Le trio urbain Abomey-Calavi – Cotonou – Porto-Novo au Sud du Bénin : les raisons d’une mobilité pendulaire

Le trio urbain Abomey-Calavi – Cotonou – Porto-Novo au Sud du Bénin : les raisons d’une mobilité pendulaire

Les villes d’Abomey-Calavi, de Cotonou et de Porto-Novo sont situées dans la région urbaine littorale, au Sud du Bénin. Ville portuaire rayonnante et attractive, Cotonou exerce une influence éminente particulièrement sur les villes satellites d’inégaux statuts de la région littorale : Abomey-Calavi (ville universitaire) à la lisière Ouest et Porto-Novo (capitale du pays) à environ une trentaine de kilomètres. A trois, ces villes connectées par l’eau et la route forment une aire urbaine dynamique dans ce contexte géographique. De plus, les interactions entre ces trois villes ont engendré une mobilité pendulaire avec une forte utilisation des motos. Le croisement de divers paramètres ou facteurs permet d’expliquer plus ou moins cette mobilité au sein de ce trio urbain. Ces paramètres ou facteurs sont d’ordres démographique, économique, politique, géographique, historique et culturel.

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Source : Fond cartographique Open street map (2019) traité par Anicet Adognon.

Une aire en pleine croissance démographique

Ce trio a fait l’objet d’une croissance démographique considérable cette dernière décennie. En effet, entre 2002 et 2013 sa population est passée de 1 196 397 à 1 599 690 habitants grâce à une augmentation de près de 34%. Il détient ainsi un poids démographique estimé à 16% de la population nationale. De manière spécifique, seules Cotonou (665 100 habitants en 2002 contre 679 012 habitants en 2013) et Porto-Novo (223 552 habitants en 2002 contre 264 320 habitants en 2013) ont enregistré une croissance démographique relativement modérée (voire faible) cette dernière décennie. Ce qui n’est pas le cas cependant d’Abomey-Calavi puisque l’effectif de sa population a nettement doublé : 307 745 habitants en 2002 contre 656 358 habitants en 2013.

Ce peuplement d’Abomey-Calavi tire son explication de l’incapacité de Cotonou à contenir sa population additionnelle ; d’où une redistribution partielle de cette dernière dans cette ville devenue par conséquent une cité dortoir à l’instar de la commune de Sémè-Podji située à l’Est de Cotonou. A cette allure, la ville d’Abomey-Calavi pourrait d’ici à quelques années supplanter celle de Cotonou, car étant toutes les deux au coude-à-coude quasiment en termes de poids démographique dans ce trio. En parallèle, l’accroissement de la population de ce trio urbain semble amplifier en partie les flux de déplacements quotidiens.

La structuration spatiale et le contexte économique

A l’orée du XXe siècle, la ville-capitale Porto-Novo fut dépossédée progressivement de ses attributs, ceci sous l’influence des choix politiques et économiques de l’administration coloniale en faveur de la ville de Cotonou. Aujourd’hui, les conséquences de ces choix se traduisent d’une part par la concentration des administrations, des activités économiques et des emplois à Cotonou, et d’autre part par l’inégale répartition des équipements structurants (hôpitaux de référence, université d’envergure nationale et centres universitaires, principaux marchés, port, aéroport international, etc.) entre les villes de ce trio.

Étant assimilé en partie à l’aire littorale urbaine, ce trio urbain stimule un développement économique soutenu par la situation géographique et l’attractivité de Cotonou, la métropole béninoise qui caractérise d’ailleurs un réel potentiel pour ce pays. La ville de Cotonou est en effet devenue un hub pour l’installation des entreprises (locales et étrangères) et l’écoulement des produits vivriers et manufacturés provenant de divers horizons. Parallèlement aux migrations et aux nombreuses opportunités d’emploi et de commerce qui en découlent, il importe de souligner que les équipements structurants, ayant une portée locale et/ou internationale remarquable, jouent un rôle crucial dans l’établissement et la consolidation des échanges commerciaux. Il s’agit dans ce cas du port de Cotonou qui dessert aussi bien le Bénin que l’hinterland et génère des trafics en provenance et à destination des pays concernés ; puis il y a les marchés Dantokpa (Cotonou) et Ouando (Porto-Novo) pour la redistribution des produits de toutes sortes.

