Comment on fait pour annoncer la fin de son entreprise ? 😕
Notre premier logo. Crédit : Fanny Falgas, merci Fanny !

Comment on fait pour annoncer la fin de son entreprise ? 😕

J'ai vu récemment plusieurs messages d'annonce de fin d'activité. Parfois en mode "trop dég"🥴, parfois en mode "même pas mal"🤠, parfois en mode "j'en veux à la Terre entière"🤬. Il y a l’état d’esprit, et il y a le reste. Parlons d’abord du reste.

Les plus perspicaces auront compris que je suis en train d’annoncer la fin de So Now, l’entreprise que je présidais, pour laquelle nous avons consacré une bonne partie des deux dernières années.

Pour moi, les premiers mots sont forcément pour mon associé Thierry Faucher .

Thierry, dont le talent est inversement proportionnel à sa faculté à se mettre en avant… Et il n’aime vraiment, vraiment pas se mettre en avant ! Désolé Thierry, là je vais y aller franco.

J'ai un message à adresser à toute entreprise qui cherche un mouton à 5 pattes, entrepreneur-défricheur-product owner-roi du nocode-expert en modèles économiques. Ou à tout·e entrepreneur·e qui cherche à s'associer avec quelqu'un qui a ces compétences. Contactez Thierry !

Certains ont du mal à travailler avec des gens meilleurs qu'eux. Moi j'adore ça, et cela a été mon quotidien pendant 2 ans. Thierry est un bosseur, avec une capacité et une clarté d'analyse hors pair - sa grande spécialité est d'identifier en quelques minutes voire quelques secondes LE ou les points qui vont faire la réussite ou l'échec d'un projet. Et comme il comprend mieux que 99% le fonctionnement d'un modèle économique, il peut proposer des alternatives, des autres façons de faire, des nouveaux positionnements. Il peut... et il le fait, assez constamment en fait. Ajoutez à cela une soif de découverte de tout, des principes moraux, de la rigueur et de l'opiniâtreté, un côté direct et sans fioritures très Olympique de Marseille ("droit au but"⚽🥅), une récente et très sincère prise de conscience du dérèglement climatique qui mène forcément à l'action, et vous avez les raisons pour lesquelles c'est un associé en or.

Alors merci Thierry, du fond du cœur. Déjà 2 entreprises, on se retrouve dans quelque temps pour la troisième ? 😉

Des remerciements aussi à toutes celles et tous ceux que nous avons côtoyé·e·s pendant les 2 ans de ce projet : entrepreneur·e·s engagé·e·s, financeurs ( Alice Longuepe , de La Nef, pour la banque éthique , la meilleure banquière du monde entier !!), prestataires, bref l'écosystème des entreprises engagées… Toutes ces rencontres ont été tellement enrichissantes.

Les raisons de l’arrêt

Alors pourquoi ça n'a pas pris ?

Nous avons tenté plein plein plein de positionnements, sans jamais trouver la formule qui nous permette de générer du chiffre d’affaires et de la traction. Et au bout du compte, on a manqué de ressources 💰⌛ pour pouvoir continuer.

Je pense aussi que nous n’avions pas dans l’équipe une compétence indispensable : le commercial. Certain·e·s réussissent à vendre n’importe quelle merde, nous c’était l’inverse, on n’a jamais réussi à vendre des super produits/services. Et je reste persuadé que nous avions des produits/services qui pouvaient se vendre.

Pour apporter une note d’humour, cela ne manque pas de sel (et de poivre, forcément) qu’une entreprise qui voulait aider les entreprises à naître et à se développer ait eu du mal à naître et n’ait pas réussi à se développer. L’ironie de la vie est parfois bien ironique 😅

Nos différents positionnements

Alors accrochez-vous deux minutes 😸, voici ce qu’on a tenté :

