Connaissez-vous la théorie du "Désir Mimétique” de René Girard ?

Connaissez-vous la théorie du "Désir Mimétique” de René Girard ?

Reproduction : Publication de Au cœur de la Philo sur #Facebook

Avez-vous déjà réfléchi aux raisons qui vous poussent à désirer certaines choses et non d'autres? Est-ce la nature même de l’objet qui suscite en vous ce désir, son utilité, les propriétés intrinsèques dudit objet ou existe-t-il un mécanisme plus subtil à l'œuvre? Et si nos désirs les plus profonds n’étaient pas une expression de besoins individuels, mais le fruit d'une configuration triangulaire ?

L’anthropologue et philosophe français René Girard est l’auteur de la théorie du désir mimétique, selon laquelle "tout désir est l’imitation du désir d’un autre."

Pour René Girard, le désir n'est ni linéaire, ni binaire (entre un sujet et un objet). Le désir s’inscrit au contraire dans une structure "ternaire" ou triangulaire, où une troisième entité, le modèle, joue un rôle central.

Autrement dit, nous ne désirons pas un objet uniquement pour lui-même : nous le désirons parce qu’un autre (le sujet-modèle) le désire déjà.

Ce schéma met en lumière la dynamique sociale et mimétique du désir.

Par exemple, une personne ne souhaitera pas acquérir un sac de luxe ou un dernier modèle de smartphone pour leur utilité intrinsèque, mais parce que ce même objet sera convoité par d’autres personnes qu'elle admire ou souhaite imiter.

Ainsi, Alexandra, bien qu'elle possède déjà un sac et une voiture fonctionnelle, pourra être tentée par un sac Louis Vuitton ou un SUV, non par besoin, mais parce que ces objets seront convoités et possédés par d’autres personnes.

En somme, Autrui est donc le médiateur entre l'objet et le sujet : Autrui est l'intermédiaire entre le sujet (celui qui désire) et l’objet convoité.

Quoi qu'il en soit, L’imitation en soi, nous explique Girard, n’est pas forcément négative.

Au contraire, cette dernière joue même un rôle fondamental au sein de notre espèce.

Après tout c'est elle qui rend possible tout apprentissage : l’enfant cherche par exemple à marcher en voyant les autres personnes autour de lui le faire, de même il apprend à parler en reproduisant les sons qu’il entend etc.

En revanche, nous met en garde René Girard, le caractère mimétique du désir - du fait de la rivalité ou concurrence mimétique induite - peut générer de la violence.

C'est d'ailleurs la rivalité mimétique qui serait à l’origine et au fondement des violences entre les individus.( Ce ne seraient donc pas les différences entre individus qui seraient source de violence, nous dit Girard, mais bien nos ressemblances.)

Il existe donc au sein du désir une dimension agonistique (agonistique est un terme qui provient du grec ancien agônistikos → qui signifie ou qui a trait à la compétition, la lutte etc.)

Prenons un exemple contemporain pour illustrer cette dynamique.

Lors de la sortie de baskets en édition limitée de la marque Nike, créées pour le célèbre basketteur Michael Jordan - il n'y avait que 150 paires qui étaient disponibles - une foule massive s’était rassemblée aux États-Unis dans l’espoir d’obtenir une paire.

De nombreuses files d'attente se sont formées dès l'aube - dans l'espoir d'acquérir les paires de basket tant convoitées - , vous vous en doutez, ela situation a rapidement dégénéré en violences et bousculades à l'entrée du magasins.

Dans la banlieue de Seattle, avant même l’ouverture, la foule avait déjà enfoncé deux portes. Des bagarres ont rapidement éclate, des bousculades, certaines personnes essayant de couper la file d’attente.

La presse a même rapporté qu’une mère avait abandonné ses deux enfants de 2 et 5 ans dans la voiture en pleine nuit pour se procurer les paires de chaussures désirées.

Bilan de ce fait d’actualité : De nombreuses arrestations ont eu lieu, des gens ont été piétinés, et certaines personnes ont même mis en danger leur propre sécurité ou celle de leurs enfants pour obtenir ces chaussures.

Un simple objet – une paire de baskets – est ainsi devenu un symbole de désir mimétique, provoquant une compétition et une grande “violence” parmi les consommateurs.

Vous le voyez, cette violence issue du désir mimétique, peut tout à fait porter sur un objet des plus banal : c’est le simple fait que cet objet sera désiré et possédé par un autre qui le rendra attrayant, au point de de susciter des comportements pouvant donner lieu à un déchaînement de violence.

Mais alors, comment expliquer malgré tout le fait que les sociétés humaines se soient maintenues jusqu’ici, malgré le caractère agonistique du désir (qui provoque la guerre de tous contre tous)?

Girard propose une réponse fascinante à cette question à travers le concept de "bouc émissaire". Selon lui, pour apaiser les tensions nées de la rivalité mimétique, les sociétés ont recours à un mécanisme de transfert de la violence : la désignation d’un bouc émissaire.

Ce processus aurait permis de canaliser l’agressivité collective en la dirigeant vers une seule victime(« tous contre tous à tous contre un », coupable désignée de tous les maux.

La désignation et le sacrifice de ce bouc émissaire procurent un double effet : il libère la société de son agressivité (fonction d’exutoire) et restaure la paix sociale en réunissant le groupe autour d’un ennemi commun.

Girard voit également dans ce mécanisme victimaire l’origine des religions et des rituels sacrificiels.

En effet, le sacrifice du bouc émissaire est un acte qui, par sa fonction cathartique, aurait permis et permet à la communauté de survivre malgré les tensions internes générées par le désir et la rivalité mimétique.

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Et vous, que pensez-vous de cette théorie?

Avez-vous le sentiment d’avoir déjà désiré quelque chose parce que d’autres le désireraient ?

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