COMMENT REINVENTER LES VILLES AFRICAINES FACE A LA GENTRIFICATION DES CAPITALES ET MEGAPOLES ?
« Le Grand Abidjan, administrativement délimité par le District d’Abidjan, d’une superficie d’environ 2 119 km2 (0.7% du territoire du pays) et d’une population d’environ 5,4 millions d’habitants (25% de la population du pays), représente le moteur économique de la Côte d’ivoire, générant environ 60% du produit intérieur brut du pays et un pourcentage similaire d’emplois formels. L’économie de la Côte d’Ivoire est appelée à croitre à environ 10% par an afin d’atteindre l’objectif de la vision 2035 de pays à revenu moyen, dont une bonne partie serait générée par le Grand Abidjan. Cette croissance espérée nécessitera un apport important de ressources financières (déployées dans des investissements productifs) et de ressources humaines (dotées des qualifications, d’un savoir-faire et de capacité à innover) et aussi par une bonne planification urbaine. La compétitivité future du Grand Abidjan résidera donc dans sa capacité à concourir avec d’autres métropoles de la sous-région et du reste du monde, dans l’attraction de ces facteurs de croissance ». Projet d’Appui à la Compétitivité du Grand Abidjan (PACOGA), décembre 2016
« …Les défis de la croissance urbaine africaine offre aussi l’opportunité d’envisager un avenir urbain qui pourrait ne pas s’inscrire dans le sillage des Amériques, de l’Asie, de l’Europe et du reste du monde. Les villes du XXIe siècle seront différentes de celles du XXe. Les villes africaines, particulièrement les petites et les moyennes, sont nettement moins ancrées dans des modèles de développement à forte intensité carbone que celles de nombreuses autres régions. Dans le même temps, d’importants investissements dans les infrastructures urbaines doivent encore être réalisés et la population des villes africaines est principalement jeune. Il s’agit là de bases importantes sur lesquelles de nouveaux modèles plus climatiquement neutres, plus inclusifs et plus vivables pourraient être construits ». DYNAMIQUES DE L’URBANISATION AFRICAINE 2022. le Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO) OCDE/Nations unies 2022
👍VERS LA METROPOLISATION TOTALE DU MONDE OU QUAND LES VILLES DEVIENNENT UN ACTEUR DE PREMIER RANG DU DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE MONDIALE
Les métropoles africaines telles que Lagos (Nigeria), Nairobi (Kenya) et Johannesburg (Afrique du Sud), etc., attirent des investissements étrangers et des entreprises multinationales, et commencent à émerger en tant que centres économiques régionaux et mondiaux. La métropolisation peut être définie comme le processus d’apparition et de développement de métropoles. Une métropole est une agglomération de grande taille qui concentre un nombre élevé de personnes et de fonctions (Pôles économiques et financiers, Centres culturels, artistiques et politiques, Hub de recherche et d'innovation, Plateformes de transport internationales, Sièges d'organisations internationales...), organise sa région autour d’elle et relie cette région au reste du monde. On distingue des métropoles régionales, des métropoles nationales et des métropoles de rang mondial.
Les métropoles portent au 21e siècle, la croissance mondiale. Ainsi, les 10 plus grandes régions urbaines réalisent 40% de la croissance et produisent 70 à 80% des technologies. Les métropoles accueillent la majorité des créations d’emplois et sont plus résistantes aux crises économiques. Considérées en outre comme sources de dynamisme et d’attractivité pour leurs régions.
Les métropoles bénéficient généralement d’une image positive auprès des politiques, qui souhaitent encourager leur développement. Ainsi en 2014, la France a adopté la Loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles dite « loi MAPAM » ou « loi MAPTAM ». Cette loi a établi a établi 14 métropoles, dont 12 métropoles de droit commun et 2 métropoles à statut particulier (la métropole du Grand Paris, une métropole de rang mondial et la métropole d’Aix-Marseille-Provence).
Or, selon Guillaume Faburel enseignant-chercheur en géographie sociale & auteur de « Les métropoles barbares», la métropolisation implique une expansion urbaine incessante et l'accélération des flux et des rythmes de vie. Elle transforme les villes en véritables firmes entrepreneuriales conçues pour peser dans la compétition urbaine planétaire. Ces villes génèrent exclusion économique, ségrégation spatiale et souffrance sociale, tout en alimentant la crise écologique.
La métropolisation totale du monde est une tendance lourde. Mais elle nécessite une gestion prudente pour maximiser les avantages tout en atténuant les inconvénients potentiels. Le rôle du développement urbain durable est essentiel pour créer des villes dynamiques, inclusives et résilientes.
👍PARVENIR A UNE MODERNITE PHYSIQUE ET UNE ATTRACTIVITE ECONOMIQUE DES GRANDES VILLES AVEC LES PARTENARIATS PUBLICS PRIVES (PPP) COMME LE MOYEN LE PLUS EFFICACE.
Le taux global d’urbanisation en Afrique devrait passer de 40% en 2015 à 56% en 2050 (CNUCED, 2018). En d’autres termes, au cours des 25 prochaines années, la population urbaine africaine va doubler. D’ici 2040, la majorité des Africains vivront dans les villes. Le problème, ou disons plutôt le principal défi, pas seulement mais surtout en Afrique, est que des millions de personnes s’installent actuellement dans des villes « injustes ». La population de certaines villes et zones urbaines africaines a déjà dépassé la barre des 10 millions d’habitants. Par exemple, le Caire, la plus grande ville d’Afrique, a une population d’environ 9,1 millions d’habitants, mais plus de 20 millions de personnes vivent dans sa région métropolitaine.
