Conditions de réussite d’un coaching systémique d'équipe ou d’organisation
Le coaching au sein d’un système, par exemple une équipe, est bien plus efficace que le coaching de chacun de ses membres pris individuellement. C’est l’argument principal de l’intérêt croissant pour mettre en oeuvre des accompagnements en coaching d’équipe ou d'organisation.
La raison en est simple : le coaching d’individus pris indépendamment les uns des autres n’affecte pas l'ensemble des interfaces au sein du système qu’ils composent. Lorsque chaque personne rejoint l’équipe après ses séances individuelles, les autres membres d'équipe ne se sentent pas impliqués dans les conséquences et enjeux de son travail personnel. Ils ne comprennent pas pourquoi le soutenir et peuvent même résister à toute tentative individuelle de mise en oeuvre.
De surcroit, l’évolution du système est bien plus solide, voire permanente. Toute nouvelle personne qui se joindrait au système ultérieurement s’adapterait presque automatiquement à la maturité interactive et aux nouvelles configurations opérationnelles déjà présentes au sein du système qui l'accueille.
Cet état de fait est la raison principale pour laquelle depuis des années, avant même avant l’avènement du coaching d’équipe, des approches telles la cohésion d’équipe, le team-building, et autres interventions de développement opérationnel d’équipes étaient privilégiées par les leaders qui souhaitaient que leurs équipes réalisent de meilleures performances collectives, qualitatives et qualitatives.
Dans le même esprit, un niveau supérieur de complexité concerne le coaching d’organisations. Il faut toutefois être clair sur la définition de ce terme : Il ne s'agit pas ici d'un coaching en organisation, mais un coaching d’une organisation en tant qu'entité unitaire.
Typiquement, un coaching d’organisation inclut donc : 1) le DG ou patron de département ou de division, 2) son comité de direction et/ou "directs reports", et 3) tous les membres de toutes les équipes immédiatement subalternes. Au sein d'une organisations conséquente, presque toutes ces personnes sont des managers, voire des managers de managers. Un tel état major au complet, peut comprendre jusqu’à cent personnes.
Pourquoi faire?
En mobilisant une telle masse simultanément, le coaching d ’organisations permet de contourner plusieurs freins à la véritable transformation ou métamorphose de systèmes complexes tels des entreprises. Rappelons encore que : 1) La transformation des interfaces opérationnels d'un système permet la transformation de tous ses membres actuels et futurs. 2) Le développement personnel ou professionnel d’individus ne transforme pas les systèmes, mais creuse l’écart, et l'aliénation, entre le système qui ne change pas et le développement individuel des membres qui se mettent en évolution.
Première croyance habituelle à remettre en question :
" Il faut commencer par la direction générale, le centre, ou le top, et le changement sera ensuite décliné dans le reste du système, couche après couche. La direction doit donner l'exemple."
Ce processus fondamentalement hiérarchique renforce la culture dominante « top-down » qui veut que tout commence au centre, et se diffuse ensuite vers la périphérie. Elle tend à renforcer la résistance passive totalement complémentaire du personnel, qui consiste à tout déléguer vers le haut, puis en attendre les directives. En retour, ce type de polarité culturelle provoque souvent encore plus de pression descendante, plus de résistance de la base, puis le burn-out, le brown out général, et aujourd'hui "la grande démission".
Typiquement, le centre est à la fois conservateur et contrôlant. Il oeuvre plutôt à empêcher sa périphérie de trop rapidement prendre des initiatives locales innovantes voire transformantes. Le centre se veut structurant jusqu'à tout vouloir controler, par conséquent limiter. en conséquence, toute aspiration collective pour de l'innovation est traduite en conspiration contre le pouvoir central. Et les directives issues des services centraux tels la RH, le Marketing, les Finances, et le siège en général ne servent qu’à augmenter la main-mise centrale au fil du développement d’une entreprise, comme d'un pays.
