Coquelicot, jolie fleur piège à gogos

Coquelicot, jolie fleur piège à gogos

Choisir le coquelicot comme incarnation d’une agriculture « pure » de pesticides et de chimie, comme le fait Charlie Hebdo, est un attrape-couillons. Pour au moins trois raisons.

Comment ne pas être remué par l’appel lancé par Fabrice Nicolino, journaliste à Charlie Hebdo et grand contempteur des pesticides ? Une centaine de personnalités le clament, dans son sillage et à la suite du numéro spécial pesticides de l’hebdomadaire satirique :  « Nous voulons des coquelicots ».

Sous ce titre, une pétition est en ligne pour demander l’interdiction de « tous les pesticides ». Le coquelicot, joli symbole de la vie qui renaît des champs scarifiés par la guerre semblait un emblème idéal. Et certes, une partie du constat dressé par l’appel est correct : oiseaux, insectes et petits animaux souffrent, pas seulement des pesticides, mais aussi de la disparition des haies, de l’urbanisation. Et évidemment, il est urgent d’agir.

Mais les coquelicots ? Ils ne sont pas menacés. Il y en a certes moins dans les champs, mais cette plante, dont les graines abondantes se dispersent très bien, n’est pas en voie d’extinction. Choisir le coquelicot comme incarnation d’une agriculture « pure » de pesticides et de chimie est un piège à gogos, pour au moins trois raisons.

D’abord, le gentil coquelicot, mesdames, est une plante qui nuit au rendement des récoltes et à leur qualité. Laisser les coquelicots prospérer parmi les épis de blé, c’est laisser des plantes qui ne nourrissent pas l’homme profiter des nutriments du sol. Donc devoir cultiver de plus grandes surfaces, donc devoir fertiliser plus. Est-ce écologique ? Non.

Ensuite, pourquoi débarrasse-t-on les champs du bucolique coquelicot ? Par détestation de la beauté ? Non, encore. Le coquelicot est toxique. C’est une plante de la famille des pavots (papaver rhoeas). Son lait contient des alcaloïdes. Certes en petite quantité, mais la place de ces substances n’est pas dans l’alimentation. On peut vouloir avaler des toxiques bios, c'est un choix. Mais ça reste toxique.

Et puis, il faut lire les petites lignes. L’appel demande l’interdiction de tous les pesticides… de synthèse. Qu’est-ce que cela veut dire ? Que le glyphosate est contesté, alors qu’il concourt à une agriculture respectueuse des sols, des lombrics, l’agriculture de conservation. Mais pas le cuivre ! Le cuivre est un pesticide dit « naturel », mais dont la toxicité est pointée du doigt par des études menées par l’Anses pour la France et l’UBA en Allemagne, sur la base des documents fournis par les producteurs de pesticides à base de cuivre. Les agences s’inquiètent bien plus des effets du cuivre sur les abeilles et les oiseaux et les humais que des effets que du glyphosate. Et pourtant, les "lobbies" industriels sont les mêmes pour qu'on continue à les utiliser. Il est curieux que les associations bien pensantes comme Générations Futures - partie prenante de l'appel et souvent décriée par les scientifiques pour la fantaisie de ses analyses sur les pesticides - ne demande son interdiction dans les milieux écologistes et bio.

Alors, on peut adorer les coquelicots… Mais en faire le symbole d’une agriculture « pure » en pesticides, amie de l’environnement et de la santé… C’est au mieux maladroit, au pire mensonger. Et c'est en tous les cas la fleur qui cache la forêt.


Alexandre Carré

Ingénieur Production de Semences Potagères

6 ans

Merci pour cet article. Il semblerait que l'association Générations Futures ne soit pas que partie prenante de cette "initiative citoyenne" mais bien l'instigatrice de ce qu'il serait plus juste d'appeler une campagne de communication déguisée de la part des industriels qui soutiennent financièrement cette association et qui siègent à sa présidence ... En effet, le nom de domaine du site nousvoulonsdescoquelicots.org a été déposé et enregistré par Générations Futures (cf. capture d'écran) De plus, l'enregistrement du nom de domaine a été effectué 2 mois avant le lancement de l'appel de citoyens "benevoles sans argent" qui ont "crée, dans l'urgence une association, Nous voulons des coquelicots " (les mots entre guillemets sont cités à partir du dossier de presse de l'association) ... La mobilisation citoyenne est devenue un outil marketing...

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Michel Delage

Associé gérant scea Condemine 30 ha agriculture biologique gérant Earl bost redon 120ha agriculture de conservation

6 ans

Bravo Mme Ducros  enfin une vraie journaliste  Merci 

Jean-Pierre Garreau

Expert semences à la retraite

6 ans

tout à fait d'accord avec l'article, merci de dénoncer,l'agronomie  cela s'apprend

Yann FICHET

Independent Consultant, Corporate communication, PA/PR

6 ans

euh... "Merci de"

Yann FICHET

Independent Consultant, Corporate communication, PA/PR

6 ans

Merci pour ramener un peu de bon sens dans cette chasse aux sorcières

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