Comment expliquer la hausse, annoncée par l'Assurance Maladie, des troubles psychiques en entreprise ?
La CNAM a publié le 16 janvier un bilan confirmant la hausse des maladies psychiques liées au travail, depuis 5 ans. Cette information m’interroge sur à plusieurs titres, bien qu’elle soit sans surprise au vu des nombreux articles sur ce sujet et le développement des cabinets de consulting en risques psychosociaux ces dernières années. Depuis 5 ans, nous avons également vu l'émergence et la montée en puissance des réseaux sociaux et outils numériques, qui rendent plus poreuse la frontière entre vie privée et vie personnelle. Pourrait-on faire un lien entre les maladies psychiques et la transition digitale actuelle ?
A mon sens, les résultats de l'étude de l'Assurance Maladie pourraient s'étudier sous plusieurs angles (voire tous à la fois) :
- Soit ces affections sont tout simplement davantage reconnues et prises en charge par la CPAM, ce qui expliquerait la hausse des chiffres.
- Soit l’accélération et l'omniprésence des outils digitaux empêcheraient les individus de faire des "pauses cérébrales" et de se concentrer sur leurs tâches, menant ainsi à l'épuisement psychologique. On pourrait y ajouter la notion de ‘charge mentale’ toujours plus présente, notamment chez la femme qui travaille et cumule différentes responsabilités.
- Soit l'organisation du travail dans les entreprises, en changement permanent, accélérerait les risques psychologiques, de part un besoin permanent des salariés de se réadapter. Je pourrais citer un exemple simple d’une personne rencontrée récemment : elle doit changer toutes les semaines de bureau car sa direction estime que cela permet un meilleur échange entre les salariés.
- Mais aussi, le manque d'assertivité de la part des salariés, par peur de perdre son job, de se voir mettre au placard dans au monde professionnel incertain, ne permettrait plus de poser des limites et dire simplement « non, je ne peux pas ». Un reportage intéressant de France 2 (JT de 13h du 16/01/18) sur ce thème a pointé du doigt ce dernier point. Les salariés en souffrance doivent alors apprendre à retrouver confiance en eux et s’affirmer.
Ce même reportage apporte un autre angle encore peu développé aujourd’hui : le burnout du dirigeant dans les TPE-PME. En effet, les salariés ne sont pas les seuls touchés. Les dirigeants de petites entreprises doivent paraître infaillibles vis-à-vis de leurs employés. Ils doivent gérer l’entreprise et ses hommes tout en occupant un poste opérationnel à plein temps. Un dirigeant multi-casquettes, sur-investit dans sa société 7 jours sur 7 pour suivre le rythme effréné de la société actuelle, travaille souvent jusqu’à en oublier sa santé.
Le challenge pour les salariés aujourd'hui sera donc de travailler sur eux-mêmes pour retrouver un équilibre perso/pro et savoir fixer des limites. Les entreprises, quant à elles, devront développer davantage leurs plans de prévention des risques psychosociaux, ainsi que l’encourage la CPAM. Développer la Qualité de Vie au Travail pour réduire les risques psychosociaux ne doit pas se limiter à désigner un Happy Chief Officer, proposer des séances de méditation ou un baby-foot en salle de pause. Il s’agit de travailler plus en profondeur sur les causes du malaise des salariés et réintégrer dans le management, la reconnaissance des individus, malheureusement perdue au nom de la productivité.