Le centre ou le comité de direction d'un système limite le changement en se servant de moult stratégies de diversion. Il fait de nombreuses promesses de changements futurs qui ne voient rarement le jour. Comme celles jamais tenues régulièrement annoncées par tous les gouvernements. Soyons clairs, ce n’est pas le rôle du centre de mener des révolutions ni même des évolutions profondes, des changements majeurs de cadre de référence ou de culture.
Les salariés ne sont pas contre le changement. Ils ne sont tout simplement pas dupes de la forme véhiculée par les promesses alléchantes. Ils refusent d'être traités comme des rouages, des pions ou des objets dans une relation qui ne fait que leur proposer de rester soumis aux décrets directifs.
En revanche, ils accepteraient un changement dans lequel ils pourraient participer si on leur proposait d'en être des acteurs respectés et respectables. Comme cela tarde au sein de nos entreprises et gouvernements, la résistance active et passive de la base devient évidente au moins depuis les années 2000 et le grand tournant de la révolution de l'information.
Par conséquent, pour les rendre plus efficaces sinon incontournables il est utile d’initier les transformations que l’on veut globales simultanément au sommet et au sein d’un maximum de sous-systèmes locaux !
Constats sur l’histoire de la conduite du changement :
1). Le cadre de référence dominant et top-down du « pilotage » du changement est paradoxal. Ce cadre de référence sert surtout à assurer la prévisibilité conservatrice des résultats attendus par la direction pour ses actionnaires, bien peu ouverts à la prise de risque de transformations profondes.
Pour les actionnaires, même une progressivité lente des résultats financiers est perçue comme beaucoup plus sûre que lorsqu’elle est rapide mais en dents de scie. Par ailleurs, une prévision de résultats à un an qui serait tenue au centime près est perçue comme bien plus sûre que lorsqu’elle est trop largement dépassée lors d’une année exceptionnelle. Les actionnaires n'aiment pas les surprises, même si elles sont bonnes.
2) Ne tenant pas compte des compétitions internes, le comité de direction et les consultants qui les servent soutiennent presque toujours qu’il faut initier les innovations en son sein, souvent en vase clos, afin d'en tester la validité avant de la diffuser au bénéfice du reste du système. Comme si les membres du comité de direction pouvaient décider de façon unitaire alors qu'ils se méfient tous les uns des autres.
Une autre option courante et tout aussi stérile est de décréter du haut qu'il faut commencer la démarche de transformation de l"entreprise dans un autre lieu encore plus résistant, l'endroit le plus rebelle ou syndiqué, où tout le monde sait que ça ne marchera pas, où toute tentative d'innovation sera vouée à l'échec.
Si jamais un peu de changement inattendu devient possible, le suivi du processus est généralement délégué pour être managé par les RH qui le délègue à son tour au service de formation ou un autre sous-sous système sans crédibilité affirmée. Dès lors, la conduite réelle de la transformation ne concernera plus les opérations, ni le business, ni les résultats financiers, et plus du tout la direction générale qui est déjà passée à d'autres urgences. La démarche stratégique devient alors plutôt centrée sur l'amélioration des relations, ou sur la culture collective, ou tout autre domaine définit à priori comme "soft," c’est à dire non mesurable voire idéologique.
Ce glissement progressif permet de continuer à servir des discours officiels qui promettent l’évolution du style de management, de l’ownership, de la délégation, de la responsabilité… et autres grands principes généraux. Il ne s’agira jamais de mesurer l'évolution réelle des comportements observables et autres résultats concrets, déployés au sein de tous les modes opératoires des départements et services opérationnels. Pendant ce temps, la pression, le harcèlement, le burn-out, la fuite des cerveaux et la grande démission continuent, voire accélèrent.
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Par conséquent, la fonction RH dans les pays de l’Ouest correspond à l'ancien Parti du Communiste omniprésent dans les pays de l’Est. Cette DRH est le contre-pouvoir influent, souvent occulte, qui opère de façon levantine. Par conséquent, les managers et salariés « hors cadre » ou trop « originaux » précédemment dirigés vers des placards sont maintenant désignés pour être accompagnés par des coachs individuels avec pour objectif de les remettre dans le rang. Être désigné pour un accompagnement de coaching est généralement suivi d’une séparation. C'est un début d'out-placement déguisé, une démarche d'expulsion politique d'un pays. Décidément dans tout cela, la véritable conduite du changement est bien difficile à cerner !