La proximité géographique et les paramètres culturels

Il ressort de la proximité géographique des dynamiques frontalières au Sud du Bénin, avec le Nigéria à l’Est et le Togo à l’Ouest, facilitées par l’existence d’un réseau routier conséquent. Ces dynamiques, focalisées prioritairement sur les échanges, s’opèrent suivant le corridor Abidjan-Lagos et la porosité des frontières ; mais aussi grâce à l’existence des principaux marchés de la sous-région dont celui de Lomé[1] au Togo, puis ceux de Badagry et de Lagos au Nigéria.

Le développement économique dans le trio est attisé également par les paramètres culturels qui accélèrent évidemment les relations transfrontalières observées. Ces relations se fondent en réalité sur les liens historiques importants, tant sur le plan social que culturel. On retrouve par exemple dans ce cadre les groupes socio-culturels goun et yoruba dont une frange basée à Porto-Novo entretient depuis toujours de bons rapports commerciaux avec Cotonou et Lagos


C’est donc cette configuration qui, à travers des facteurs incitatifs et attractifs, insuffle d’importants flux de mobilité pendulaire au quotidien au sein du trio Abomey-Calavi – Cotonou – Porto-Novo, une aire urbaine à écologie sensible. Cette mobilité, axée sur les modes motorisés, devient de plus en plus préoccupante au regard des impacts qui en découlent.

[1] Le Grand Marché de Lomé ou le Marché d’Adawalato situé sur la côte.


Bibliographie

AGOSSOU N. (2011) Paradoxes de l’étalement urbain à Porto-Novo : dynamique démographique et économique vs dynamique foncière. Les Cahiers d’Outre-Mer, n° 256, pp. 467-484.

DORIER-APPRILL E. et DOMINGO E. (2004) Les nouvelles échelles de l’urbain en Afrique : métropolisation et nouvelles dynamiques territoriales sur le littorale béninois. In GHORRA-GOBIN C. (éd.), Vingtième siècle. Revue d’histoire, n° 81 (janvier-mars 2004), pp. 41-54.

DORIER-APPRILL E., TAFURI C. et AGOSSOU N. (2013) Porto-Novo dans l’aire métropolitaine littorale du Sud-Bénin : quelles dynamiques citadines ? In MENGIN C. et GODONOU A. (sous dir.), Porto-Novo : patrimoine et développement, Publications de la Sorbonne et de l’École du Patrimoine Africain, pp. 109-136.

INSAE (2015) RGPH 4 : Que retenir des effectifs de population en 2013 ? Cotonou, INSAE, 33 p.

SOSSOU-AGBO A. L. (2013 a) Dynamique territoriale à la frontière bénino-nigériane : Rôle des marchés du Sud-Est. European Scientific Journal, vol 9, n°1, pp 223-243.

SOSSOU-AGBO A. L. (2013 b) La mobilité dans le complexe fluvio-lagunaire de la basse vallée de l'Ouémé au Bénin, en Afrique de l'Ouest. Thèse de Géographie. Grenoble, Université de Grenoble (https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00995697).

SOTINDJA S. D. (1999) : Le doublet urbain Cotonou - Porto-Novo : les raisons de deux capitales à deux vitesses. Revue CAMES, Série B, vol. 01, pp. 90-100. 

Paul Ortais

Sustainable cities planner and high-end control systems architect - I do not invite without telling why

5 ans

La présence de la lagune est un avantage géographique très important, qui limite le débordement anarchique de la conurbation. SEA a procédé récemment à une évaluation d'une liaison Porto-Novo --- Cotonou --- Abomey-Calavi qui est assez simple à réaliser et peu coûteuse avec CarLina. Cela fluidifierait considérablement cette mobilité pendulaire tout en réduisant très fortement le besoin automobile/moto et les nuisances associées, jusqu'à autoriser le déploiement de circulations douces dans un ensemble beaucoup plus efficace que ce qu'on subit aujourd'hui. Le système est conçu pour être construit et exploité par les habitants du territoire concerné, et vise en priorité la mobilité durable (propre).

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