Crise du travail : sommes-nous devenus tous feignants ?

Crise du travail : sommes-nous devenus tous feignants ?

Selon une analyse de l’IFOP pour la Fondation Jean Jaurès, la place du travail s’est effondrée en un peu plus de 30 ans. En 1990, 60% des personnes sondées considéraient que le travail avait une place « très importante » dans leur vie, contre 21% en 2022.

Mais alors, que s’est-il passé ?

Tout d’abord, on peut constater que trois symboles historiquement représentatifs du travail sont désormais appréhendés différemment par les salariés aujourd’hui :

  • Le rapport au temps de travail. Si en 2008, 61% des sondés souhaitaient travailler plus pour gagner plus, en 2022, le rapport s’est inversé et désormais 62% d’entre eux préfèrent gagner moins pour avoir plus de temps libre.
  • Le rapport à l’espace de travail. Le spacieux bureau individuel, signe ultime de réussite sociale en entreprise, n’a plus le vent en poupe. Les cadres aspirent à présent à travailler depuis chez eux ou d’où ils le souhaitent. Le bureau est désormais l’endroit qui permet d’échanger avec ses collègues et non plus un marqueur social.
  • Le management. Auparavant élément statutaire indispensable à la réussite professionnelle, il ne mobilise plus autant les jeunes générations. Une courte majorité (53%) de cadres du privé de moins de 40 ans aspire désormais à occuper un poste managérial à l’avenir.

Mais pourquoi un tel changement ?

On pourrait invoquer la crise du COVID, mais cela serait une vision à courte portée. En effet, celle-ci est venue mettre en lumière certains aspects de cette crise, mais ne suffit pas à expliquer le glissement qui s’est opéré ces trois dernières décennies jusqu’au désengagement que l’on connaît aujourd’hui.

Trois facteurs sont à prendre en compte :

  • Les comportements sociétaux plus individualistes, tournés vers la recherche de satisfaction à court terme et moins prêts à fournir un effort d’adaptation à un collectif, tel que l’entreprise.
  • La défiance grandissante à l’égard des structures collectives, constitutives du fonctionnement de la vie en société, dont l’entreprise fait partie, et qui conduit à la perte du sentiment d’appartenance. En 2005, 38% des sondés déclaraient être « tout à fait » fiers d’appartenir à leur entreprise, en 2022, ils ne sont plus que 20%.
  • La recherche de sens et d’autonomie dans le travail qui conduit les jeunes générations à être particulièrement exigeantes lors de la prise de poste.

Mais ces éléments ne peuvent être décorrélés du contexte économique de ces trente dernières années. Si nos parents ont connu les 30 Glorieuses et la prospérité, ce n’est plus le cas aujourd’hui de la jeune génération qui :

  • Appréhende l’emploi de façon plus anxiogène, sur fond de désindustrialisation et de crises financières, sans période de croissance économique durable.
  • Voit les rythmes de travail s’accélérer et l’emploi se précariser, en raison de la standardisation des services sur un modèle industriel, au détriment de la dimension humaine et de la qualité.

Alors, peut-on réellement dire que le désengagement constaté aujourd’hui est lié au fait que les Français sont devenus feignants et ne veulent plus travailler ? Avant de tirer une conclusion trop hâtive, je vous invite à me retrouver mardi prochain pour un nouvel article où nous nous pencherons sur la question suivante : Crise du travail : et si la nature du travail avait changé ?

Emilie KESSOUS

Consultante en recrutement - Industrie, Ingénierie et Conseil - MacAnders

5 mois

Hâte de lire l'épisode 3 Véronique PIVERT !

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