  • Avant même de commencer, on avait envisagé une plateforme soit de moocs, soit de reportages/interviews/documentaires (le Netflix de l’entrepreneuriat) ;
  • Une méthode pour aller de l’envie d’entreprendre à la maîtrise de son cycle de vente ;
  • Un réseau social pour créateurs et créatrices d’entreprises… pas mis en ligne, à 3 jours près, quand on s’est rendus compte que les principales fonctionnalités n’étaient pas celles d’un réseau social (ouch) ;
  • Une communauté apprenante, pour que les entrepreneur·e·s s’aident mutuellement - c’est à peu près à ce moment-là qu’on est passés de la volonté d’accompagner l’émergence des entreprises à la volonté d’accompagner leur développement ;
  • Une plateforme de formation en vidéo (le Skillshare de l’entrepreneuriat) - qui est restée au stade d'idée ;
  • Une plateforme vidéo où les entrepreneur·e·s engagé·e·s se filment eux et elles-mêmes pour partager leurs expériences - indice pour qui voudrait reprendre ce positionnement : quasiment personne ne veut s’auto-interviewer devant son ordi ;
  • Une plateforme vidéo où nous avons interviewé des entrepreneur·e·s engagé·e·s : des interviews d’entrepreneur à entrepreneur·e, en profondeur, découpées en petites séquences thématiques (un média, en fait) ;
  • Une solution de SEO par la vidéo, pour faire bénéficier à d'autres de ce que nous avions réussi sur notre plateforme de vidéos (gros flop du concept : nos interlocuteurs et interlocutrices n'en avaient à peu près rien à carrer du référencement😁) ;
  • Une solution de comarketing, pour favoriser les opérations communes entre acteurs partageant les mêmes valeurs/métiers/clients (pas bonne idée !) ;
  • Une équipe partagée pour aider au développement des entreprises engagées : recruter des pros sur tout ce qui est lié à l'acquisition client, que les entreprises mobiliseraient ponctuellement ou sur la durée, en fonction de leurs besoins et de leurs moyens ;
  • Un annuaire d’entreprises engagées, encore en ligne sur https://quiestengage.eco
  • Une carte cadeau pour rediriger l’argent des CE et des particuliers vers les entreprises engagées (info : les prestataires fintech qui permettent de lancer facilement ce genre de carte vous demandent à la fois un rein🫘, un bras🦾 et la peau des fesses🍑 pour que vous puissiez utiliser leurs services). Là il y a du potentiel, mais on était trop en bout de course pour aller plus loin ;
  • Une marketplace qui regroupe les produits des entreprises engagées, comme prolongement de l’annuaire (pas mise en place).

J’en ai peut-être, sans doute oublié…

Cela restera une des fiertés de cette aventure : d'une part avoir su se réinventer, tirer les conséquences des données qu'on avait sur ce qu'on était en train de faire et être capable d'aller explorer d'autres opportunités ; d'autre part, avoir su monter des versions prototypes qui à chaque fois "faisaient le job", avec à peu près zéro moyen.

Les apprentissages

Cette belle période a été l’occasion de faire de nombreux apprentissages. En voici 6, les premiers qui me viennent à l’esprit.

1) La difficulté de lancer un service payant d'aide à l'entrepreneuriat

Notre objet social était de favoriser l’émergence et le développement d’entreprises engagées. Au début, nous nous sommes concentrés sur l'émergence, l’aide à la création d'entreprises. Constat simple : il est très difficile de développer une activité payée par les entrepreneur·e·s en herbe.

2 raisons à cela : 1) les entrepreneur·e·s veulent tout faire eux-mêmes et gratuitement (les enfoirés ! Euh... on fait pareil) ; 2) la plupart des services sont subventionnés. Conclusion, hors du subventionné, le business est rare.

Conséquence de cela, un écosystème qui peut facilement devenir assez toxique. Je mesure ce mot, et je l'explique : les subventionnés ne sont dans leur grande majorité pas là pour les entrepreneur·e·s, mais pour les organismes qui les subventionnent, et très souvent utilisent les entrepreneur·e·s comme faire-valoir. Cela entraîne aussi un manque de connaissance des réalités de l’entrepreneuriat : puisque l’essentiel est de montrer quelque chose aux financeurs plutôt que d’accompagner, pourquoi recruter des gens qui comprennent ce qu'entreprendre veut dire ? Bien sûr ce sont les règles du jeu implicites, mais elles entraînent beaucoup de faux espoirs chez les entrepreneur·e·s, et beaucoup de gaspillage. Au passage, si vous cherchez du pognon de dingue, je connais un endroit où il y en a… Et le financement des nouvelles entreprises est au moins aussi dysfonctionnel que l’accompagnement. Mais je m’écarte, et j’ai déjà eu l’occasion d’en parler (du moins pour notre petite expérience).

2) Entrepreneur·e engagé·e, espèce menacée ?

Nous nous sommes entretenus avec de nombreux·ses entrepreneur·e·s engagé·e·s. Peu ne sont pas en galère. Même parmi celles et ceux qui ont l'air de s'en sortir, en vrai, quand on a accès aux coulisses, c'est souvent dur.

Pourquoi ? Quelques pistes d’explication : d’abord le système économique n’est pas conçu pour ces entreprises. Les règles de compta et l’écosystème financier favorisent la consommation excessive de cash et les modèles économiques qui se foutent des externalités.

Mais aussi, ces entreprises, et je nous mets dans le lot, ce sont souvent des gentilles : on s'impose des limites (indispensables !), on ne veut pas trop déranger, on veut y aller soft sur le commercial et l'utilisation des données… alors que les entreprises qui s'en sortent, ce sont très souvent des gros bourrins (oui je masculinise le côté bourrin 🐎).

3) Attention aux étiquettes

Dans l’écosystème des entreprises engagées, tout n’est pas rose.

En particulier, nous avons fait nos statuts avec un cabinet d’avocats, réputé, se présentant comme spécialiste de l’ESS ; cela a été une catastrophe de A à Z. Presque 6 mois pour écrire des statuts qui ne présentaient pas de difficulté particulière🧠… et je m’en tiendrai là pour ne pas consacrer trop d’attention à ceux qui n’en méritent pas. Leur action n’a pas été déterminante dans le sort de notre entreprise, mais puisqu’au final nous avons manqué de temps, elle y a bien contribué. Mauvais choix de prestataire, qui n’aurait pas pu être anticipé.

