Création d’États fantômes au Proche-Orient


Alors que l’accorde Sykes-Picot, conclus en 1916 entre la France et la GB, n’a pas défini les frontières du Proche-Orient, mais tracé des zones d’influence. On connaissait déjà les conflits israélo-arabes, l’échec du panarabisme, les " printemps arabes ". Dans ce nouvel épisode, 2 États, l’Irak depuis 2003, la Syrie depuis 2011, sont carrément entré en état de dégradation accélérée. La géographie politique du Moyen-Orient, créée par la colonisation franco-britannique, semble sur le point de s’effondrer. Kurdes et Arabes, sunnites et chiites s’opposent. Le Liban, déjà fragile, on le sait, pourrait être la prochaine victime. Les récentes éclats de l’État islamique en Irak et au Levant (ISIS), opérant tant en Irak qu’en Syrie, la crise des tensions confessionnelles au Liban, permettent de savoir que ces différents conflits fusionnent en une seule zone opérationnelle de combats.

Les frontières vont-elles être redessinées ? En d’autres termes, assiste-t-on à la " fin de Sykes-Picot", ces accords (1916) qui ont engagé des frontières ne se superposant nullement aux frontières ethniques et confessionnelles ? Une transformation de la Syrie et de l’Irak a des " quasi-États.

L’ISIS contrôle aujourd’hui une zone qui a des frontières, partant de Racca en Syrie jusqu’à Falloujah en Irak, à 70km de Bagdad. Il se décrit lui-même comme un État islamique, et non pas une simple organisation , et progresse désormais en fonction de ses propres intérêts indépendamment des puissances étrangères. Il génère ses propres taxes, prélevant l’impôt sur des activités commerciales, ou en imposant la jiziya aux chrétiens.

Le nationalisme arabe proposa comme remède, sans succès, la constitution d’un État unitaire arabe. Devant l’échec, seuls des régimes autocratiques appuyés sur une minorité favorisée par les colonisateurs, les alaouites en Syrie, les sunnites en Irak, purent faire durer le découpage territorial. En résultat un choc ethnico-religieux prêt à exploser au premier signe de faiblesse.Que reste-t-il des accords Sykes-Picot ?

Conclus le 16 mai 1916 entre la France et la GB, ces accords, secrets, portent les noms du conseiller diplomatique britannique et français. Ils prévoient, à la fin de la WWI, le découpage et le partage des provinces arabes de l’empire ottoman entre les 2 grandes puissances coloniales.

Les alliés avaient prévu une zone administrée par la France comprenant la Cilicie, le littoral syrien, l’actuel Liban et le nord de la Palestine, et une zone sous autorité britannique, comprenant l’Irak et le Koweït. Entre ces 2 zones, les Occidentaux avaient tracé les frontières d’un futur état arabe, qui lui-même aurait été divisé en 2 zones d’influence, selon les termes du traité. La zone A, accolée aux provinces françaises comprenant Damas, Alep et Mossoul, et la zone B, d’Amman, en Jordanie, à Kirkouk, en Irak, qui aurait été sous influence britannique.

Ces accords "n’ont pas été appliqués pour diverses raisons". Un autre découpage de la région a découlé des accords de paix conclus à la fin de la WWI, dont le tracé diffère légèrement de celui prévu par Sykes-Picot. Pour autant, c’est bien ce dernier qui est resté dans les mémoires, et pas seulement dans celles des djihadistes. "Car Français et Britanniques ont poussé les nationalismes et fait
des promesses d’indépendance tous chemins aux peuples de la région, dans le but de les voir se soulever contre l’empire ottoman". Au regard de ces engagements non tenus, une fois l’accord secret publiée, la colère s’est mise à gronder du côté des populations arabe." Aujourd’hui, aux yeux des djihadistes, mais plus généralement d’une grande partie des populations arabes, ces accords symbolisent la trahison des Occidentaux et l’impérialisme européen". Le conflit syrien a débordé de ses frontières avec l’implication du Hezbollah libanais, de l’Iran, de milices irakiennes et de combattants djihadistes venus du monde entier. les jihadistes veulent casser les frontières tracées en 1916 par les Européens et souhaitent briser les lignes de démarcation héritées des accords passés entre la France et la GB au lendemain de la WWI. Après l’éclatement définitif de l’Empire ottoman en 1920, les cartes sont redessinées. La division du Moyen-Orient en plusieurs États, qui s’est faite au détriment des populations, a régulièrement été remise en cause et revient désormais en force dans les discours de l’ISIS qui entend restaurer le califat sunnite dans toute la région". L’ISIS ne reconnaît absolument pas les frontières, ni irakiennes ni syriennes, et entend restaurer le califat sunnite dans toute la région".

Dans un premier temps, les jihadistes souhaitent ainsi conquérir un maximum de provinces et villes stratégiques d’Irak et de Syrie, Dans un second 

temps, leur objectif est l’instauration d’un Califat omeyyade de Damas, puis abbasside de Bagdad constitue en effet aux yeux des islamistes, et pas seulement des jihadistes, un véritable âge d’or de l’Islam.

C’est la réorganisation des frontières héritées de Sykes-Picot est à prévoir à terme, mais elle n’interviendra qu’en second lieu, après que les communautés de la région se furent réorganisées en termes territoriaux et de pouvoir". Si cette réorganisation pourrait prendre du temps. Un système "bel et bien en crise" aujourd’hui et qui est "très probablement en train de prononcer son dernier souffle".

Youssef Sadek

head of activities department at GS Team

4 ans

Excellente analyse

L'article de Monsieur Richa passe sous silence la patte des Etats-Unis et de l'Europe, sans parler d'Israël dans la déstabilisation continue du Moyen-Orient. J'appelle cela de la malhonnêteté intellectuelle. Je vous invite tous à lire les écrits et entretiens de Georges Corm, ancien ministre des Finances (1998-2 000) de la République libanaise, économiste et historien. Un homme intègre.

Evangelos Papadopoulos

Senior Partner IT & Banking Digital Transformation at Trident-Ai

8 ans

Très bel article, merci.

sylvain-victor Nahum

Président chez OPERA DE LA PAIX

9 ans

Bel examen de la situation au Moyen-Orient ! Rare et objective, qu'aucun spécialiste en la matière à bien explicité. Mais vous n'avez pas parlé de la responsabilité des religieux, qui veulent transformer ce conflit en une guerre de religion ou musulmans, Chretiens, et juifs ici Israeliens vont vouloir se définir un Etat avec des Frontières définitives. Enfin la vieille Egypte, devra elle aussi trouver une place pour les Coptes , et régler son opposition à savoir celle des frères musulmans .

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