Contours de la culture alsacienne #4*
Heurs et malheurs de l’alsacien dans ce siècle
Si la culture alsacienne est si parcellaire, si morcelée, et latente, il y a beaucoup à imputer à la méconnaissance du dialecte. Ce dialecte lui-même, comporte de nombreuses variantes, parfois liées à un seul village ou presque. Elles s’atténuent d’elles-mêmes, avec le temps et la disparition des locuteurs. Il n’y aurait aucune raison de les accentuer à nouveau, artificiellement. Elles subsistent de manière simplifiée (ex: Waawe; Wàja ; Wàga - der Wagen / le véhicule). Il serait pertinent de voir en quoi certaines aires linguistiques pourraient recouper des aires culturelles, et donner lieu à des ensembles plus cohérents, sur le territoire alsacien. Cela demanderait aux collectivités de prendre les choses en main. Je prône cela car les trop nombreuses variantes sont un frein à l’apprentissage et à la transmission, bien souvent, et même un argument d’auto-flagellation pour des alsaciens, qui peinent à défendre leur propre langue. Je sais pertinemment que cela ne va pas forcément plaire, et à qui. Mais de toute façon, il me semble que nous allons vers un darwinisme linguistique : les variantes dont les locuteurs usent en nombre suffisant, vont survivre, et s’imposer, de même que celles qui sont le plus présentes dans les œuvres diffusées, imprimées et enregistrées.
Et pour ce qui est du "vernis culturel"*, il est selon moi nécessaire. Qui se soucierait encore de l’Alsace, si nous n’avions pas de costume (même standardisé), de folklore, de spécialités culinaires (elles aussi passées à la moulinette de la standardisation)? Et si tant de gens aiment l’Alsace, en premier lieu, c’est beaucoup par le biais du cadre : de beaux paysages, de typiques façades, de jolies ruines, et une profusion de fleurissement et de décoration. Et alors, me direz-vous, cela ne crée pas de culture. Non, mais cela peut être une porte d’entrée. Est-ce la bonne ? Sans doute pas uniquement. Par conséquent, nous nous devons de trouver d’autres portes, qui mènent vers d’autres univers que la choucroute et les cigognes!
Mais concernant la production d’œuvres culturelles ? Eh bien l’état des choses ne semble pas si mal, au fond, mais dans la forme, il peine à se maintenir, et surtout à se développer. Les pièces dialectales ambitieuses sont de bonne qualité (De Zopf, Ich bìn a beesi Fraui…), la musique actuelle (Bredelers, Matskat, Isabelle Grussenmeyer, Hopla Guys) se prend en main, les spectacles jeune public sont accompagnés et diffusés, l’Ecomusée est florissant et il y a quelques années, personne ne connaissait l’ASMA et son travail pour l’architecture alsacienne ! La poésie n’a plus le rayonnement d’antan, mais c’est un fait qui n’est pas propre à l’Alsace ; néanmoins, les œuvres et les auteurs sont là (J-C Meyer en tête) pour assurer la relève. Qui sait si les concours de slam ne vont pas faire naître des vocations ? La culture ouvre le chemin vers la langue, et la langue donne les clés de compréhension de la culture, ils s’alimentent mutuellement. Quand on pense que les écoles ABCM n’ont que 20 ans ! A-t-on une idée de leur impact à moyen terme, lorsqu’on réalise que le réseau Diwan a le double ? « Allez, s ìsch noh nìt àlli Taaj Nàcht gsì ». La poursuite des efforts en termes de politique linguistique ne peut qu’accompagner la diffusion des œuvres produites. Car c’est la grande question : comment améliorer cette diffusion, et sa réception par le public ? Là doivent porter nos efforts. Le principal accent doit être mis sur la jeunesse, petite enfance en tête, mais également sur les parents. Or ces jeunes parents, nés entre les années 75-95 principalement, ont besoin de supports culturels qui leur parlent, à eux aussi, afin de transmettre la langue, en même temps qu'ils cherchent à transmettre leur culture à leur descendance. Et comme vu précédemment*, leur culture alsacienne est parcellaire, mitée, ou trop spécialisée dans le meilleur des cas.
@suivre - Fortsetzung folgt - to be continued.
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