Covid-19 et ses possibles implications en matière du travail en République démocratique du Congo :
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Covid-19 et ses possibles implications en matière du travail en République démocratique du Congo :

Désormais considérée comme une pandémie, la maladie provoquée par le coronavirus (covid-19), frappe depuis le mois de février plusieurs pays à travers le monde.

La République démocratique du Congo a enregistré le 10 mars dernier son premier cas et à l’heure actuelle elle compte officiellement 18 cas.

Face à cette pandémie, les États du monde mettent en place des mesures sanitaires parfois drastiques pour tenter de limiter tant soit peu la propagation du virus.

Parmi ces mesures figurent notamment la restriction de la liberté de circulation et de la liberté de réunion, conduisant à des mesures de confinement ou à la fermeture de certaines structures telles qu’écoles et universités.

Le Président de la République démocratique du Congo a annoncé le mercredi 18 mars une série de mesures face au risque de propagation de cette pandémie. Elles sont relatives à l’accès au territoire national et aux rassemblements des personnes. Sur ce dernier aspect, il est interdit jusqu'à nouvel ordre, l'ouverture des discothèques, bars, cafés, terrasses et restaurants. Quant aux écoles, universités et instituts supérieurs officiels et privés, ils sont fermés sur l'ensemble du territoire national à compter du jeudi 19 mars 2020 pour une durée de 4 semaines.

Cette situation appelle plusieurs interrogations dans le chef des travailleurs et des employeurs sur le sort de leur relation contractuelle pendant cette période.

1.         Droits et obligations légales de l’employeur face au covid-19

Le code du travail congolais met à charge de l’employeur l’obligation de veiller à ce que le travail s’accomplisse dans des conditions convenables, tant au point de vue de la sécurité que de la santé et la dignité du travailleur (art. 55 du Code du travail).

Ces conditions sont fixées notamment dans le but de gérer et de lutter contre les grandes endémies de santé communautaire en milieu de travail (art. 159 du Code du travail)

C’est la raison pour laquelle la loi impose dans des cas qu’elle définit l’existence au sein des entreprises d’un service de santé au travail ainsi que d’un service spécial de sécurité, d’hygiène et d’embellissement des lieux de travail (Comité HSE).

Face à la propagation du covid-19, quelles sont les possibilités qu’offre la loi à l’employeur en matière de gestion de la relation contractuelle du travail ?

a)   La possibilité de suspendre les contrats de travail pour cause de force majeure

Le code du travail prévoit au point 8 de son article 57, la force majeure comme une cause de suspension du contrat de travail : « il y a force majeure lorsque l'événement survenu est imprévisible, inévitable, non imputable à l'une ou l'autre partie et constitue une impossibilité absolue d'exécution d'obligations contractuelles. Le cas de force majeure est constaté par l'inspecteur du travail».

La mise en œuvre de la suspension du contrat de travail pour cause de force majeure nécessite la réunion des trois conditions cumulatives que sont : l’imprévisibilité, l’inévitabilité, la non-imputabilité de l’évènement aux parties au contrat et l’impossibilité absolue d’exécuter les obligations issues du contrat du travail.

La condition de l’imprévisibilité consiste en ce qu’au moment de la conclusion du contrat de travail, le fait évoqué ne pouvait être prévu. Cette condition est remplie dans le cas du covid-19. 

La deuxième condition est que l’événement devra être inévitable, c’est-à-dire incontournable et non-imputable aux parties, c'est-à-dire indépendant de toute faute dans le chef de l’employeur et du travailleur. Ces conditions sont également remplies dans le cas d’espèce.

La troisième condition relative à l’impossibilité absolue d’exécution du contrat de travail est également remplie suite à l’interdiction faite pour certains secteurs (restaurants, cafés, bars, terrasses et discothèques) de continuer leurs activités jusqu’à nouvel ordre. 

En dehors des secteurs expressément visés par la mesure d’interdiction, il reviendra à l’inspecteur du travail habilité d’apprécier la réunion de cette dernière condition au regard notamment la nature de l’activité de l’entreprise.

La suspension du contrat de travail pour cause de force majeure a pour conséquence de dispenser les parties au contrat d’exécuter leurs obligations respectives, l’employeur celle de fournir le travail et rémunérer le travailleur et le travailleur celle d’exécuter ses prestations.

Notons enfin qu’en cas de force majeure, la partie intéressée peut résilier le contrat sans indemnité, après deux mois de suspension.

b) La possibilité de licencier pour motif économique :

Le licenciement pour motif économique est une option prévue aux articles 62 et 78 du Code du travail.

En effet, il peut arriver que certains événements puissent entrainer des difficultés économiques mettant l'entreprise dans l'impossibilité de poursuivre son fonctionnement normal.

Dans le cas d’espèce, le motif économique qui pourrait être invoqué est la mesure d'interdiction de fonctionnement jusqu'à nouvel ordre des entreprises des secteurs concernés (restaurants, cafés, bars, terrasses et discothèques) conduisant à des pertes des marchés ou de clientèle fondant un besoin de sauvegarde de la compétitivité ou de réorganisation intérieure de l'entreprise par une mesure de licenciement.

Les entreprises d’autres secteurs peuvent également être en mesure d’invoquer des difficultés économiques liés au contexte de la pandémie. Tel est le cas par exemple, d’une entreprise de transport transnational qui verrait son fonctionnement entravé par des mesures de fermeture des frontières.

Il existe à cet effet une procédure prévue, assez longue, partant de la consultation de la représentation des travailleurs (avec leur accord explicite) et devant aboutir par une autorisation du ministre national du travail.

c)   La mise en œuvre des mesures de prévention : 

Outre cette mesure à première vue extrême de suspension du contrat de travail pour cause de force majeure, l’employeur est tenu de mettre en œuvre des mesures tendant à limiter les risques de propagation du virus.

