Conseil des prud'hommes et Transdev: la motivation d'un jugement peut-elle se contenter de reproduire les conclusions de l'employeur?

Conseil des prud'hommes et Transdev: la motivation d'un jugement peut-elle se contenter de reproduire les conclusions de l'employeur?

Non! Vient de confirmer la Cour de Cassation dans un arrêt rendu par la chambre sociale en date du 3 Juillet 2019 (n°17-28.770).

Dans cette affaire, M. Z et trois autres salariés de la société Transdev urbain avaient saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution de la relation de travail.

Pour débouter les salariés de leurs demandes, les jugements se bornaient, au titre de leur motivation, à reproduire sur tous les points en litige, à l'exception de quelques aménagements de style, les conclusions développées et présentées de l'employeur pour s'opposer à ces demandes.

Les salariés ont interjeté un pourvoi à l'encontre de ces jugements, estimant que les juges, en se contentant de reprendre les arguments développés en défense par l'employeur, avaient violé l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les articles 455 et 458 du code de procédure civile.

Pour rappel,  l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose:

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.

  1. Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.
  2. Tout accusé a droit notamment à :
  3. être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ;
  4. disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;
  5. se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ;
  6. interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;
  7. se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience. »

De même, les articles 455 et 458 du code de procédure civile disposent:

>Article 455 : Le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé. Il énonce la décision sous forme de dispositif.

>Article 458: Ce qui est prescrit par les articles 447, 451, 454, en ce qui concerne la mention du nom des juges, 455 (alinéa 1) et 456 doit être observé à peine de nullité. Toutefois, aucune nullité ne pourra être ultérieurement soulevée ou relevée d'office pour inobservation des formes prescrites aux articles 451 et 452 si elle n'a pas été invoquée au moment du prononcé du jugement par simples observations, dont il est fait mention au registre d'audience.

Dès lors, au vu des ces dispositions rappelées ci-dessus, la Cour de cassation a jugé qu'en statuant ainsi, par une apparence de motivation pouvant faire peser un doute sur l'impartialité de la juridiction, le conseil de prud'hommes avait violé les textes susvisés et a ainsi cassé lesdits jugements.

Il en résulte que les Conseillers Prud'hommaux doivent être particulièrement vigilants quant à la rédaction de la motivation leurs jugements dans lesquels ils ne peuvent se contenter de reprendre in extenso l'argumentation développée par l'une des parties au procès pour motiver leur décision, sous peine d'encourir la nullité.

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Amandine Lecomte

Consultante formatrice en paie et droit du travail : le pragmatisme au service de votre strategie RH

5 ans

Logique et pourtant ... les conseillers sont des salariés et pas nécessairement des juristes rompus à la rédaction. Quant aux formations en matière de rédaction, elles existent certes mais sont bien insuffisantes

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