Comment le quotidien Le Devoir (Québec) s’organise pour effectuer son basculement numérique
Début 2016, j’interrogeais Florent Daudens, alors secrétaire de rédaction aux formats numériques à Radio-Canada, sur la façon dont son média abordait le datajournalisme et les formats numériques. Une longue interview à relire en cliquant sur ce lien.
Depuis lors, Florent a embrassé un nouveau challenge puisqu’il a été nommé directeur de l’information numérique au quotidien Le Devoir. Une excellente occasion de revenir vers lui avec une nouvelle salve de questions. Fidèle à lui-même, Florent a pris le temps d’y répondre en détail. Ensemble, nous avons abordé la transition en cours de la rédaction du Devoir, l’importance des formations, le travail rédactionnel pour alimenter l’application du journal, la conversion des lecteurs print au numérique…
1. Florent, en quoi consiste ton titre de directeur de l’info numérique au Devoir ?
C’est un nouveau poste et aussi le reflet d’un changement majeur au sein du Devoir. Auparavant, il y avait un poste de directeur adjoint du numérique, mais la nouvelle direction (Brian Myles et Luce Julien, respectivement directeur et rédactrice en chef), a souhaité créer un poste de directeur de l’info numérique qui soit au niveau de la rédaction complète et non seulement d’un silo web, de concert avec Marie-Andrée Chouinard, directrice de l’information.
Pour résumer, ce poste se concentre sur trois aspects :
– du côté rédactionnel, développer la couverture numérique au jour le jour,
– du côté technique, contribuer au développement des plateformes,
– et plus largement faire en sorte que tout le monde s’approprie le numérique.
2. De combien de personnes se compose ta rédaction ? Et comment est-elle organisée (suivi des dépêches, sujets de fond…) ?
Le Devoir occupe une place particulière dans le paysage médiatique québécois, car c’est le seul journal indépendant, non lié à un grand groupe de presse. La rédaction est composée de 47 personnes, sans compter les pigistes. C’est une petite rédaction comparativement à d’autres médias, mais je suis émerveillé par le talent au mètre carré.
Nous sommes en plein bouleversement. Pour nous, Le Devoir n’est pas seulement un journal, c’est aussi un média numérique. Le samedi, la moitié de nos abonnés sont numériques. Dans ce contexte, le web est l’affaire de tous et doit être pensé en amont et tout au long de la journée, non pas comme le truc qu’il faut faire quand on a fini le reste.
Nous avons une division classique reporters / pupitres (ndla : l’équivalent d’un secrétaire de rédaction), avec un pôle web central. Du côté des reporters, nous avons revu la répartition des domaines de couverture (les « beats ») récemment. Du côté des pupitres (SR), nous avons amorcé une ronde de formations pour que chacun puisse monter tant le journal que l’édition tablette, qui suit la même logique d’une édition « fermée », diffusée aux aurores.
La rédaction web est aussi appelée à évoluer. Nous voulons nous éloigner du bâtonnage de dépêches pour nous concentrer sur nos choix rédactionnels, que ce soit en info continue ou en sujets de fond.
Enfin, la sortie de notre application mobile début décembre a un profond impact sur notre façon de faire. Et pour cela, nous avons créé un nouveau poste de pupitre mobile, un journaliste qui se concentre sur l’app, de concert avec ses collègues, pour penser sa temporalité. On n’aborde pas l’info de la même façon le lundi matin ou le vendredi soir, et le mobile est encore plus sensible à cela puisque les gens le consultent en tout temps, dans des contextes variables.