Coronavirus. « Le Covid-19 ne disparaîtra pas après l’épidémie »
Mieux connaître ce virus nous permettra de vivre avec, dit François Renaud, spécialiste de l’évolution des pathogènes. Car on ne pourra pas totalement l’éradiquer.
La France a enregistré 112 décès supplémentaires en l’espace de 24 heures provoqués par l’épidémie de coronavirus, portant le total à 562 ce samedi, selon le ministère de la Santé. Le nombre de cas confirmés atteint désormais 14 459, contre 12 612 la veille.
Entretien avec François Renaud, biologiste au CNRS, spécialiste de l’évolution des maladies infectieuses.
Pourquoi le rythme des crises liées aux virus émergents augmente-t-il ?
Il ne s’agit pas seulement de crises sanitaires liées aux virus. L’antibiorésistance, qui concerne les bactéries, sera un défi majeur de la prochaine décennie. Une des raisons est la croissance démographique. Il y a 60 ans, nous étions 2,5 milliards, nous sommes aujourd’hui 7,5 milliards. Automatiquement, la modification de l’environnement, la baisse de biodiversité, notre démographie, font que nous sommes en contact avec de plus en plus de nouveaux potentiels pathogènes.
Le virus Covid-19 a-t-il muté ou une seule souche est-elle responsable de la maladie ?
Il a déjà beaucoup de variabilité, il mute sans cesse. Mais savoir si des mutations changeront ses caractéristiques infectieuses, bien malin qui peut le dire à ce jour. Cependant, la recherche d’un vaccin a été vite lancée. Le problème qu’on a eu avec le VIH, c’est qu’au moment où on a voulu travailler sur un vaccin, le virus était déjà très diversifié.
Trouver un vaccin sera la seule façon de vraiment endiguer l’épidémie ?
Les vaccins sont fondamentaux. Mais il ne faut pas imaginer éradiquer totalement le virus. Le cas de la variole semble unique à ce jour. C’est la seule maladie infectieuse déclarée éteinte par l’OMS, parce qu’on a eu la chance d’avoir un vaccin agissant sur une partie du virus qui ne mute pas ou peu. Mais on ne le sait pas à l’avance. Pour la grippe, le vaccin est plus ou moins efficace chaque année.
Y a-t-il un risque qu’il y ait plusieurs vagues de l’épidémie ?
Quand les professionnels du feu disent qu’un incendie est fixé, les braises sont encore là. Il suffit qu’il y ait du vent pour que l’incendie reparte. Le combustible, dans une épidémie, ce sont les personnes sensibles au virus. Donc, en l’absence de vaccin, tous ceux qui n’ont pas été infectés. Le risque serait de relâcher la pression dès que la courbe commence à s’infléchir.
Combien de temps devrait durer le confinement ? 30 jours ? 45 jours ? Plus ?
Cela va être un compromis délicat. L’idéal serait que tous les gens aujourd’hui contaminés soient guéris et que plus personne ne soit porteur du virus. Ce ne sera pas possible. Mais à quel moment le nombre de gens infectés sera-t-il assez bas pour pouvoir lever le confinement ? Je n’aimerais pas être celui qui va prendre la décision.
Que pensez-vous de cette étude chinoise qui fait un lien entre cas graves et groupe sanguin ?
Tout est possible, mais je suis méfiant. Beaucoup d’études sont actuellement publiées sans avoir le recul nécessaire. Si on parlait d’un parasite s’attaquant au sang, ok, mais là ? Il faut se méfier des corrélations. Actuellement, on va vers les beaux jours, l’herbe pousse et le taux de mélanine augmente dans notre épiderme. Cela signifie-t-il que la pousse de l’herbe fait bronzer ?
Le virus pourrait-il être sensible à la chaleur et disparaître à l’été ?
Aujourd’hui, nos connaissances sur la sensibilité du Covid-19 à l’humidité, à la température, aux expositions UV, etc. sont très réduites. On ne sait rien de la charge virale minimum pour une infection. Le virus est pandémique. Ce qui passera dans certaines régions où il fait chaud nous renseignera. Mais actuellement, ce sont de pures spéculations.
Faudra-t-il élaborer un vaccin chaque année ?
Sans doute, s’il mute et persiste dans les populations. Le virus ne disparaîtra pas, mais il ne circulera peut-être qu’à bas bruit. Nous devons vivre avec ces pathogènes. Et il faut plus de collaborations interdisciplinaires. On a besoin de mieux comprendre les paramètres biologiques et écologiques nécessaires à leur transmission, leur reproduction et leur propagation des pathogènes.