Dans les coulisses d'un jeu vidéo.

Parmi les secteurs les plus dynamiques de l’économie française, l’industrie vidéoludique n’en reste pas moins un petit milieu regroupant à l’heure actuelle à peine 12 000 professionnels passionnés, créatifs et techniciens. Pourtant, pour chaque jeu virtuel introduit sur le marché, c’est une multiplicité bien réelle d’acteurs et de métiers qui sont mobilisés en studio. Plongée dans le back-office de la création d’un jeu vidéo avec Thierry Perreau, responsable des projets et de la spécialité game design à l’École nationale du jeu et des médias interactifs numériques (Enjmin) du Cnam.


"Un jeu vidéo est avant tout produit par une équipe, lance Thierry Perreau. Tous travaillent de concert. De nos jours, il leur est demandé une grande culture générale littéraire, cinématographique, musicale, arts plastiques… À l’Enjmin, certains élèves viennent ainsi du milieu du cinéma. C’est un fantasme de penser que les concepteurs de jeu sont avant tout des gros joueurs !" En résultent des jeux dont le contenu visuel et l’histoire rivalisent en qualité avec les productions cinématographiques, "même si ces réalisations ne sont pas encore reconnues à leur juste valeur ! Les concepteurs de jeu vidéo sont pourtant de vrais artistes", renchérit-il.

Du game designer à l’ergonome

Au tout début de la chaîne de production se situe le game designer, un acteur clé, qui fixe les règles du jeu : "il décrit les objectifs dans les grandes lignes, prévoit les principes d’interaction. Il doit avoir une vision globale du jeu, à la fois graphique et technique, qu’il partagera avec le reste de l’équipe", analyse Thierry Perreau.

Les graphistes et les programmeur.se.s travailleront ensuite en parallèle pour donner du corps au jeu. Créateurs des visuels, du décor, des personnages, les graphistes forment parfois toute une armée, comme pour le projet Assassin’s Creed où près de 300 furent mobilisés. Au sein de cette armada, il existe des animateurs spécialisés dans la mise en mouvement des personnages. À leurs côtés, les programmeur.se.s traduisent en codes les règles dictées par le game designer. "Ils les ramènent souvent sur Terre, leur indiquant ce qu’il est possible de faire en fonction du temps et du support de jeu choisi", insiste Thierry Perreau. Les sound designers créent de leur côté les musiques et les sons ; les level designers conçoivent les niveaux de difficulté ; les ergonomess’assurent de l’adaptation et de l’accessibilité du jeu pour le public visé. Et l’ensemble de cette production est contrôlée du début à la fin par les chef.fe.s de projet.

Avec le développement de jeux à la narration riche, des scénaristes et dialoguistes ont depuis une vingtaine d’années fait leur apparition dans ces équipes où les métiers s’entremêlent. Révolution notable de ces dernières années, les femmes ont également investi les studios de production. "À l’Enjmin, nous atteignons presque la parité, tout particulièrement en graphisme. Les créatrices proposent souvent des choses totalement nouvelles. Dans les années 1980, Roberta Williams fut la première à réaliser un jeu d’aventure graphique, avec Mystery House." Si les gros blockbusters tels que Call of Duty ou Assassin’s Creed peuvent demander plusieurs années de réalisation, la moyenne se situe dans les huit mois à un an et "même pour un jeu sur tablette, le temps investi n’est pas anodin", souligne Thierry Perreau.

Troisième marché européen, la France affiche un goût incontestable pour ce loisir. 

Un milieu concurrentiel de 300 entreprises

Troisième marché européen du jeu vidéo après l’Allemagne et le Royaume-Uni, avec un chiffre d’affaires s’élevant à 2,87 milliards d’euros en 2015, la France affiche un goût incontestable pour ce loisir interactif. Le nombre impressionnant de sorties vidéoludiques hebdomadaires en témoigne : "pour tablettes, IOS et smartphones, c’est une vingtaine de nouveaux jeux chaque semaine ; cinq pour PC et consoles", note le spécialiste des jeux vidéo. Aujourd’hui, ce dynamisme est porté par plus de 12 000 professionnels créatifs et techniciens, répartis au sein de 300 entreprises, pour la plupart des PME comptabilisant moins de cinq années d’activités au compteur. Un secteur donc de passionnés très concurrentiel, où il n’est pas aisé de trouver sa place. Et où il faut être prêt à additionner les heures de travail : pour parvenir à tenir les délais, les périodes de crunch, c’est-à- dire de surrégime, obligent parfois à enchaîner les semaines de plus de 70 heures… ! 




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