Course à la carrière

Course à la carrière

La reconnaissance pour les jeunes recrues se concrétise au début par des augmentations de salaire. Les hauts potentiels détectés grâce à la grille de la « growth agility » mais également selon le rang de l’Ecole de Commerce dont ils sont issus, évoluent rapidement. Ils zappent alors de poste en poste dont ils considèrent avoir fait le tour en deux ou trois ans. Ils progressent, ainsi, rapidement dans la pyramide hiérarchique. Certains évoluent vite, d’autres après avoir monté quelques barreaux de l’échelle restent sur le carreau et se font doubler par plus « agiles ». Ils bloquent alors la place de ceux qui poussent plus bas. L’organisation leurs demandera poliment de partir en leur proposant un bilan de compétences. Quand ils tardent trop à comprendre, un placard leur sera proposé sous forme de missions ad hoc constituant un sas de sortie. Cette pression n’est pas nouvelle, mais le rythme imposé s’accélère. La date de péremption du salarié, comme pour les produits alimentaires, s’est raccourcie, et une fois dépassée, s’il n’est pas recyclable, il sera mis au rebut. Au début, la jeunesse se croyant éternelle et invincible pense pouvoir tirer son épingle du jeu et cautionne ce système. Elle oublie, ou n’a pas encore conscience, qu’elle devra tenir ce rythme effréné pendant les 43 ans de cotisations nécessaires. La passion exigée par le Groupe à ses collaborateurs dans l’exercice de leur fonction n’est, elle aussi, pas éternelle. Ceux qui exigent cette passion se lassent eux-mêmes très rapidement. Elle ne dure qu’un temps et après la routine s’installe. Cette dernière n’est pas forcément néfaste tant qu’une reconnaissance suffisante entretient la flamme. Il est clair que ce système ne favorise pas les salariés séniors. Les pots de départ à la retraite se font de plus en plus rares. Les collaborateurs usés, après de nombreuses années de bons et loyaux services, sont poussés vers la porte par une rupture conventionnelle ou un licenciement pour causes réelles et sérieuse. Leur départ se fera discrètement. Ils seront effacés des mémoires aussitôt. A l’inverse, les départs de ceux qui démissionnent après quatre ou cinq ans de collaboration « succesful » sont célébrés autour d’un verre. Leur jeunesse et leur impatience d’évoluer leur ont fait trouver un emploi ailleurs correspondant à leur désir d’ascension. Des discours élogieux sont alors prononcés remplis d’anecdotes savoureuses. Les hiérarchiques expriment leur regret de voir partir un collaborateur si efficace et toujours bienveillant. Ils finissent par lui souhaiter bon vent avec la promesse de garder contact et la certitude de voir les chemins se croiser dans l’avenir car le monde est si petit. Beaucoup d’entre eux finiront pourtant aussi par être dépassés un jour ou l’autre.

Pourtant, à la question posée sur ce qu’il pense du rallongement de l’âge du départ à la retraite, lors d’une interview le patron missionnaire répond que la vraie problématique est « comment est-ce qu’on va arriver à travailler avec trois générations dans les entreprises parce que la vie est plus longue aujourd’hui, les systèmes de retraite ne sont pas construits pour ça et donc il faut inventer de nouvelles façons d’impliquer trois générations ». Son management répond à la question : ce n’est pas possible donc débarrassons-nous de la plus ancienne qui ralentit la progression de la cordée.


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