Dépasser les paradoxes: l'art clé - Agefi Indices, 7.11.19

Dépasser les paradoxes: l'art clé - Agefi Indices, 7.11.19

La transformation digitale[1] augmentent encore les paradoxes et l’incertitude de notre monde. Comment les dépasser pour plus de performance et plus de plaisir ?

Manager efficacement, en conservant motivation et énergie, devient de plus en plus difficile dans le monde actuel. Nous vivons en effet dans un monde exigeant, où on veut de plus en plus de performance et d’innovation tout en augmentant constamment les contraintes et exigences, ce qui est profondément contraire à la nature humaine[2]. Beaucoup doivent aussi à répondre à des demandes de clients de plus en plus spécifiques et à court terme, tout en devant rationaliser, standardiser, optimiser ; ou assurer un service clients avec des collaborateurs qui ont besoin de plus en plus de liberté pour concilier vie professionnelle et vie privée ; concilier les exigences d’un maintien des activités et des emplois tout en visant un changement radical du bilan carbone. Il y en a bien sûr beaucoup d’autres.

Ce genre de paradoxes ou de dilemmes n’induisent jamais une solution triviale et préexistante. Nombreux sont pourtant ceux qui le prétendent, facilitant une amélioration temporaire, avec le plus souvent pour effet de se retrouver plus tard face à une difficulté plus importante, en ayant déjà tiré ses meilleures cartouches. Cette stratégie est celle de la fuite en avant, ou de l’autruche, que l’on pratique allègrement pour contourner les difficultés à court terme, dans l’espoir inconscient d’un miracle ou de tenir suffisamment longtemps pour qu’un autre s’y attelle. L’écologie et le monde du travail sont particulièrement concernés.

Mais cette stratégie fonctionne de moins en moins bien, et donne souvent lieu à un sentiment d’impuissance auprès des cadres, source de stress, de repli sur soi et de spirale négative. En effet, lorsque l’on vit vraiment les contraintes, les limites, la perte de sens et le refus d’aborder les vrais sujets, on entre vite dans une dynamique personnelle délicate, avec une tendance à voir les problèmes plus que les solutions, à trouver des compromis qui ne satisfont personne, à crier haut et fort qu’on a tout essayé mais que rien ne marche et à utiliser son énergie à se focaliser sur les limites, à se mettre en victime et à remonter des problèmes plus que des solutions à son management. En résultent isolement et perte d’estime de soi du manager d’une part, défis de performance et souffrance dans les équipes d’autre part.

Des solutions pourtant existent. La démarche que nous proposons comporte trois volets principaux[3], qui pourront être mis en œuvre avec des cadres qui auront fait un premier travail de prise de conscience de la situation et des schémas comportementaux, d’identification des talents sur lesquels construire et qui auront décidé de prendre les choses en mains.

1.    S’approprier positivement le cadre : la première action consiste à modifier son regard sur le cadre, sur les contraintes, sur les règles et les normes. Ce regard vise d’abord à séparer ce qui est vraiment non négociable, qu’il est inutile de combattre, de ce qui peut être négocié voire modifié. En acceptant le côté non négociable du cadre, on se donne aussi le droit de regarder le terrain de jeu qui reste à l’intérieur de ce cadre, et qui est toujours plus grand que ce qu’on pense. Voir le terrain de jeu plutôt que les contraintes permet de se focaliser sur le positif, sur le résultat à atteindre et de mobiliser beaucoup plus d’énergie.

2.    Adopter une posture de leadership autour d’une vision stimulante: notre monde vit, probablement plus que jamais, dans une logique où l’on pense devoir choisir entre performance et bien-être, entre processus et liberté, entre autorité et humanisme, ..., dans une logique du OU induit des compromis qui ne satisfont finalement personne. Or le monde actuel exige plus que jamais une logique du ET, pour, dans le cadre non négociable qui prévaut, sortir des sentiers battus et trouver des solutions vraiment innovantes qui intègrent les attentes de toutes les parties prenantes. Cela présuppose de passer du Comment au Pourquoi, de mettre la vision avant la stratégie et le plan. Étonnamment, la solution est simple, rapide et prend peu de temps, mais par peur, par manque d’expérience et d’aisance, on ne se donne guère les moyens de le faire.

3.    Compter sur l’intelligence collective : la vision se définit mieux en équipe que tout seul. Les solutions à mettre en œuvre aussi. Il est donc fondamental de savoir impliquer les équipes pour, ensemble, élaborer des solutions innovantes mais respectueuse du cadre défini. Notre expérience de plus de 20 ans dans l’accompagnement d’organisations et de dirigeants montre que les solutions élaborées collectivement dans un contexte stimulant sont toujours meilleures que celles qui sont imposées, et de loin. Et, contrairement à ce qu’on pense, elles sont beaucoup plus rapides à mettre en œuvre, parce que l’adhésion est acquise par définition, même si la mise en route prend plus de temps.

C’est simple, efficace et puissant. Et c’est à notre avis la seule manière de sortir des paradoxes frustrants et démoralisants dans lesquels tant d’organisations s’enfoncent.

[1] Voir notre série sur ce sujet dans ces mêmes colonnes (mai, juin, septembre 2019) sous www.piman.ch – publications.

[2] Voir le paradoxe de l’innovation, AGEFI Déc 2017, à lire sur www.piman.ch.

[3] Plus de détails sur cette approche sur www.piman.ch – Accompagnement du changement.





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