Management du changement : 4 réflexes qui nous plombent !
Implémenter des changements systémiques (évolution des pratiques managériales, de la culture d’entreprise, amélioration du bien être au travail...) ne se décrètent pas. Or face à de tels défis nos approches classiques en management du changement sont souvent contre-productives.
Regardons les réflexes à l’œuvre et donc les pièges à déjouer :
1) S’inspirer des meilleures pratiques
S'inspirer des meilleures pratiques en matière de transformation interne est devenu quasi incontournable. Ainsi, cela nous fait penser quasi automatiquement à des entreprises qui ont adopté le concept d’Entreprise Libérée, d’Entreprise Opale, d'holacratie. Je ne vais pas remettre en cause, dans cet article en tout cas, le bien-fondé de ces paradigmes managériaux et organisationnels. Évidemment, il est indéniable que cela conforte les “change-makers” dans leur désir de faire bouger les lignes en interne. Mais le revers de la médaille est tout sauf anodin. En effet, cela conduit à notre propension à oublier :
- que ce que l'on observe ailleurs est forcément le point final d’un processus spécifique et évolutif - donc non duplicable à l’identique,
- la réalité de notre organisation avec son histoire et dynamiques actuelles.
…. Alors qu’il s’agit plutôt de s’inspirer des mauvaises pratiques qui est une stratégie d’apprentissage bien plus pragmatique et efficace. En effet, cela permet au moins de ne pas reproduire des erreurs évitables ; sachant que ce qui va "marcher" est spécifique à chaque organisation.
2) Planifier le changement en commençant par la fin
Planifier/programmer le changement est un réflexe extrêmement important. Ainsi, il faut savoir précisément à priori quels sont les objectifs, les ressources nécessaires et les différentes étapes du processus.
Mais finalement l’approche est quasi systématiquement la même avec une logique globale implacable avec 2 étapes principales. La première étape consiste à déterminer l’état futur désiré (une organisation agile, une entreprise plus “plate”...). Procéder de la sorte est évidemment confortable intellectuellement puisque cela permet de réduire artificiellement l'incertitude. Dans la continuité du réflexe précédent, nous avons d'ailleurs tendance à idéaliser l’état final désiré jusqu’à atteindre des niveaux non-atteignables pour son organisation. La seconde étape consiste à combler l’écart pour y arriver en construisant un plan/programme de changement.
Cette approche du management du changement, mécanique et linéaire, est intimement liée à la métaphore de la machine (c'est-à-dire qu'une organisation et son management "fonctionnent" comme une machine) qui est omniprésente dans les approches managériales actuelles des organisations.
…. Alors qu’il s’agit plutôt de commencer par le début et de tenir compte de l'incertitude intrinsèque de telles démarches de changement. C’est-à-dire s’intéresser férocement d’abord au contexte et aux dynamiques de son organisation. Ou pour le dire autrement nous devons (ré)apprendre à manager le potentiel évolutif du présent et pas combler l'écart vers un futur désiré avec des attentes idéalisées.
3) Communiquer sur le changement :
Ce réflexe repose sur l’hypothèse (implicite) que communiquer en amont du changement souhaité va le faciliter. Un plan de communication est alors construit et implémenté avec parfois même des discours ajustés aux différentes parties prenantes. Malheureusement ces efforts sont risqués et ils sont très souvent contre-productifs. Ici, ce que l’on oublie c’est que l'organisation et les collaborateurs ont une "histoire" ; et en l'occurrence des expériences en matière de changement...peu concluantes. Ainsi, comment les collaborateurs réagissent-ils à l’annonce d’un plan de transformation ? Encore un plan de transformation, ok nous avons compris quels sont les nouveaux mots à la mode mais notre quotidien lui n’évolue pas (réellement)...
…. Alors qu’il s’agit plutôt d’abord de démontrer par l’action et donc des résultats que notre démarche fait avancer l’organisation dans une meilleure direction. Et seulement ensuite nous commençons précautionneusement à communiquer sur le sujet vers d’autres parties prenantes.
4) Vouloir changer les personnes :
Ce réflexe repose sur l'hypothèse qu’il faut changer les personnes pour le bien de l’organisation....et des personnes aussi bien sûr. On essaye de leur expliquer (poliment) pourquoi elles devraient changer avec les fameux "bénéfices attendus". D’ailleurs on parle bien de résistance au changement. Pour le dire simplement nous avons trop souvent une fâcheuse tendance à imposer le changement. Je recommande chaudement d’arrêter de vouloir changer les personnes pour au moins 2 raisons : depuis le temps on devrait le savoir...ça ne marche pas! Et en plus ce n’est clairement pas éthique!
…. Alors qu’il s’agit plutôt de catalyser/favoriser le changement, dans une direction plus favorable pour l’organisation, en modifiant par exemple la nature des interactions entre les personnes, leurs contextes de travail, leurs "fameux" KPI...
J’espère que cette liste non-exhaustive de 4 réflexes à éviter, pour les organisations qui souhaitent s’engager dans des changements systémiques intrinsèquement complexes et à forte incertitude, vous sera utile.