Comment faire pour que auto-organisation ne rime pas avec chaos?
L’auto-organisation des équipes est une thématique récurrente en entreprise. Elle s’applique autant aux équipes de direction qu’aux équipes opérationnelles, qu’elle soit liée à une volonté d’améliorer leur performance ou dans le cadre de transformations agiles.
Voici, présentées sous forme d’interview, des réponses aux principales interrogations rencontrées lors de nos accompagnements.
Interview
Nous recevons aujourd’hui Grégoire, coach agile, pour parler de l’impact de l’auto-organisation sur la performance d’équipe ainsi que des risques et craintes qui lui sont associés.
Bonjour Grégoire. Vous êtes coach agile et intervenez auprès de différents clients pour les accompagner. Pouvez-vous nous résumer en quelques mots en quoi cela consiste?
Bonjour. Pour faire simple, je dirais que mon quotidien consiste à aider mes clients à améliorer leurs méthodes de travail. Généralement, il s’agit de leur permettre de fluidifier leurs processus pour diminuer les délais, de se focaliser sur les activités apportant une vraie valeur ajoutée, et de permettre aux équipes d’être autonomes et de s’auto-organiser afin de gérer au mieux leur travail.
Vous parlez d’auto-organisation, cela tombe bien, c’est justement le sujet principal de cet interview : “Comment faire pour que l’auto-organisation ne vire pas au chaos?”.
C’est en effet une question qui revient souvent lors de mes interventions. Tout d’abord, je tiens à préciser que le chaos n’est pas forcément une chose négative. Par exemple, lors d’ateliers créatifs et d’innovation, c’est même un prérequis à l’émergence d’idées “sortant du cadre”. En bref, dans un système chaotique, on ne sait pas ce qui va émerger, et cela peut être tant bénéfique que nocif.
A l’opposé, dans un système organisé on sait ce que l’on aimerait voir émerger. Aussi, dans le cas d’équipes travaillant dans un but donné, on va chercher à s’assurer que l’effet de leur travail soit aligné avec ce but.
Hum… du coup, j’ai du mal à voir la différence… si on laisse les équipes s’auto-organiser, qui nous dit que ce qui va émerger ne sera pas chaotique, voire même nocif?
C’est pour cela qu’il est important d’aligner les équipes sur l’objectif à atteindre ! Si l’équipe ne sait pas où elle doit aller, il y a de fortes chances qu’elle aille dans une direction non souhaitée… Il n’est pas pour autant nécessaire de micro-manager la moindre action de chacun de ses membres. Pour illustrer mon propos, je vous invite à regarder la matrice “Alignement-Autonomie” de Henrik Kniberg. Il faut aussi que l’équipe dispose d’un cadre de travail clair et sécurisé. Les redevabilités de l’équipe se doivent non seulement d’être comprises par l’équipe mais aussi validées à l’extérieur.
Il n’est pas nécessaire de micro-manager
Je vois, cela permet en effet de faire en sorte que les membres de l’équipe cherchent tous à résoudre le même problème. Cependant, qu’est-ce qui garantit qu’ils vont bien travailler de concert?
Si je comprends bien, il s’agit de répondre à la question : “comment s’assurer que l’on est en présence d’une vraie équipe, et non d’un groupe d’individus placés ensemble?” C’est une bonne question. Un des enjeux majeurs de l’accompagnement d’une équipe, que ce soit une équipe opérationnelle ou une équipe de direction, est de s’assurer qu’elle soit fonctionnelle. Ou plutôt, si l’on reprend la formulation de Patrick Lencioni : s’assurer qu’elle ne soit pas dysfonctionnelle ! Pour cela, on va s’attacher à garantir 5 aspects : la confiance des uns envers les autres, le franc-parler (plutôt qu’une fausse bienveillance), un vrai engagement envers les décisions du groupe (même si on avait un avis différent de cette décision), la responsabilisation (tant collective sur les résultats, qu’individuelle sur les moyens) et l’attention aux résultats (faisant primer ceux de l’équipe sur les individuels).
Très bien. Admettons que nous soyons en présence d’une “vraie” équipe, pour reprendre vos mots, comment cela se passe t-il concrètement dans leur quotidien?
Au quotidien, cela passe par de la transparence sur le travail en cours, sur les points de blocages rencontrés et sur les risques pesant sur l’atteinte des objectifs. Il faut également s’assurer de rendre explicite les règles de fonctionnement et les responsabilités associées à chaque rôle. A noter qu’il est possible de faire tourner régulièrement ces rôles dans l’équipe, en fonction des appétences, des compétences et de l'énergie de chacun. Et surtout, on passe des responsabilités individuelles à une responsabilité collective : toute l’équipe s'entraide pour réussir à atteindre des objectifs communs.
