Le train, meilleur allié du climat et de la qualité de l'air
L'actuel projet de réforme de la SNCF va à l'encontre des engagements environnementaux du gouvernement, selon les ingénieurs centraliens Elwyn Sirieys et Pascal Da Costa
La CGT, l'UNSA et la CFDT ont annoncé deux jours de grève sur cinq pendant trois mois, avec la volonté de faire reculer le gouvernement sur le projet de suppression du statut de cheminot. S'il existe un point commun entre les revendications des opposants à la -réforme de la SNCF et les recommandations du rapport Spinetta, remis le 15 février au premier ministre, Edouard Philippe, c'est bien la part belle faite aux préoccupations d'ordre -purement économique : ouverture à la concurrence, fin des -régimes spéciaux, etc.
Hasard du calendrier ou non, le Conseil économique, social et -environnemental a émis, le 28 février, un avis alarmant sur l'application de la loi de transition énergétique votée en 2015. Les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % d'ici à 2030 et de 75 % à l'horizon 2050 seront inatteignables en l'absence d'investissements majeurs, notamment dans les alternatives au transport routier individuel.
Or, de toutes les critiques adressées au projet de réforme, le respect de l'environnement est celle dont on parle le moins. Notre -réseau ferroviaire est pourtant un atout majeur dans la lutte contre le réchauffement climatique et, plus localement, pour la qualité de l'air dans nos métropoles. En 2017, le secteur des transports représentait 39 % des émissions de gaz à effet de serre et 96 % pour le CO2 (d'origine routière essentiellement). D'après la stratégie de développement de la mobilité propre, créée en 2016 par la loi de transition énergétique, alors que le -réseau ferroviaire représente près de 10 % du volume de transports sur le territoire métropolitain, il n'est à l'origine que de 0,52 % du CO2 imputable aux transports et de 6 % des émissions de particules fines de type PM10.
Préserver l'attractivité
En zone urbaine et périurbaine, les tramways et RER émettent chacun moins de 5 grammes de CO2 par voyageur au kilomètre, contre 125 grammes pour les bus. En zone interrégionale, les TGV émettent environ 50 % de CO2 de moins que les cars et 80 % de moins que les véhicules individuels. En zone régionale, le constat est plus mitigé puisque les TER émettent 50 % de plus de CO2 que les cars. Ceci s'explique par le fait que seule la moitié des voies ferrées françaises sont électrifiées, ce qui nécessite, d'après les chiffres de la SNCF, l'emploi de 163 " autorails grande capacité " thermiques et 326 hybrides. Or, depuis une dizaine d'années, une partie de ces trains hybrides roulent au diesel, même sur les voies électrifiées, car la formule est jugée économiquement plus rentable par les régions.
Deux trajectoires s'offrent donc au gouvernement concernant l'avenir du réseau : faut-il investir massivement dans la modernisation des petites lignes ou tout simplement abandonner le ferroviaire en zones peu denses ? Le premier ministre a déclaré ne pas envisager la fermeture " depuis Paris " de ces petites lignes, mais, avec l'ouverture partielle à la concurrence, les régions n'auront plus guère le choix.
Ce second scénario est d'autant plus crédible que la ministre des transports, Elisabeth Borne, travaille à un plan de désenclavement routier sur dix ans, au cœur de la future loi d'orientation sur les mobilités qui pourrait être annoncée en mai. Un -report modal massif sur la voiture est à prévoir dans les zones régionales délaissées. Si l'on veut respecter nos engagements climatiques, il est crucial que ce -report se fasse vers des modes de transport propres ou électriques. La préservation de l'attractivité des villes et villages concernés devra aussi passer par l'implantation de lignes régulières de transports collectifs propres.
Jusqu'à l'annonce finale du contenu de la réforme de la SNCF et de la loi sur les mobilités, la porte reste ouverte pour une prise en compte réelle des moyens de développer une -mobilité propre et durable.
Elwyn Sirieys et Pascal Da Costa
© Le Monde