Les 6 étapes de la transition écologique dans une organisation
Panneaux photovoltaïques au pied des terrils de Loos-en-Gohelle

Les 6 étapes de la transition écologique dans une organisation

23 janvier 2020, 9h45. 

Arrivée à l’usine de Scherpenzeel d’Interface, avec les 15 minutes de retard français réglementaires.

Scherpenzeel est la destination que nous avons choisie pour inspirer un groupe de managers de Bonduelle sur la transition écologique d’une entreprise. Situé dans la campagne néerlandaise à environ une heure d’Amsterdam, qu’allons-nous apprendre de ce site de production ?

A moins que vous ne vous occupiez des achats de moquettes pour votre entreprise, Interface ne vous dit probablement pas grand chose. 

Fondé en 1973 et basé à Atlanta aux Etats-Unis, Interface est le leader mondial de la dalle de moquettes BtoB disposant de cinq sites de production dans le monde... jusque là, rien de très séduisant.

Et pourtant, nous avons sans doute visité ce jour-là l’une des entreprises industrielles les plus inspirantes au monde en matière de transition écologique :

  • En près de 25 ans, Interface a réduit les émissions de gaz à effet de serre de ses usines de 96% ;
  • Le site de Scherpenzeel ne consomme quasiment plus d'eau (celle utilisée circule en circuit fermé) et ne produit plus aucun déchet (100% des déchets de production sont réutilisés) ;
  • De nombreuses innovations ont permis de substituer progressivement des dérivés du pétrole par des matières plastiques recyclées issues par exemple de pare-brises ou de filets de pêches récupérés dans les océans. 

Alors comment une entreprise industrielle d’environ 3500 salariés est parvenue à se transformer aussi radicalement ? 

En écoutant leur histoire et en la mettant en perspective d’autres récits de transition comme celui de Loos-en-Gohelle - ancienne ville minière du Pas-de-Calais devenue pionnière du développement durable que nous avons visitée à plusieurs reprises - nous retrouvons six leviers nécessaires à la transition résumés par l’acronyme D-E-C-L-I-C. 

Ces six leviers n’ont rien d’une recette magique et la manière de les activer est spécifique à chaque organisation ; ils sont donc à appréhender comme une série de questions à se poser pour mettre en place une transition écologique dans son organisation ou sur son territoire.

D - Déclencheur. 

Au démarrage, il y toujours un déclencheur qui crée un sens de l’urgence

A Loos-en-Gohelle, il s’agit de la fermeture des mines en 1986 et de la fin du système de houillères qui génère une crise systémique locale et nécessite d’imaginer une nouvelle trajectoire.

Pour Interface, le choc est moins dramatique mais a un impact tout aussi fort sur son CEO de l’époque, Ray Anderson. Alors que des clients de l’entreprise prospère lui posent la question : “Que faites-vous pour l’environnement ?”, Ray se trouve sans réponses. Cette absence de réponses le marque profondément et dans les semaines qui suivent, Ray lit l’ouvrage L’écologie du commerce de Paul Hawken : une “révélation” qu’il partagera à de nombreux salariés d’Interface et qui constituera ainsi un deuxième déclencheur collectif. 

E - Etoile.

Après le déclencheur, il y a l’importance de construire une vision, une trajectoire qui donne du sens, une “Étoile” comme le dit si joliment Jean-François Caron, le Maire de Loos-en-Gohelle.

Ray Anderson le fait dans les mois qui suivent sa lecture en annonçant à ses équipes le prochain cap de l’entreprise, le “Mount Sustainability”, incarnée par la “Mission 0” consistant à “éliminer tous les impacts négatifs qu’Interface peut avoir sur l’environnement d’ici 2020.” 

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Cette mission, qui paraissait totalement utopique en 1995 et qui n’a d’ailleurs pas été complètement achevée en 2020, a permis d’initier une transition bien plus approfondie que si Ray s’était simplement contenté de définir des objectifs d’amélioration incrémentaux. 

