Commissariat aux comptes et groupes de sociétés / souvenons-nous d'Enron !
L’avenir appartient à qui aura su allier les anciennes et les nouvelles voies.
Journée d'information #Je soutiens mon CAC le 07.04.2018 au palais Brongniart à Paris où l'ANECS et le CJEC ont émis de nombreuses propositions sur l'évolution du commissariat aux comptes.
Dans son rapport « la certification légale des comptes des petites entreprises » en date du 1er Mars dernier, l’IGF préconise de « rendre obligatoire la certification des comptes sociaux des entreprises exerçant le contrôle d’autres sociétés (au sens de l’article L.233-3 du code de commerce), sauf lorsque cette société est elle-même contrôlée par une société soumise à cette même obligation. »
Comme relevé plus en détail dans mon précédent article, pour l’IGF, dans le cadre des nouveaux seuils obligatoires de nomination d’un commissaire aux comptes proposés, il n’est pas nécessaire d’« étendre l’obligation à l’ensemble des filiales individuellement, dès lors que la certification des comptes de la mère donne nécessairement lieu à examen des comptes des filiales. »
Souvenons-nous d’une entreprise nommée Enron !
Parmi les nombreuses causes de la faillite d’Enron, plusieurs relèvent de malversations classiques autour d’une entreprise. De nombreuses dépenses ont par exemple étaient enregistrées comme investissements afin de réduire les pertes et certains actifs ont été réévalués artificiellement.
Comme le résume Frédéric Marty (Le cas Enron : les enseignements pour la règlementation. 2006) :
« La stratégie de la firme reposait sur la localisation de certains actifs lourds et/ou risqués hors des comptes sociaux.
A cette fin, des special purpose entities (SPE) furent créées pour abriter de tels actifs, de façon à cantonner les risques, tout en garantissant une remontée des retours sur investissements via la société mère. Cette remontée était assurée par le remboursement progressif des actifs apportés par cette dernière. Théoriquement, une part du capital de ces SPE devait être détenue par d’autres investisseurs. Dans les faits, le tour de table était parfois bouclé au moyen de prêts bancaires garantis par Enron elle-même.
Ce montage permettait à la firme de ne pas consolider les comptes de ces SPE avec ceux de la société mère. En effet, à l’époque des faits, les normes comptables américaines (US GAAP) n’exigeaient pas cette consolidation du moment où l’investisseur extérieur détenait 3% des parts du SPE et exerçait le contrôle sur les actifs.
De plus les transferts d’actifs entre la société mère et ses SPE permirent d’enregistrer dans les comptes les plus-values latentes, au mépris du principe de prudence comptable. La création de cette « fausse » valeur de marché exposait Enron a des risques croissants en cas de retournement des marchés… »
Tout le monde sait maintenant ce qu’il est advenu !
Il s’agit de l’un des exemples les plus célèbres de fraudes générées par des contrôles insuffisants dans un groupe de sociétés, au niveau des SPE notamment.
En l’état actuel des propositions de l’IGF, il serait en effet possible d’organiser un groupe de société composé uniquement de filiales « petites entreprises » ne dépassant pas les seuils de nomination obligatoire d’un commissaire aux comptes et de créer des zones de « moindre » contrôle au sein de ce groupe. Ceci fait malheureusement dangereusement penser aux SPE de l’époque Enron qui étaient contrôlées de trop loin.
Gageons que la commission récemment mise en place saura faire en sorte que le souhait exprimé par l’IGF dans le cadre des travaux préparatoires à la loi Pacte puisse être mis en œuvre de manière pragmatique. Ceci afin de pouvoir allier réforme de l’audit et nécessaire sécurité financière.