Une stratégie systémique en trois étapes pour réussir une transformation profonde des systèmes par le coaching d’organisations.
Le mieux pour cela est souvent de démarrer avec un PDG ou patron fraichement nommé, mandaté et fortement motivé pour installer une transformation profonde. S’il est bientôt en partance, tout le monde aura compris qu’il s’agit d’une opération cosmétique pour préparer son départ flamboyant, ou d’une tentative tardive de redresser la barre alors que son bilan bien moins favorable est déjà en préparation.
Les résultats opérationnels stratégiques mesurables souhaités doivent être mis au coeur de l’action de coaching d’organisation. Il s’agira par exemple d’accompagner une fusion, un déménagement conséquent, un redéploiement, une augmentation inhabituelle de résultats financiers, de vente ou de marge opérationnelle, de qualité-client, de réduction générale des coûts ou du turnover, etc. Ce fil conducteur opérationnel doit concerner l’ensemble de l’organisation comme chacune des équipes de direction en présence, et ceci de façon mesurable.
Bien entendu, afin de réaliser ces résultats extraordinaires, les modes opératoires de management, de travail en équipe, de délégation, d’engagement, de prise d’initiative, de prise de décisions et de suivi de leur application, de circulation d’information pertinentes, de qualité de réunions, etc. seront totalement revus au sein de toutes les équipes en présence.
NB : Il est impossible d’espérer des résultats opérationnels mesurables plus performants en continuant de faire la même chose au niveau des processus ou modes opératoires internes.
NB : Il est aussi impossible d’effectuer un changement culturel fondamental s’il n’est pas ancré dans l’activité opérationnelle du système.
Par conséquent les coachs d'organisations sortent ici du discours éminemment conservateur de la culture top-down, centré soit sur le développement de la culture d'entreprise et les relations, soit sur l'amélioration des résultats opérationnels chiffrés.
Afin d’impliquer ces acteurs clés dans un véritable dialogue collectif, chacun est invité à situer son propre niveau de compétences comportementales mesurables dans ces quatre domaines, et d’entamer un dialogue avec les autres. Le diagnostic des forces et faiblesses statistiques du système en découle..
Cette action préliminaire aboutit à l’établissement d’un contrat collectif concernant les objectifs du coaching d’organisation proprement dit, d’où émergeront les processus innovants qui assureront la pérennité durable de l’entreprise. En passant, l’ensemble des personnes présentes apprend un langage commun et apprend à méta-communiquer sur leurs processus interpersonnels et collectifs.
Au sein d’entreprises conséquentes il s’agit là d’un groupe comprenant les 90 participants du top, sachant que ces 90 managers en encadrent jusqu’à 900. Concrètement cela s’organise dans une grande salle de bal, c’est à dire sans les habituelles salles de sous-commission qui renforcent le cloisonnement et les silos. Cette grande salle doit permettre un rassemblement de l’ensemble en session plénière en grand cercle au centre, et un travail en sous équipes d’une douzaine de personnes ou moins, en petits cercles dispersés tout autour, avec chacune son tableu conférencier. Au vu de la profondeur du travail à prévoir, il faut compter une durée de trois jours.
Beaucoup d’entreprises affirment vouloir fondamentalement se transformer, tout changer de leur avenir fondamental, sans prendre le risque de mobiliser tout son management pendant trois jours pleins, Elles espèrent obtenir des résultats concluants à condition de ne pas investir de temps collectif. A cette fin, elles sont même prêtes à payer beaucoup plus d’argent, généralement pour en faire une communication séductrice. C’est le "green-washing" de transformation culturelle avant l’heure..