Et comment peut-on garantir que les personnes ne vont pas tirer au flanc?
Aussi étrange que cela puisse paraître, lorsque le travail a du sens et que le salaire est décent, les collaborateurs ont envie de travailler. Et lorsqu’en plus ils ont un pouvoir de décision sur leur périmètre d’action, ils sont même engagés dans leur travail. Je conseille la lecture du livre “La vérité sur ce qui nous motive” de Daniel Pink sur ce sujet. Il permet de comprendre pourquoi les employés sont plus productifs dans ce mode d’organisation plutôt qu’avec l’habituel “carotte ou bâton”.
De plus, il est plus motivant de travailler à l’atteinte d’objectifs fixés entre pairs plutôt que ceux qui seraient définis par un manager qui s’est engagé à votre place...
Certes, je vois bien l’effet que cela peut avoir sur la motivation de l’équipe. Mais que se passe-t-il lorsque les membres de l’équipe ne sont pas d’accord? Surtout quand on sait les travers des systèmes tels que le vote majoritaire (ayant tendance à pousser au “vote utile”) ou la prise de décision par consensus (ayant tendance à faire choisir des solutions non cohérentes)…
Il existe plein d’autres systèmes permettant d’aider à la prise de “bonnes” décisions, que ce soit l’advice process, le vote par consentement ou le scrutin de Condorcet pour ne citer qu’eux. D’ailleurs, suivant le type de décision à prendre, certains seront plus adaptés que d’autres. Parfois, l’équipe choisira de s’en remettre à la décision de son “leader”, que celui-ci soit le manager ou un membre de l’équipe.
En parlant du manager, quelle est sa place dans ce mode d’organisation?
Le manager va adopter des postures permettant aux équipes d’atteindre plus facilement leurs objectifs. Il va donner du sens au travail, notamment en s’assurant du partage d’une vision commune des objectifs à atteindre et de l’alignement de l’équipe sur celle-ci. Il va également faire en sorte que l’équipe ait les moyens de réaliser son travail, que ce soit en facilitant les interactions avec les autres équipes, en levant les obstacles ou en garantissant la bonne escalade des sujets hors de la main de l’équipe. Enfin, il va favoriser l'émergence de leadership au sein de l’équipe en lui garantissant l’autonomie nécessaire à une vraie prise de décision.
S’assurer du leadership au sein de l’équipe? Ce n’est donc pas lui le leader de l’équipe?
Le leadership a cette particularité qu’il ne se décrète pas. Il émerge, on peut le reconnaître, il peut être partagé mais en aucun cas prédéterminé. On peut nommer le manager d’une équipe (ou son capitaine) et espérer qu’il fasse preuve de leadership voire qu’il le cultive, mais il est impossible de garantir qu’il sera le vrai leader de l’équipe…
Un leader se reconnaît au fait qu’il est suivi et non intronisé… Comme aimait le dire l’une de mes connaissances :
“A leader without follower is just a loner”
Merci à vous pour vos réponses, je pense que l’on va conclure l’interview sur cette citation !
Merci à vous.
A ceux qui auraient des questions supplémentaires, je serais ravi d’y répondre en commentaires.
Référent Numérique Responsable pour les Caisses Régionales du Crédit Agricole
4 ansMerci Grégoire QUENTIN pour ces propos éclairants qui peuvent aider des équipes à mieux appréhender leur mode d'organisation.
Agile Coach & SAFe Trainer at Capgemini ♠
4 ansMerci à toi Grégoire QUENTIN pour cette lecture, excellent article !!
Directeur en Transformation Organisationnelle | Alignement | Efficience | Efficacité
4 ansÇa me fait penser à la matrice que proposait Kniberg
Expert in Data & Transformation | # Data Analytics #Data Strategy #Data teams creation #Management | #Processes #Organizations #change management #Projects management
4 ansMerci Grégoire QUENTIN pour cette interview et pour tes conseils
[Born in 344 ppm] Coach & formateur en approches itératives, incrémentales & soutenables #agile #lean #humble
4 ansAu passage, merci à Florence Dudych et David-Eric LEVY pour les brainstorming initiaux, de même qu'à Ania Emami, Yahia FELLAH, Quynh-Thu Nguyen et Sébastien Ménétrier pour les retours et enrichissements de fond et de forme.