Comment se crée la monnaie ?
Contrairement à la croyance largement répandue selon laquelle le privilège de création de la monnaie incombe aux Etats, il est en réalité confié aux banques commerciales qui disposent (grosso modo) de trois leviers :
- par le crédit, selon la formule « les crédits font les dépôts »,
- par les créances sur le Trésor,
- par les opérations sur les devises étrangères.
Ces éléments qui présentent le processus de création de la monnaie sont désormais (depuis 2011, ou peut être pour la prochaine rentrée 2013) au programme des premières ES (économie et social). La note de l’éducation nationale pose partiellement le sujet, mais que pouvons nous dire en complément ?
La note de l’éducation nationale évoque à peine les intérêts. Nous allons donc préciser le sujet.
Quand la banque commerciale accorde un prêt, elle crédite le compte courant de l’emprunteur et inscrit simultanément la créance correspondante à l’actif de son propre bilan. Elle accorde le prêt en contrepartie d’une promesse de remboursement. C’est pour cela que l’on dit que les crédits font les dépôts.
Il s’agit d’un simple jeu d’écritures comptables. Les dépôts sont au passif du bilan des banques, les créances à leur actif. Le crédit du compte de l’emprunteur se traduit par une augmentation instantanée de la masse monétaire. La monnaie est donc créée ex nihilo puisque la banque n’a prélevé les fonds correspondants sur aucun compte ! Lorsqu’il signe le contrat, l’emprunteur s’engage à rembourser la banque d’une somme d’argent qu’elle vient tout juste de créer à partir de rien, pour lui.
Quand le crédit arrive à échéance, l’emprunteur le rembourse, son compte est débité, et la quantité de monnaie correspondante est mise “hors circuit” . Elle est “détruite” aussi instantanément qu’elle avait été créée ex nihilo à l’ouverture du prêt (en réalité, ce processus est en général échelonné dans le temps). A cet instant, l’emprunteur a remboursé à la banque une somme correspondant au capital auquel sont venus s’ajouter des intérêts.
L’évolution du stock de monnaie (la masse monétaire) en circulation résulte ainsi d’un processus de création et de destruction monétaire. Si les opérations à l’origine de la création monétaire (principalement liées à l’octroi de prêts) l’emportent sur les opérations de destruction (principalement liées au remboursement de prêts) alors la masse monétaire en circulation s’accroît. Inversement, si les opérations à l’origine de la destruction l’emportent sur les opérations de création alors la masse monétaire en circulation décroit.
La masse monétaire dont nous parlons ici correspond aux billets, pièces et dépôts à vue (c’est à dire l’argent que l’on peut “retirer” rapidement à la banque, celui qui n’est pas “bloqué”). Selon Wikipedia qui présente les chiffres de l’Union Européenne, cette masse monétaire pèse en janvier de cette année 5 121 Mds, dont 903,5 Mds en billets et 4 218 Mds en dépôts à vue. En 1997, cette masse monétaire pesait “seulement” 1 500 Mds.
La première conséquence est que la présence de cette monnaie sur le marché est assujettie à l’octroi d’un nombre minimum de prêts, ou d’un montant minimum de crédit accordé. Les agents économiques doivent donc obligatoirement s’endetter pour que des échanges marchands puissent s’opérer.
Une autre conséquence est que le remboursement d’un prêt n’est possible qu’en prélevant “dans la poche du voisin” les liquidités correspondant au remboursement des intérêts, car il n’y a pas assez de monnaie en circulation dans l’économie pour les rembourser intégralement. Seul le capital est couvert par la masse monétaire mobilisable. Pour illustrer le propos, parvenir à rembourser les prêts consentis avec intérêts reviendrait à parvenir à extraire 12 litres d’eau d’une bassine remplie initialement avec 10 litres. Pour la même raison, il est tout aussi impossible de rembourser tous les prêts consentis, sauf à emprunter de nouveau … et d’augmenter la masse monétaire, et d’emprunter, et d’augmenter la masse monétaire, et …., … de quoi faire tourner la tête des élèves de premières ES !
Sources : Sciences économiques et sociales – Première ES, Science économique, la monnaie et le financement. (PDF)