Développer la fibre entrepreneuriale

L'esprit d'entreprise reste peu développé au Maroc. Il faut dire que le système éducatif n'incite pas les jeunes à entreprendre. Par conséquent, ils veulent pour la plupart être fonctionnaires ou salariés. l'Entrepreneuriat, avec toutes les difficultés qu'il suppose, serait pourtant une bonne parade au chômage. Jawad Idrissi, consultant, explique que la fibre entrepreneuriale peut s'acquérir.


· L'Economiste: L'entreprenariat est une activité vieille comme le monde, pourquoi cet engouement et cet air de renouveau?

- Jawad IDRISSI: Depuis des lustres, l'homme cherche à entreprendre. C'est pour lui une manière d'exister et de se réaliser. Ce qu'il y a de nouveau, c'est la prise de conscience universelle et grandissante que c'est probablement par là que passe l'essentiel de tout développement. Bien entendu, après l'acte de création, vient celui de la gestion ou de la bonne gouvernance comme on dit aujourd'hui, mais il faut d'abord créer. S'ajoute à cette prise de conscience la mondialisation qui rend la compétition et les challenges plus exaltants, mais plus durs aussi. On parle plus naturellement de libre-entreprise et d'économie de marché, notamment après l'effondrement des systèmes communistes, et les maîtres du jeu sont plus que jamais les clients et les adversaires, les concurrents. C'est pourquoi les responsables politiques et économiques cherchent de plus en plus à offrir de meilleures conditions pour accueillir et promouvoir l'entreprenariat, et par la même la richesse, la croissance et l'emploi.

· Est entrepreneur qui veut?

- JI :
     Pendant longtemps on a pensé que l'envie et la capacité de créer étaient plutôt innées et qu'elles étaient des vocations. Depuis, en fonction du degré d'évolution des civilisations, on s'est rendu compte que cela pouvait s'apprendre, un peu comme on apprend à conduire une voiture ou piloter un avion. On a alors réalisé des études sérieuses pour identifier les qualités comportementales chez les entrepreneurs qui ont réussi à analyser ces facteurs déterminants ou favorables dans l'acte d'entreprendre et chercher à les cultiver chez les entrepreneurs potentiels en début ou en cours de carrière.

· L'entreprenariat s'apprend donc. Comment?

- JI :     Il est nécessaire que des cours de formation à l'entreprenariat soient dispensés dans toutes les filières de gestion. Ceci est recommandé de plus en plus mais malheureusement très peu appliqué chez nous. L'important aujourd'hui est de former des entrepreneurs plus que des salariés, même en début de carrière. Plus tard, des formations sous forme de séminaires peuvent suivre.

· Quel peut-être le contenu d'une formation en entreprenariat?

-- JI :    En plus des qualités intrinsèques de l'entrepreneur lui-même, il y a lieu de compléter cette formation par d'autres aspects plus méthodologiques que comportementaux cette fois-ci. A ce titre, on peut citer principalement: l'idée ou le concept d'entreprise, l'étude de marché, l'évaluation de l'investissement et des prévisions de ventes et de recettes, la définition du cadre juridique, l'établissement du plan d'affaire ou business-plan, le financement du projet et les formalités à accomplir.Chacune de ces étapes donne lieu à un développement pédagogique pour montrer les différentes facettes de la conception, la réalisation et le fonctionnement d'une entreprise. 

· Quelles sont les qualités requises pour être entrepreneur?
- JI :     Pour essayer de cerner ces qualités, nous énumérerons celles retenues par le programme Empretec(1). Elles peuvent être regroupées en 3 familles: Celles relatives à l'accomplissement: sens de l'initiative, goût du risque, recherche d'efficacité, persistance et endurance, respect des engagements. Celles ayant trait à la planification: recherche de renseignements, établissement d'objectifs, planification et suivi systématiques. Et celles du pouvoir: persuasion et développement des réseaux de contact, indépendance et confiance en soi. L'essentiel est de savoir qu'il est possible de promouvoir et renforcer les facultés entrepreneuriales chez les individus désireux d'entreprendre. Enfin, il ne faut pas oublier d'évoquer l'impact et les répercussions de la création d'entreprise sur la vie du créateur ou développeur. Il doit en être conscient lui et son entourage avant de se décider pour le grand saut.

  • Que faut-il faire pour surmonter la peur de l'échec qui taraude tous les entrepreneurs?
    -- JI : Pour répondre à cette question, nous dirons qu'avant de se jeter à l'eau, il faut s'assurer qu'on a appris à nager ou qu'on recourt à un moniteur pour apprendre. Les moniteurs en la matière sont les cabinets conseil spécialisés. A titre d'exemple, le programme d'auto-emploi, initié par l'OFPPT, un organisme qui fait autorité en formation et assistance à la création d'entreprises, exige des porteurs de projets de recourir systématiquement à des cabinets conseil pour les accompagner dans leur processus. Il a été prouvé dans le monde entier que l'intervention de conseil est un facteur-clé de succès. Ce n'est pas un hasard si les répertoires des pays développés contiennent des centaines de cabinets spécialisés. Chez nous, cette culture de la consultance en création d'entreprises est en train de s'installer.

    · Quels sont les incitations et les freins à l'entreprenariat dans notre pays?

    - JI : En commençant par les freins, ils sont notoires. Que ce soit au niveau de l'administration centrale ou régionale, des organismes de financement, des institutions réglementaires, judiciaires, sociales, fiscales… Il faut dire que nous avons suivi jusque-là une politique qui occultait cet aspect économique pourtant salutaire pour notre pays. Aujourd'hui, on prend conscience de cette dérive et on constate un effort de redressement de la part de tous. C'est ainsi qu'on assiste à l'éclosion d'incitations multiples, même si elles créent quelques fois des ambiguïtés et dénotent une cacophonie ambiante. Qu'il s'agisse d'initiatives de l'administration ou des organismes financiers, il y a lieu de coordonner toutes ces mesures et en communiquer l'existence et les modalités aux principaux intéressés. Il faut aussi penser à des dossiers tels le Code du travail, la Justice, l'enseignement, la fiscalité, le foncier et la liste est longue. Dans cette démarche générale, un élément important joue contre nous, c'est le temps. Le retard accumulé et la mondialisation nous imposent un rythme accéléré. On n'a plus le choix.

    · Quels sont les créneaux porteurs aujourd'hui?

    - JI :     Plusieurs démarches et études ont déjà été entreprises, d'autres sont en cours. La méthode des grappes, celle des contrats-programmes, les études de potentiels sectoriels initiées ou envisagées par des administrations dans le textile, l'automobile, le plastique, l'agroalimentaire, l'électronique, le tourisme, les NTI, des études micro-économiques de projets par l'ODI, des prospections réalisées par le CMPE, tout cet arsenal est aujourd'hui exploitable. Le Maroc dispose d'un certain nombre d'atouts, d'avantages comparatifs et de positions concurrentielles avantageuses dans plusieurs domaines d'activité. Il peut profiter des délocalisations de l'Europe, du redéploiement des capitaux arabes suite aux derniers développements géopolitiques. Les initiatives locales peuvent venir de jeunes et de start-up dans le domaine des NTIC, de coopératives rurales de jeunes agronomes…

    (1) Empretec 'est un programme international de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), soutenu au Maroc par l'OFPPT dans le cadre du programme Med 2000 et financé par le gouvernement italien.

 

 

 

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