Approchant du but, Interface s’est d’ailleurs donnée une nouvelle mission (“Climate Take Back”) encore plus ambitieuse il y a quelques années visant à passer de la réduction des externalités négatives à la création d’externalités positives en proposant des solutions au réchauffement climatique sur toute la chaîne de valeur de l’entreprise. 

Définir son Étoile est essentiel. La communiquer de manière impactante l’est tout autant pour donner à ses parties prenantes l’envie de l’atteindre. Pour cela, la mise en récit est fondamentale comme l’expose très clairement le documentaire Après-Demain de Cyril Dion et Laure Noualhat. C’est ce que nous apprennent les expériences de transformation d’Interface et de Loos-en-Gohelle dont le travail de mise en récit a été particulièrement soigné. 

“Si vous entrez par la morale ou la contrainte, vous n’y arriverez jamais. On ne peut s’en sortir que par l’entrée du désir” résume Jean-François Caron. 

C - Cailloux blancs

“Une vision qui ne s’accompagne pas d’actions n’est qu’un rêve. Une action qui ne découle pas d’une vision, c’est du temps perdu. Une vision suivie d’actions peut changer le monde.” - Nelson Mandela

Une fois l'Étoile représentée, poser des cailloux blancs, identifier des premiers combats et des premières étapes concrètes permet de commencer à tracer un chemin vers cette Étoile. C’est le passage du futur désiré au plan d'actions et aux “PPPP” - les Premiers Petits Pas Possibles.

Avec l’aide d’auteurs, d’activistes, de scientifiques et d’entrepreneurs, Interface a défini ses sept piliers du “Mount Sustainability” (éliminer les déchets, les émissions carbone, développer les énergies renouvelables, l’économie circulaire, les transports durables, sensibiliser les parties prenantes, repenser le commerce) et a construit des programmes dédiés pour chacun d’entre eux avec des objectifs mesurables devenant ainsi une roadmap partagée à tous et présentant la manière d’avancer collectivement vers l’Etoile. 

Les cailloux blancs, les plans d’actions, “le concret” sont donc tout aussi important que le rêve, la vision ou l’Étoile. 

Le point de vigilance est qu’un grand nombre d’organisations - rarement les plus innovantes - tendent parfois à leur donner une telle importance qu’elles en oublient la question de fond du “pourquoi” et du “vers où”. Or, un plan d’actions et des objectifs sans nouvel imaginaire ne suffisent pas à engager durablement les énergies dans la transition... 

L - Libération des énergies

Ce qui est frappant dans les transformations d’Interface et de Loos-en-Gohelle, c’est qu’elles sont à la fois initiées et incarnées par un leader charismatique (Ray Anderson et Jean-François Caron) et qu’elles sont en même temps rendues possible par la pleine libération des énergies - des collaborateurs dans un cas, des “habitants-acteurs” dans l’autre. 

Dans les deux cas, la transformation a été rendue possible par une culture fortement participative. 

Depuis sa création, Interface a su garder une culture entrepreneuriale et horizontale très forte, encourageant en local la prise de risque, l’expérimentation constante et l’intrapreneuriat. 

De son côté, Loos-en-Gohelle a débuté son processus de résilience en créant les conditions de la confiance, de l’écoute et de l’implication citoyenne. Un travail pour reconnaître et valoriser l’histoire des corons - avec par exemple des festivals culturels participatifs ou l’inscription du bassin minier au Patrimoine Mondial de l’Unesco - a redonné du pouvoir d’agir.

“Si on ne sait pas qui on est, on ne peut pas se transformer”, partage le Maire. 

La transition et l’innovation ne peuvent émerger durablement qu’à condition de reposer sur un terreau culturel fertile. Un “PFH favorable” dirait Jean-François Caron - le “Putain de Facteur Humain”.

I - Innovation

Identifier sur son chemin de transformation quelques innovations symboliques a un pouvoir d'entraînement particulièrement fort. 

A Loos-en-Gohelle, la construction de la toute première toiture solaire au monde sur une Église constitue un symbole fort de la transition écologique de la ville et un élément de fierté pour les habitants. 

