Coopérer pour un nouveau modèle ferroviaire au service des territoires
2021 est l’année européenne du rail. La Commission européenne a décidé d’en faire « l’épine dorsale » du transport de voyageurs et de marchandises. Pourquoi ? Pour tendre, conformément au pacte vert pour l’Europe, vers une réduction de 90 % de la part des émissions de gaz à effet de serre dues aux transports d’ici 2050.
Le rail est vital. Vital pour notre avenir et celui de nos territoires, qu’il irrigue, qu’il désenclave, qu’il dynamise. Il suffit de voir l’impact des Lignes à Grande Vitesse (LGV) sur certaines régions en France pour mesurer la contribution du ferroviaire à l’attractivité des villes. Il suffit d’entendre nos concitoyens des zones rurales défendre le maintien des petites lignes ferroviaires, dire combien elles sont fondamentales pour eux en termes de liberté. Il suffit de mesurer l’impact environnemental engendré – et pourtant largement évitable – par le recours prioritaire à l’aérien et à la route pour transporter des marchandises. Bien sûr, le train ne résoudra pas seul tous nos enjeux socio-économiques et environnementaux, mais il tient un rôle clé dans notre avenir à tous.
C’est la raison pour laquelle le secteur ferroviaire est soumis depuis quelques années déjà à de fortes pressions, pour gagner en productivité et en compétitivité. Comme beaucoup d’autres secteurs en mutation qui doivent répondre à des attentes fortes, le rail doit renouveler son modèle.
Son modèle ou ses modèles ? Le recours depuis une dizaine d’année au secteur privé pour le financement, la conception, la construction et la gestion d’infrastructures ferroviaires a ouvert la voie à de nouvelles méthodes et idées, au profit des territoires et des usagers. Unis dans une même culture, celle du ferroviaire, œuvrant au même dessein, celui de la mobilité durable pour tous, entreprises publiques et privées coopèrent et gagnent ensemble en efficacité d’années en années. Et c’est en France que cette collaboration a produit les meilleurs résultats.
Aujourd’hui, le GSM-Rail est exploité et maintenu par SYNERAIL sur 16 000 km de voies ferrées tandis que le quart du réseau LGV français est géré par des entreprises privées. Trois ans après la mise en service du contournement ferroviaire de Nîmes et de Montpellier et des LGV Bretagne-Pays de la Loire (Le Mans-Rennes) et Sud Europe Atlantique (Tours-Bordeaux), nous partageons de réels succès collectifs, unanimement reconnus comme tels.
Quelle en est la principale raison ? Certainement la logique contractuelle de ces partenariats de temps long (jusqu’à 50 ans). Les entrepreneurs du rail, à qui l’on confie le financement, la conception, la construction et la gestion d’une infrastructure, anticipent dès la conception la maîtrise des coûts d’entretien et de maintenance. Leur rémunération étant aussi liée à leur performance, ils optimisent tous les facteurs qui créent de la valeur en exploitation, sans jamais affecter la sécurité.
D’expérience, nous savons aujourd’hui que 70 % des projets réalisés en maîtrise d’ouvrage privée respectent les délais initialement prévus, contre 30 % des projets réalisés en maîtrise d’ouvrage publique et que, quand il y a des dépassements budgétaires, ils sont en moyenne de moins de 5 % en maîtrise d’ouvrage privée, contre près de 20 % pour la maîtrise d’ouvrage publique*.
En parlant de la culture ferroviaire, je voulais aussi souligner l’attachement au territoire des entrepreneurs du ferroviaire qui dirigent des entreprises et des équipes enracinées localement. Des femmes et des hommes du rail qui s’implantent et qui ont à cœur de contribuer au développement de l’économie du lieu où ils vivent aujourd’hui.
Dans la phase de construction de la LGV BPL, Eiffage Rail Express (ERE) a ainsi embauché 1 300 demandeurs d’emploi locaux et attribué 19 % des marchés de travaux à des PME et artisans locaux. LISEA et MESEA, ont quant à eux créé le Fonds SEA pour la transition des territoires, un fonds de dotation qui soutient des projets visant l’insertion sociale et professionnelle des publics en difficulté, l’agroécologie, la réduction des émissions de gaz à effet de serre des bâtis et la protection de la biodiversité.
Enfin, il me semble important de mentionner aussi des basculements déterminants dans la prise en compte des enjeux environnementaux. Ils sont maintenant indissociables – ce qui est positif - de la conduite des projets. A ce titre, de nombreuses initiatives, développées en coopération avec les parties prenantes locales, se traduisent par des résultats concrets : observatoires environnementaux, mesures de compensation et de suivi environnementaux sur le long terme en collaboration avec les acteurs locaux (associations environnementales, chambres d’agricultures, représentants de l’Etat, etc.). Sur ces sujets, encore, les entrepreneurs privés œuvrent au quotidien, au-delà de leurs engagements contractuels. En témoigne l’engagement d’Oc’Via en faveur du développement de projets agroécologiques le long du contournement ferroviaire de Nîmes et de Montpellier.
Nos entreprises, au-delà d’apporter une réponse à la mobilité croissante des citoyens, illustrent leur volontarisme en matière de responsabilité sociale, sociétale et environnementale.
Je crois en la contribution vertueuse du rail à notre société : inclusive, écologique, dynamique. Je crois en ces modèles qui stimulent la créativité et le génie humain. Je crois en ces coopérations qui génèrent de la fierté et de la valeur partagée. Je crois à l’émulation collective.
C’est pourquoi nous, entrepreneurs du rail et co-acteurs du ferroviaire de demain, avons créé l’AGIFI (Association Française des Gestionnaires d’Infrastructures Ferroviaires Indépendants). Chacun porté par ses objectifs, nous partageons, entre nous et avec les acteurs publics, des retours d’expérience, des bonnes pratiques - comme peu d’entreprises concurrentes oseraient le faire – dans le but de contribuer à la modernisation et au développement des infrastructures ferroviaires. Est-ce la passion commune pour le rail qui nous réunit ? Est-ce le sens de l’intérêt commun ? Peut-être est-ce la volonté de faire du rail autrement.
Dans une période difficile et peu lisible, nous gardons comme cap celui de contribuer positivement, grâce à nos différences et à ce qui en émane, au développement des mobilités de demain et aux bénéfices de ces dernières sur les plans sociétaux et économiques.
Loïc Dorbec – Président de l’AGIFI
*Etude Ernst & Young 2017
Consultant chez D'AC!
3 ansEt toi, Loïc, penses-tu qu'il y ait dans le ferroviaire, en dehors de rechercher des subventions ? Ne serait-ce pas un joli sujet à débattre ? Bon souvenir, bon courage et bonne réussite à toi.
Directeur chez EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES - CLEMESSY
3 ansBravo Loic, ton article est très intéressant et te correspond bien. Longue vie à cette belle association.
Référent de la démarche BIM chez Société des grands projets
3 ansAttention, la lecture de certains passages peuvent provoquer chez les plus anciens des crises d'épilepsie ... (aux rageux : je précise que je plaisante) Bravo pour cet engagement ... je serai surpris que tout cela se déroule sans quelques accros (mais je me trompe peut être).