Comment conserver ce que les équipes ont créé pendant le confinement ?
Dès le début du confinement, les managers ont déployé une immense énergie pour garder le contact avec leurs équipes. Si un micro et une caméra ne peuvent pas remplacer la chair et les os, ils ont permis d'assurer la continuité de l'activité. Mais pas seulement. La volonté revendiquée n’était pas uniquement de soutenir le business mais bien de « garder les liens ». L'humain, tenu comme acquis, est devenu soudainement une valeur à défendre becs et ongles.
Cette nécessité a généré de la part des managers et de leur équipe une créativité folle. L’esprit de compétition se déplaçant de la pure performance à la meilleure façon « d’être ensemble » malgré les contraintes : faire du sport en équipe tous les matins, organiser des apéros virtuels le vendredi, prendre des nouvelles avant de commencer une réunion… bref créer des rendez-vous qui se devaient d’abord d’être informels.
Au fil des visio-conférences, on a découvert les intérieurs de chacun - boss, collègues ou clients. Pas toujours bien-sûr, certains arrière-plans restaient neutres ou cachés, mais qui n’a pas regardé attentivement les choix décoratifs de l’un ou les mugs échoués sur la table de l’autre ? Le travail entièrement digitalisé nous a fait rentrer dans l’intimité de chacun et curieusement, plutôt que de ne provoquer (que) des moqueries ou de la gêne, cela a pu nous rapprocher. Cela a créé de l’émotion, voire de la tendresse. On voit l’autre différemment, sous d’autres facettes, sous la couche solidement entretenue du professionnel, du statut, du rôle. La perception qu’on a d’une personne peut évoluer – les jugements, les aprioris se transforment, s’atténuent. On laisse un peu tomber les barrières, on rit plutôt que de critiquer, on se relâche. Et cela devient finalement plus simple de communiquer, d’être bienveillant. On s’attache les uns aux autres plutôt que de cultiver la distance au bureau.
Et puis, pendant une réunion, un chat vient se frotter à l’écran, des enfants viennent se planter dans le décor, un compagnon demande ce qu’on mange ce soir. L’imprévu est soudainement accepté, voire apprécié. Voire attendu ! Car il amène de la chaleur, ponctue, apporte une respiration. La spontanéité reprend sa place dans l’espace de travail. On ne peut plus contrôler, encore moins quand c’est la technologie qui nous trahit, quand la connexion se détériore et on l’accepte parce qu’on sait que personne n’est à l’abri et que la prochaine fois, ce sera peut-être nous…. On a gagné en souplesse. On a lâché prise.
Évidemment, pour éviter la cacophonie en visio, bien obligé de distribuer la parole, de respecter la parole de l’autre, de l’écouter. Créant ainsi un espace potentiellement plus respectueux, plus attentif. Les réunions, si elles peuvent rester (toujours) chronophages, retrouvent les bases de fonctionnement d’une assemblée. Une certaine égalité s’impose naturellement.
Et puis enfin, parmi toutes ces fenêtres de nos collaborateurs affichées sur l’écran, il y a la nôtre. On est là, on se voit littéralement au milieu de notre équipe. Pas toujours facile de se voir constamment, mais comment ne pas percevoir de la façon la plus directe, la plus évidente que nous appartenons, que nous faisons partie ?
Créativité, attachement, émotion, tolérance, lâcher-prise, spontanéité, respect, attention, inclusion…. Des valeurs qui manquent parfois si cruellement dans un open space. Des valeurs qui n’ont tendance à émerger que parce qu’il y a crise… Pas partout, pas tout le temps bien-sûr, mais déjà un peu.
Alors oui, on sera heureux de retrouver ses collègues, la machine à café, un bureau sans enfants, sans repas à préparer, de ne plus avoir à se concentrer sur une image pixelisée pendant des heures, à porter des écouteurs. On sera heureux d’abandonner ce qui nous épuisait.
Mais comment prolonger ce brin de magie créé lors du confinement ? Comment le conserver quand on reviendra dans un environnement plus codé, empreint de règles ? Et comment le faire en remettant bien soigneusement les limites entre la vie pro et perso de chacun ?
Peut-être en identifiant, en équipe, toutes ces valeurs qu’on a développé sous la contrainte, de les partager, de les affirmer haut et fort ? Ce qui nous a plu et ce qui a été difficile dans ce travail connecté afin de pouvoir imaginer une nouvelle façon de communiquer, de s’organiser, d’échanger ? En se rappelant ce que c’était que d’être soi-même, d’être plus tolérant et bienveillant avec soi et les autres, de lâcher un peu prise ?
Peut-être en se donnant le temps de parler et d’analyser cet épisode avant de foncer de nouveau tête baissée dans le business as usual, pour renforcer cet attachement ?