Commentaire de la décision du Conseil d'État "SEMERAP" n° 405628

La création des sociétés publiques locales en 2010 s’est toujours accompagnée d’un débat nourri par la jurisprudence concernant la possibilité pour une collectivité territoriale d’intégrer une telle entreprise publique, en présence d’une distorsion entre l’objet social de celle-ci et les compétences de la personne publique.

Aux termes de l’article L.1531-1 du code général des collectivités territoriales, « les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent créer, dans le cadre des compétences qui leur sont attribuées par la loi, des sociétés publiques locales dont ils détiennent la totalité du capital ».

Une clarification bienvenue de la jurisprudence.

Par la décision ici commentée, le Conseil d’État estime que pour intégrer une société publique locale, une collectivité territoriale ou un groupement doit exercer l’ensemble des compétences se rattachant à l’objet social de la société.

Les juges du palais royal mettent ainsi un terme aux discordances jurisprudentielles existantes entre les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel.

En premier lieu, en annulant partiellement pour erreur de droit l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon dont il était saisi, le Conseil d’État censure directement l’approche adoptée par cette juridiction. Dans son arrêt de 2016, elle avait en effet estimé qu’une l’adhésion à une société publique locale était illicite dès lors que l’objet social de celle-ci excédait de manière prépondérante les compétences de la personne publique qui en était membre (CAA Lyon, 4 octobre 2016, SEMERAP, n° 14LY02728).

Cette interprétation avait d’ailleurs été reprise très récemment par le tribunal administratif de Toulouse à l’occasion d’un jugement du 30 janvier 2018 (TA Toulouse, 30 janvier 2018, Préfet de la Haute-Garonne, n° 1701505, 1701507).

En second lieu, le Conseil d’État évince implicitement l’approche souple opérée par certaines juridictions, dont le tribunal administratif de Montpellier qui a estimé dans jugement de 2017 que l’article L.1531-1 du code général des collectivités territoriales « n'imposent pas, (…) que les actionnaires d'une société publique locale doivent être compétents pour exercer l'ensemble des activités entrant dans le champ de l'objet social de la société publique locale » (TA Montpellier, 19 septembre 2017, M. F.L., n° 1506432).

À l’inverse, en troisième lieu, la Cour administrative d’appel de Nantes a interprété strictement dès 2014 les dispositions précitées (CAA Nantes, 19 septembre 2014, syndicat intercommunal de la Baie, n° 13NT01683), approche que le Conseil d’État reprend dans la présente décision.

Un début de réponse aux problématiques inhérentes aux entreprises publiques locales.

Cette décision claire permet ainsi de mettre fin à une incertitude patente, et apporter une réponse juridique. En effet, ce cumul, jurisprudences contradictoire a conduit certains députés à solliciter, en l’absence de décision claire du Conseil d’État, une réponse ministérielle (Question écrite n° 05003 publiée dans le JO Sénat du 17/05/2018 - page 2316).

Cette approche apparait en phase avec la philosophie des sociétés publiques locales. Elles ont été notamment crées pour permettre d’assurer l’exécution d’une mission de service public tout en dérogeant aux règles de la commande publique, ce que ne permettait pas une société d’économie mixte à l’origine eu égard à la présence de capital privé.


Ce faisant, il apparait nécessaire d’éviter l’existence d’un lien trop distendu entre la société publique locale et la personne publique qui en est membre, sous peine de remettre en cause les critères de la quasi-régie.

Par ailleurs, cette approche fait preuve de cohérence. En effet, la participation à une société publique locale implique, ainsi que le relève le Conseil d’État, le droit « à participer au vote des décisions prises ». Ce faisant, il apparait curieux, d’admettre une participation pour la personne publique dans la direction de la société dans des domaines pour lesquels cette dernière ne dispose pas de compétence.

Au final, la Conseil d’État apporte une solution attendue. La prochaine étape importante concernant les entreprises publiques locales concerne la possibilité pour les sociétés d’économie mixte de bénéficier de l’exception de quasi régie, question ravivée par les ordonnances de 2015 et de 2016 relatives aux marchés publics et aux contrats de concessions, qui n’exclut plus la mise en œuvre d’un tel mécanisme lorsque la présence de capital privé est « requise par la loi ». Pour cela, il faudra attendre que le Conseil d’État statue sur le recours de l’UNSPIC déposé en 2016.




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