Il doit, conformément aux obligations légales à sa charge, prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l’intégrité physique du travailleur.

Pour ce faire, il est recommandé que l’employeur mette en place à travers son comité HSE des mesures d’identification et de contrôle du risque d’infection par l’application des mesures d’hygiène nécessaires tendant à limiter la propagation du virus :

  • distribuer des masques de protection et des solutions hydro-alcooliques ;
  • prélever obligatoirement de la température corporelle à l'entrée de l'établissement ;
  • identifier les travailleurs qui ont récemment voyagé dans des pays à risque et leur demander de se mettre en auto-quarantaine et se faire examiner;
  • communiquer à temps réel sur l'évolution du virus et les mesures de précaution à adopter ;

L’employeur peut aussi adopter une pratique de travail favorisant la distance sociale pour minimiser les risques. Cette pratique peut inclure des moyens tels :

  • éviter les réunions face à face non essentielles;
  • utiliser des outils technologiques pour les communications avec et entre les travailleurs;
  • favoriser le télétravail;
  • planifier les déplacements professionnels conformément aux mesures de restriction de circulation prises par le Gouvernement ;

2.         Droits et obligations légales du travailleur face au covid-19

Le travailleur est tenu d’exécuter personnellement et consciencieusement ses obligations découlant du contrat de travail.

Il doit à cet effet s’abstenir de tout ce qui pourrait nuire soit à sa propre sécurité soit à celle de ses compagnons ou des tiers (art. 51 du Code du travail).

a)   Droit de rompre le contrat pour faute lourde de l’employeur

Le Code du travail permet au travailleur de rompre le contrat de travail pour faute lourde de l’employeur si en cours d’exécution du contrat, sa sécurité ou sa santé se trouve exposée à des dangers graves qu’il n’a pas pu prévoir au moment de la conclusion du contrat.

Dans le cas du covid-19, il appartiendra au travailleur qui allègue la faute lourde de son employeur de démontrer que sa santé ou sa sécurité se trouve être exposée à des dangers graves du fait du risque de contamination au covid-19 dans le cadre de l'exécution de ses prestations.

 La rupture du contrat de travail par le travailleur pour faute lourde de l'employeur a pour conséquence l’ouverture de son droit à être indemnisé par l’employeur à hauteur maximale du montant équivalent à 36 mois de sa dernière rémunération.

b)   Bénéfice du congé-maladie

Le travailleur est en outre en cas d’infection au covid-19 en droit de bénéficier d’un congé maladie qui lui permet de suspendre l’exécution de ses prestations pendant la période de la maladie. 

Cette suspension du contrat pour cause de maladie ne peut dépasser six mois et le travailleur bénéficiera du deux tiers (2/3) de sa rémunération et de la totalité de ses allocations familiales pendant la période de suspension.

c)    Adoption des mesures de précaution limitant les risques d’infection et de propagation du virus covid-19

L’article 51 alinéa 1er du Code du travail oblige le travailleur de s’abstenir de tout ce qui pourrait nuire soit à sa propre sécurité soit à celle de ses compagnons ou des tiers.

Dans le contexte spécifique de la maladie à covid19, cette obligation d'abstention peut s’étendre à l’adoption des mesures d’hygiène limitant la propagation du virus tels que :

  • informer immédiatement l’employeur en cas d’exposition ou de présence des symptômes liées à la maladie covid-19
  • se nettoyer régulièrement les mains;
  • éviter des contacts à moins d’un mètre.

En définitive il incombe aux parties au contrat du travail de prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé, la sécurité et l’ intégrité physique de tous pendant cette période de pandémie covid-19.

© Maître BAHINDWA BAHATI

Joseph Kalonji

Avocat associé chez Barreau du Kongo central

4 ans

Belle interprétation de la loi cher Maître ,je vous en félicite très sincèrement ! S'il y a lieu je vous prie de m'envoyer l'article en mode Pdf sur mon whatsapp 0852623838

Valter Mbasu

Avocat au Barreau de la Tshopo

4 ans

J'ai lu avec attention votre point de vue... je tiens â vous feliciter

Jules Kajingulu Makenga

Avocat, Expert en droit africain des affaires y compris en droit du travail, en GRH, en DIH et en droit de l'enfant.

4 ans

Chère confrère Salvatrice, je me dois de te féliciter pour cet article magnifique et écrit en temps vraiment opportun. Je l'ai dévoré en un trait et, je peux te dire qu'il est valable. Je pourrais aussi aborder le même thème pendant ces temps de confinement mais sous un autre regard. Encore une fois mes très sincères félicitations. J'espère que notre connaissance ne sera pas que virtuelle..

Hubert Kalukanda Mashata

Avocat chez African court on human and peoples'rights/Cour africaine des droits de l'homme et des peuples

4 ans

Félicitations maître

Danny MULAMBA

Juriste, Gestionnaire de Conformité, Entrepreneur indépendant, Consultant en droit des affaires, Assistant de Direction.

4 ans

bonjour Maitre, merci pour ce travail de haute facture. En effet, j'ai deux questions à poser: est ce que l'employeur est en droit de rompre le contrat de travail avec motif faute lourde lorsque son employé n'a pas respecté les mesures d’hygiène ( je parle du port de cache nez et de la prise de température) et la deuxième question si l'employé est en mission de service à l’intérieur du pays mais ne sait plus regagner Kinshasa où son lieu d'affectation, l'employeur est tenu de prendre en charge les frais des missions jusqu'à la fin du confinement?   merci et bien à vous

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