Déjà on peut s’appeler
Frédéric Malbois

Déjà on peut s’appeler

Semaine dernière à Paris, j’ai contacté une copine pas vue depuis longtemps. On habite dans le même quartier. Facilité. A mon appel téléphonique, j’ai reçu en réponse un SMS. J’ai emprunté sa voie de communication, ai répondu par un autre SMS. Après quelques échanges sur deux jours, toujours par SMS, nous avons constaté que nos emplois du temps n’étaient pas synchrones. Qu’on pourrait se voir à ma prochaine visite. « Déjà, on peut s’appeler pour s’échanger des nouvelles. » « Oui », ai-je répondu.

A ce jour, nous en sommes là. On peut s’appeler !

Et après ! Qui appelle l’autre ? 

Derrière ce flou artistique, se pose la question : ai-je vraiment envie d’avoir des nouvelles de l’autre ? La motivation. Quand vous avez vraiment envie de quelque chose ou de quelqu’un, vous passez à l’action, non ?

Je peux aussi avoir envie et cette envie est moins forte que d’autres envies. Moins primordiale.

Sans jugement et surtout sans culpabilité, qu’est-ce qui est important pour moi à l’instant présent ? Prendre un thé avec autrui ou peindre en écoutant du jazz ?

Pour moi, c’est une question d’équilibre à trouver dans sa vie entre soi et le rapport à l’autre.

Un équilibre qui comme le funambule sur son fil n’est jamais acquis. Toujours en mouvement. Garder le contact avec le fil/la terre, un lien avec son ventre réceptacle des émotions, l’expressivité dans les bras et la tête bien axée.

Dans le rapport à l’autre, il y a aussi cette notion d’enracinement, d’ancrage de la relation. On dit qu’il faut trois racines pour qu’une plante s’enracine convenablement en terre. Idem pour une relation. 

Pour vous, quelles sont ces trois accroches ?

Le temps est peut-être l’une d’elle et finalement ça ne me parait pas si primordial. 

Les épreuves traversées ensemble me paraissent un bon point d’accroche. 

Le CORPS me parait le facteur le plus important dans le rapport à l’autre. Le corps ouvre sur le cœur et l’intimité.

J’ai vécu des « coups de foudre » corporels au cours de ma formation en Art Martial Sensoriel ou plus tard dans des stages de tantra. Entrer en lien avec l’autre en passant par le corps (pas seulement des massages, ou de la danse, parfois tout simplement du mouvement à deux) offre un accès direct (ou pas) au cœur, sensibilité, intimité de l’autre. Alors qu’une rencontre classique - « on se prend un verre et plus si affinités » - passe par le cadre de nos références socio-culturelles, de nos expériences émotionnelles et ne dis rien de nos rivières souterraines.

Le corps si. Un dos à dos, par exemple, que je fais pratiquer dans mes ateliers debout ou assis, ouvre plus sûrement, qu’un verre en face à face dans un troquet, sur le « monde » intime de l’autre : sa respiration, les battements de son cœur, son ancrage, sa capacité ou son incapacité à se déposer dans votre dos ou à vous accueillir sur son dos…

Il ne s’agit pas de nier le cadre mental, juste de le remettre à sa juste place : un cerveau au service des éléments fournis par le corps et non l’inverse.

Accepter de se laisser surprendre. Par soi et par l’autre. 

Là, j’ai une mouche qui bourdonne dans mon bureau, alors que je viens d’en expulser une ! J’ai donc l’info qu’il y en avait au moins deux. Être en mouvement, être en vie, c’est découvrir du neuf. Parfois une mouche qui me demande d’aller lui ouvrir la fenêtre… et en fait, non ! Elle a juste envie de jouer à chat avec moi. Je ne suis pas bouddhiste, qu’elle se méfie… dans un dos à dos, pratiqué les yeux fermés et sans parole, il y a à trouver corporellement le moyen de dire à son/sa partenaire « je n’ai plus envie de jouer, ça va trop vite pour moi, j’ai besoin de lenteur etc. » Comment ralentir quand dans son dos, on a une sœur ou un frère siamois pile électrique ? 

Une des clés, sinon LA clé, est de revenir à soi. Son ancrage, ses pieds dans le sol, son bassin, son cœur. Revenir à soi pour s’extraire de l’emprise de l’autre. Revenir à soi pour ne plus subir l’exercice. 

Devenir l’équilibriste de sa vie.

A ce sujet, je vous recommande Traité du funambulisme, Philippe Petit. Éditions Actes Sud. C’est lui qui a tendu son fil (avec ou sans mouche, je ne sais pas) entre les tours jumelles à NYC, Notre-Dame de Paris. Entre autres exploits. 

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