C'est le problème des belles étiquettes : dans notre ère où tout est un jour récupéré et dévoyé, ces étiquettes ne suffisent pas. Il faut aller voir dans le détail si la réalité correspond à la promesse. Parfois les incohérences viennent des acteurs non engagés, mais parfois aussi les acteurs engagés sont à mettre (malheureusement) dans le même sac.

4) Des outils incroyables

Je retiens aussi que nous avons à notre disposition aujourd’hui des outils qui permettent de faire infiniment plus de choses qu’il y a ne serait-ce que 10 ans :

Bubble pour développer des interfaces web aux fonctionnalités évoluées, sans coder (compétences informatiques de base quand même fortement conseillées), et surtout pour une fraction du budget que demanderait une agence. J’ai été assez bluffé par le potentiel du nocode.

Notion, que j’utilise maintenant au quotidien pour tout ce qui nécessite du texte - c’est-à-dire presque tout.

Les API, qui permettent d’intégrer de nombreux services et de les adapter à vos besoins.

Rappel : les outils ne sont que des outils, c'est la façon de les utiliser qui en fait de l'art🎨 ou du cochon🐽.

5) L’importance d’avoir une communauté

Avoir des outils c'est bien. Avoir un beau projet c'est mieux. Savoir le vendre, encore mieux. Mais le top du top... c'est d'avoir une communauté de gens qui se reconnaissent dans vos valeurs. Idéalement les gens que vous voulez aider.

Avoir une communauté qui se reconnaît dans les mêmes valeurs que vous, qui aspire au même modèle de société, cela vous permet au moins 3 choses essentielles :

  • savoir ce qu'elles et ils pensent (encore faut-il savoir poser les bonnes questions), sentir en continu leur pouls ;
  • avoir des gens auprès de qui tester vos nouvelles offres (encore faut-il savoir comment tester) ;
  • quand vous avez quelque chose à vendre, avoir rapidement de la traction, et générer du bouche-à-oreille.

Et ça, on n'y a pas suffisamment consacré d'attention, de temps, de budget. Je plaide coupable.

Encore faut-il pour bâtir une communauté : 1) savoir à qui on s'adresse (or nous avons pas mal changé), et 2) être très au clair et très stable sur ce qu'on défend, ce qu'on promeut.

6) Le silence est mauvais signe

Un projet qui va bien est un projet dont vous avez régulièrement des nouvelles. À chaque fois que nous avons eu des périodes où nous ne publiions plus rien, c’est que nous étions dans une impasse.

D’ailleurs, je pense que je vais prendre du temps ces prochains jours pour prendre des nouvelles de copains et copines qui ne disent pas grand-chose depuis longtemps…

Mais alors, comment tu te sens ???

Puisque la question est souvent posée, et que c’était mon point de départ, “dans quel état d’esprit on est” dans ces moments-là ? Eh bien, j’aurais pas mal de choses à en dire, mais je pense qu’il est plus approprié et même juste décent de ne pas en parler 🤐. Parce qu’il y a bien pire (hey, tout va bien !!), et surtout plus important que les états d’âme d’un entrepreneur qui s’est pris une porte.

Cela fait 15 ans que je monte des structures. L’échec fait partie du chemin.

Et maintenant ?

Maintenant :

  • fermer l’entreprise proprement,
  • reprendre mon souffle,
  • et repartir dans une autre aventure entrepreneuriale pour essayer de rendre ce monde un peu moins invivable.

Parce qu’il n’y a que ça à faire.

François Allard-Huver, Ph.D.

Associate Professor - Maître de Conférences - Digital, Strategic & CSR Communication

1 ans

Très beau partage, toujours riche en enseignements qui valent leur pesant de larmes et de sueur, et toujours avec ta liberté de ton qu'on adore ! Courage pour la suite !

merci pour le partage de cette expérience et je vous souhaite un bon rebondissement !

Gilles Reeb

En charge du marketing, des partenariats et du développement

1 ans

Merci d'avoir partagé cette analyse plus ou moins post-mortem. Très instructif et très aligné avec une partie des enseignements que ma petite expérience m'a permis de tirer. Le Roi est mort, vive le Roi :)

Sophie Maillard

Executive Search / Leadership advisory / Talent Management, following great talents through their professional life

1 ans

Bravo pour ce beau parcours Yonnel et merci de l’avoir partagé avec nous! L’échec fait parti du chemin de l’entrepreneur et le rend encore plus fort 💪🏻 avec ta personnalité, ta vision, ton envie d’agir et toutes tes compétences tu vas vite te remettre en selle, c’est sûr! Profites en pour souffler un peu, c’est bien mérité. Au plaisir de te retrouver un de ces 4 autour d’un Welsh bien de chez toi 😀

Sébastien Vray

Directeur Général EZIO la #fintech dédiée aux aidants professionnels du secteur médico-social et de l'aide à domicile

1 ans

Bravo d'avoir passé du temps à essayer. Au moins ça remet à disposition ta personne et ton talent pour des projets qui en auront besoin !

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