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De son côté, Interface a mis en place une démarche d’innovation bio-mimétique (innover en s’inspirant du vivant) qui a pris tout son sens avec le passage à des designs de moquettes aléatoires (inspirés de paysages de la nature) permettant de faciliter l’entretien des moquettes et d’allonger leur durée de vie. 

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Toute transition suppose de l’innovation. Celle-ci peut être technique ou technologique mais elle est, avant tout, bien souvent organisationnelle : dans les manières de travailler et de coopérer. 

A Loos-en-Gohelle, le fonctionnement en mode projet avec le dispositif du “50-50” où la Mairie et les acteurs de la société civile co-construisent et co-financent un projet assure une pleine responsabilité de l’ensemble des acteurs dans la durée. 

Pour Interface, l’instauration de “challenges” entre usines ou entre équipes pluridisciplinaires a fait de la transition écologique une démarche d’innovation positive plutôt qu’une contrainte.

C - Communautés

Une transformation n’est durable que si elle s’inscrit dans la culture de l’entreprise et est animée par des communautés. 

Ces communautés sont bien sûr internes : Interface a par exemple mis en place un programme pour former des volontaires souhaitant devenir des “Sustainability Ambassadors” au sein de leur métier.

Mais ces communautés doivent aussi être externes pour embarquer les différentes parties prenantes dans la transition.

C’est aujourd’hui le grand défi de Loos-en-Gohelle qui à travers “La Fabrique des Transitions” rassemble des territoires pionniers pour faire grandir le mouvement.

C’est également le grand défi d’lnterface qui entend “inspirer une nouvelle révolution industrielle” en impliquant ses fournisseurs et clients dans la recherche de solutions aux grands défis climatiques sur l’ensemble de sa chaîne de valeur. 

L’urgence de prendre le temps de la transition

Les expériences d’Interface et de Loos-en-Gohelle nous montrent enfin qu’une transition ne se fait pas en claquant des doigts. Elle exige de raisonner sur du temps long en s’appuyant sur des fondamentaux (notamment culturels) solidement ancrés. 

Une transition demande du temps et de l’énergie mais les trajectoires d’Interface et de Loos-en-Gohelle dans des contextes radicalement différents montrent que cela fonctionne : Interface est toujours leader de son marché et les résultats électoraux de Jean-François Caron depuis 2001 avoisinent ceux de l’époque soviétique. 

Si certaines organisations ou territoires ont été pionniers de la transition, il est aujourd’hui plus qu’urgent que toutes les organisations et les territoires entament leur chemin de transition et vivent leur D-E-C-L-I-C. 

« Si nous pouvons le faire, n’importe qui peut le faire. Et si n’importe qui peut le faire, alors tout le monde doit le faire » - Ray Anderson.

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Contact : jonas.guyot@littlebigconnection.com

ilona clabaut

Construction & Commissioning Lead Engineer and Manager

4 ans

Silence ça tourne ;) ….  et nous voilà parti dans une belle aventure… merci déjà ! car la suite à l'air vraiment appétissante :).. clin d'oeil à Anaëlle Caplain  

Isabelle Maréchal

Coach d’Organisations - Superviseure - Enseignante - Hatha yoga

4 ans

Belle aventure inspirante ! J'invite tous les #coachs_dorganisations à en prendre connaissance. CECORP (Cercle Européen des Coachs d’Organisation Professionnels)

Xavier Dasque

Paysan-cueilleur et développeur de projets à impacts #agriculturebiologique #biodiversite #agroécologie #transitiondurable #permaculture #fresque

4 ans

Merci pour cette démarche DECLIC, inspirant!

Charles Sirot

J'accompagne les entreprises à prendre en compte les limites planétaires

4 ans

merci pour cet article qui donne envie d'aller à Loos-en-Gohelle !

Samuel Chabré

Conseiller éditorial Pioche! Magazine, Co-fondateur chez La Société Nouvelle, président association Tiers-Lieu paysan de la Martinière

4 ans

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