Allemagne s'affirme comme le moteur des réformes audacieuses au sein de l'Union européenne.

Un récent exemple frappant en est la réforme du marché de l’électricité, visant à plus que doubler la production annuelle des énergies solaire et éolienne entre 2022 et 2030 (passant de 400 gigawatts à 1 100 gigawatts). Cette initiative vise non seulement à stabiliser les prix de l’énergie mais aussi à renforcer la compétitivité de nos entreprises. S'intégrant dans le cadre réglementaire d'une industrie durable, l'objectif ultime demeure la neutralité carbone d'ici 2050.

Quels sont les leviers de cette transformation ?

Il s'agit avant tout d'accélérer les processus d'octroi de permis de construire et de simplifier le cadre juridique pour les industries « zéro net » de l'UE. La promotion de l'innovation, par le biais de la stimulation de la demande des consommateurs et des marchés publics, ainsi que le renforcement substantiel des compétences grâce à la plateforme « Europe zéro net », sont également des piliers essentiels de cette évolution.

Cependant, ces efforts ne suffiront pas à eux seuls.

La dette publique en France atteint déjà des sommets (112 % du PIB début 2023), tandis que l’Allemagne veille à maintenir la sienne sous contrôle (66 % du PIB). Rappelons que nos deux nations étaient presque à égalité en 2011.

C'est pourquoi les entreprises devront prendre le relais des investissements, en mettant l'accent sur des solutions innovantes. En France, l'industrie représente 18 % des émissions de CO2, mais elle détient également les clés de « 100 % des solutions ».

Les industriels présents à la table ronde ne manquaient pas d'initiatives.

Quleques exemples :

  • Plastic Omnium, qui a investi 200 m€ depuis 2015 sur la chaîne de valeur de l’hydrogène. Les activités génératrices de trésorerie, principalement liées au secteur thermique, contribuent en partie au financement des activités à faibles marges, voire déficitaires, telles que celles liées à l'hydrogène ou à l'électrification. Cette situation survient alors que les volumes de véhicules électriques ne répondent pas nécessairement aux attentes et que la compétition, notamment avec la Chine, s'intensifie.
  • Siemens Energy, qui avec l’usine éolienne de Siemens Gamesa au Havre a le plus gros projet industriel dédié aux énergies renouvelables en France. Le soutien public s’avère cependant indispensable pour mener à bien ces grands projets … comme l’ont illustré les garanties bancaires apportées il y a quelques mois par l’Etat fédéral allemand.
  • BASF, qui a répondu cette semaine à l’appel de la présidence de l’UE et de la Présidente de la Commission européenne pour un Pacte industriel européen : « Il n’y aura pas de transition énergétique sans industrie ». BASF suit et publie depuis 2008 un bilan carbone complet, avec un travail considérable sur ses scopes 1 (et un besoin d’électrification massif) et l’accompagnement sur toutes ses chaînes de valeur (scope 3).
  • Dräger, qui travaille de l’écoconception jusqu’au recyclage pour des produits plus transportables (« carré vs rond »), moins cassables ; plus réparables et moins coûteux, par exemple sur ses filtres mécaniques
  • KSB, qui par la sobriété, l’écoconception (réduction de l’épaisseur des fontes, disparition des solvants …), l’isolation et la mise en place de pompes à chaleur réduit drastiquement les émissions de CO2 de ses sites industriels.

 

De bonnes nouvelles, mais rappelons que … : 

... sur les 10 véhicules électriques les plus vendus au monde, seuls 2 sont de marque Tesla, les 8 autres provenant de Chine.

... malgré l'essor de la production locale, plus de 90 % des masques sanitaires sont aujourd'hui importés, principalement de Chine. Sur les 30 usines ouvertes entre 2020 et 2021, 80 % ont cessé leur activité.

... alors que les émissions de CO2 françaises ont diminué de 30 % entre 1995 et 2018, les émissions importées ont augmenté de 78 % sur la même période, soulignant ainsi l'impératif d'une réindustrialisation pour une transition écologique réelle.

... selon l’OCDE, seulement 7 % des projets d'hydrogène annoncés pourraient voir le jour d’ici 2030. Les raisons de ce retard résideraient dans une stimulation insuffisante de la demande, un manque de visibilité et une lenteur dans la structuration du cadre réglementaire en France et en Europe. Les porteurs de projets rencontrent des difficultés à obtenir des financements, en raison notamment des attentes complexes en termes de retours sur investissements, dans un contexte où les projections de prix de l’énergie sont sujettes à de multiples variables.


La transition vers une industrie verte sera coûteuse, mais elle est indispensable pour notre avenir.

Il faut accepter que le made in France le soit aussi. Les pouvoirs publics et les donneurs d’ordre doivent acheter européens, quand les géants états-uniens et chinois mettent tout en œuvre pour soutenir leurs champions. Il est impératif que les pouvoirs publics et les acteurs économiques soutiennent les initiatives européennes et protègent nos chaînes de valeur. La réindustrialisation ne doit pas entraver la décarbonation, mais plutôt s'y associer pour renforcer notre compétitivité sur la scène mondiale.

Unissons la souplesse et la créativité françaises avec la précision et la rigueur allemandes pour développer des solutions innovantes et durables. Transformons nos différences culturelles en atouts pour façonner l'avenir commun de l'Europe.

Comme le rappelait hier soir Stephan Steinlein, l'ambassadeur d'Allemagne (citant Konrad Adenauer) :

« Wenn zwei Menschen immer die gleiche Meinung haben, taugen beide nichts. »

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