Au niveau du processus de travail, une alternance de sessions en équipe de +/-1 heure puis de débriefs en session plénières permettra d’échanger sur l’évolution collective des équipes comme de l’ensemble et des modes opératoires culturels, de communication, d'analyse et de prise de décisions collectives, de conduite de réunions efficaces, etc.
Au niveau du contenu du travail, chacune des équipes oeuvre à élaborer des propositions de décisions opérationnelles, concrètes, écrites, avec mesures et délais, accompagnées de plans d’actions détaillés, qui permettront d’améliorer leurs résultats chiffrés, dans leur domaine de responsabilité.
L’objectif de cette alternance itérative sur trois jours est de permettre l’émergence d’un alignement collectif et un apprentissage comportemental pratique et mesurable au sein de chacune des équipes.
Il est à noter que si ce processus de coaching d'organisation a pour but de changer tous les processus interactifs au sein d'une l’entreprise, ces changements de comportements collectifs impliquent que tous ses membres changeront aussi leurs comportements interpersonnels, leurs attitudes personnelles, leurs habitudes relationnelles, etc.
Lorsque la transformation des processus culturels est ancrée dans la réalité quotidienne opérationnelle, elle permet d'accomplir des résultats mesurables inattendus et assurent la pérénité financière et durable de l'entreprise. Tous les indicateurs sociaux et d'efficacité tangibles sonnants et trébuchants, de concert, partent à la hausse.
C’est ainsi que l’on redécouvre que le bien-être et les intérêts de l'ensemble des salariés, ceux du management, ceux des clients, et ceux des actionnaires ne sont pas en opposition.
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Lectures : Coaching systémique d’équipes et d’organisations et Cas annotés de coaching systémique et encore sur les paradoxes dans la conduite du changement
Formation METACOACH Au coaching systémique d'équipe et d'organisations
Afin de nous demander des références de ce type de coaching, contactez nous !
Alain Cardon copyright NOVEMBRE 2022
Responsable Pôle Conseil & Formation chez PerformanSe
2 ansMerci, Alain, pour ce partage, lequel intéressera également Elaine LEEN et Samuel Héron je n'en doute pas ☺️
Coach ✨ Médiatrice ✨ Superviseure
2 ansMerci infiniment M. CARDON pour votre post fort intéressant et rafraîchissant mes connaissances et mes pratiques de coachings. 😊
Transforme ta vie avec l'ennéagramme !
2 ansL'Appreciative Inquiry est une excellente méthode pour impliquer l'entièreté d'une organisation, en mobilisant chez chacun, quelque soit son niveau hiérarchique, son envie de contribuer, dans un état d'esprit joyeux et positif.
Business COACH - Ostéopathe de votre Entreprise et Organisation via une meilleure maitrise de votre comportement de dirigeant.e.
2 ansTout a fait d'accord Alain, de plus, le côté "infusif" des évolutions comportementales est pour ma part salvateur dans le sens où il permet d'ancrer une logique de fonctionnement qui rendra perenne la transformation et la fera entrer dans un cercle de progrès vertueux.
🤔 Mieux comprendre les conflits et les situations relationnelles difficiles pour mieux savoir agir 👉 Conseil I Formation I Régulation d'équipe I Codeveloppement professionnel I Accompagnement indivduel
2 ansBonjour et merci pour votre article qui permet de mieux faire connaître une facette de l'approche systémique en organisation. Cependant, je suis en désaccord avec vous sur certains points. Je vous cite : "Le développement personnel ou professionnel d’individus ne transforme pas les systèmes". Oh que si ! Les coachings de dirigeants provoquent des changements personnels qui impactents les systèmes relationnels et par conséquent certains sous systèmes. C'est la raison pour laquelle le coaching systémique commence par un coching de dirigeant et se poursuit par un coaching d'equipe. Le coaching systémique tel que vous le décrivez s'apparente grandement selon moi a une conduite de changement culturel de l'organisation conduit de manière participative. Il y a des choses très intéressantes à aller piocher du côté des sociologues des organisations sainsaulieu, Crozier... Dont l'approche date un peu mais qui reste toujours d'une grande fraîcheur ! Encore merci pour votre article