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Contrairement à l’urbanisation dans de nombreuses autres régions du monde, la croissance de la population urbaine dans la majeure partie de l’Afrique ne s’est généralement pas accompagnée d’une augmentation proportionnelle de l’emploi formel, d’où une pauvreté urbaine croissante et une vulnérabilité urbaine accrue. La capacité des organismes gouvernementaux à planifier et à gérer la croissance urbaine en Afrique est généralement relativement faible. Au plan régional, la majeure partie de l’urbanisation n’est ni planifiée, ni régularisée de manière efficace, et elle est injuste. En outre, les institutions gouvernementales locales sont confrontées à des contraintes de ressources, tant humaines que fiscales, pour répondre à la demande toujours croissante de services et de développement inclusif. Le résultat net d’une urbanisation rapide et d’une capacité insuffisante de planification ou de gestion des villes est une aggravation des inégalités, une prévalence croissante de l’informalité et une intensification des risques sanitaires. La croissance des « bidonvilles » est la manifestation la plus tangible de ces problèmes. En 2014, on estimait que 56% de la population urbaine d’Afrique subsaharienne vivait dans des quartiers informels ou d’autres types de bidonvilles - c’est-à-dire des zones dépourvues de logements adéquats et de services publics. Le nombre de ménages vivant dans des bidonvilles en Afrique subsaharienne n’a cessé d’augmenter - passant d’environ 111 millions en 1995 à 201 millions en 2015 (ONU Habitat, 2016).
Les partenariats public-privé (PPP) sont massivement utilisés par les États en Afrique, tout comme dans d'autres régions du monde, pour le financement des infrastructures dans les grandes villes. Ces partenariats facilitent l’accès aux financements privés, permettent aux gouvernements d’accélération la mise en œuvre des projets souvent très complexes dans ces grandes villes et où la demande en infrastructures est toujours pressante, etc.
Toutefois, cette approche peut avoir des conséquences importantes pour les populations urbaines pauvres, notamment l’exclusion sociale. En effet, l'orientation entrepreneuriale de certaines villes peut entraîner une concentration des ressources et des investissements dans des secteurs favorables à la compétitivité mondiale, au détriment de programmes sociaux visant à réduire l'exclusion sociale et les inégalités. Cela peut marginaliser davantage les populations urbaines pauvres. Encourager la Gentrification ou le déplacement des populations défavorisées des centres villes urbains et/ou des quartiers populaires, investis par des populations plus riches et repoussées plus loin vers les périphéries urbaines. En Afrique la destruction des bidonvilles remplacées par des nouveaux projets plus modernes est un procédé courant.
S’il est nécessaire d’explorer la participation du secteur privé au développement urbain, il incombe au gouvernement de veiller à ce que ses citoyens soient protégés et que leurs besoins soient prioritaires dans le déploiement des projets PPP. Ce n’est qu’à ce prix que le développement urbain pourra être durable et que les grandes villes pourront devenir des villes inclusives, justes et durables.
👍LES VILLES INTERMEDIAIRES, NOUVELLE FRONTIERE POUR UN URBANISME PLUS « INCLUSIF, SUR ET RESILIENT ET DURABLE » ?
Les villes intermédiaires, en raison de leur taille et de leur positionnement entre les grandes métropoles et les zones rurales, sont souvent considérées comme des espaces où le développement durable a des chances de se réaliser de manière plus équilibrée.
Selon CGLU Afrique, l’Afrique compte plus de 1400 villes intermédiaires. Leur population varie de 100 000 à 1 million d’habitants en général selon cette institution. Beaucoup ont du mal à rivaliser avec les grandes régions métropolitaines en matière d’emploi, de commerce et d’investissement. En raison de leur taille et de leur répartition spatiale, elles offrent et décentralisent des logements, des infrastructures de base et des services de manière plus rentable que les régions métropolitaines, les capitales et les mégapoles. Ces villes intermédiaires sont la promesse d’un urbanisme « plus inclusif, plus sûr et plus résilient », et du développement de systèmes urbains plus équilibrés et plus durables, en particulier dans une Afrique qui s’urbanise rapidement.
Les villes intermédiaires jouent déjà un rôle important, car elles sont de plus en plus nombreuses en raison de l’urbanisation rapide de l’Afrique et de l’évolution de leurs fonctions et de leur taille. Dans ce contexte, la formulation et la mise en œuvre de politiques urbaines efficaces doivent reconnaître la place particulière des villes intermédiaires, leur nature et les tendances de leur croissance au fil du temps, leur rôle dans la réalisation d’une urbanisation inclusive et durable en Afrique, et leur intégration dans les régions métropolitaines.
Les gouvernements doivent mettre l’accent sur le financement d’infrastructures vertes qui favorisent l’éclosion d’une industrie locale selon les spécificités régionales et qui améliorent la qualité de vie des habitants. La création d’universités régionales et de centres de formation technique dont le rôle est multidimensionnel, allant de la formation de la main-d'œuvre à la recherche et au développement, en passant par la promotion de l'innovation, prépare ces villes à attirer les investissements industriels indispensables à la création d’emplois décents.
Ces engagements des acteurs publics sont un préalable et catalyseur important pour la création d'une industrie durable et compétitive dans les villes intermédiaires en Afrique.