De l'émotion à l'action.
Le Sénégal vient de vivre l’accident routier le plus meurtrier de son histoire. Une collision entre deux bus survenue dans la nuit du samedi 7 au dimanche 8 janvier 2023 a entraîné la mort d’une quarantaine de personnes et provoqué de graves blessures pour une centaine de passagers.
Comme de coutume en pareilles circonstances, l’émotion aura été vive au niveau des populations du pays tout entier et des accusations n’ont pas manqué de fuser çà-et-là pointant du doigt qui, la responsabilité des chauffeurs, qui celle de l’Etat lorsque les deux n’étaient pas confondus dans le même concert de reproches.
Sans anticiper sur les résultats de l’enquête qui devrait nous édifier sur les causes réelles de cette tragédie, l’on ne peut faire l’économie de réfléchir à la place occupée par la lutte contre l’insécurité routière sur notre voie publique qui concentre les pires comportements de ses usagers dès lors qu’ils s’installent derrière un volant ou un guidon.
Indiscipline, mépris des règles élémentaires du code de la route, arrogance, rapport de force sont le lot quotidien que les (trop rares) conducteurs prudents doivent affronter tout au long de leur parcours.
S’y ajoute la désinvolture des mêmes rebelles vis-à-vis de leurs obligations légales et qui font fi de l’obtention du permis de conduire, de la carte grise, de l’assurance et de la visite technique de leur véhicule. Ce qui ne les empêche nullement de vaquer à leurs occupations en quasi-totale impunité et de réclamer la clémence des victimes de leurs gymkhanas routiers lorsqu’un malheur survient inévitablement.
Les gouvernants ont laissé s’installer ce désordre qui est devenu progressivement incontrôlable et qui renforce le sentiment des nombreux hors-la-loi d’être dans leur bon droit.
En 2017, dans une tentative de mettre un frein à la mortalité sur les routes du Sénégal, le ministère des infrastructures, des transports terrestres et du désenclavement a publié les dix « commandements » à appliquer sans délai. En 2023, passant en revue ces injonctions, force est de constater qu’aucune d’entre elles n’a fait l’objet d’une quelconque application si petite soit-elle.
Aujourd’hui que le pays tout entier vit un drame routier sans précédent, un conseil interministériel s’est réuni dans le but de prendre des mesures « fortes » afin que pareille tragédie ne se reproduise à l’avenir. Une batterie de 22 mesures contraignantes en est sortie, en espérant que, cette fois-ci, la main des autorités ne tremble pas.
Mais déjà, n’aurait-il pas été plus judicieux d’appliquer les 10 commandements de 2017 dans toute leur rigueur ? Si chaque acteur identifié dans le processus jouait pleinement sa partition, la diminution du nombre de morts et blessés sur nos routes serait une réalité dont nous pourrions nous glorifier à l’instar de nombreux pays d’Asie, d’Europe et du Moyen-Orient qui ont vu leur taux de mortalité routière diminuer drastiquement en 10 ans grâce à des mesures strictes et parfois impopulaires. Sur le continent, seule l’Afrique du Sud semble suivre cette voie.
Après la tragédie du Joola en 2002 qui a emporté 1863 âmes au fond des eaux de la Gambie sans rien changer à nos comportement erratiques sitôt la période de deuil terminée, une absence de volonté politique faite de fermeté et d’évaluation des résultats aurait pour fâcheuse conséquence de passer les malheureuses victimes de la nuit du 8 janvier 2023 par perte et profit.
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Certes, le risque routier est complexe et nécessite une politique de prévention ambitieuse qui ne peut se limiter au contrôle et à la sanction des infractions. Mais ce serait déjà prendre le problème par le bon bout que d’appliquer ces principes avec courage, ce qui ne semble pas être le cas actuellement.
Ensuite, la régulation par les forces de l’ordre ayant montré leurs limites, celle-ci devrait s’appuyer sur la révolution numérique à travers l’installation de caméras de surveillance sur les axes routiers stratégiques avec pour mission :
Ces mesures nécessitent au préalable que tous les véhicules en circulation soient identifiables grâce à la présence de plaques d’immatriculation réglementaires.
Dans le souci d’assainir le parc roulant, l’Etat devrait fluidifier les procédures d’immatriculation des véhicules et en particulier à l’endroit des nombreux deux-roues qui circulent en totale illégalité, grâce au renouvellement de l’opération « gratuité » durant une période au-delà de laquelle plus aucun véhicule hors-la-loi ne sera autorisé à évoluer sur la voie publique.
S’agissant de la sécurité de ces mêmes motards, la question du port du casque obligatoire devrait faire l’objet d’une réflexion entre la Fédération des Assureurs et des partenaires dans le but de proposer des tarifs attractifs assortis de mise à disposition d’un casque à chaque souscription de police. Des solutions existent et peuvent être appliquées sans délai.
Dans le cadre de la sensibilisation en milieu scolaire, il conviendrait que celle-ci soit intégrée au programme de l’éducation nationale et sanctionnée par des attestations et diplômes à cycle de scolarité afin d’inculquer les bons réflexes dès le plus jeune âge.
La généralisation de la formation aux premiers secours doit également être pensée et appliquée à tous les niveaux (scolaire, professionnel) jusqu’à l’intégration dans les conditions d’obtention du permis de conduire.
La réflexion sur la sécurité routière ne doit pas se focaliser exclusivement sur les transports en commun, suite à la tragédie du 8 janvier 2023, mais doit prendre en compte l’ensemble des mobilités dont les piétons sont également partie intégrante.
Le catalogue des propositions est loin d’être épuisé. Il convient donc d’agir sur l’ensemble des facteurs de risque en associant tous les acteurs concernés (administration, élus, associations, ONG, professionnels, artistes et toutes les bonnes volontés) pour une prise en compte globale de la question de la sécurité routière afin de se donner toutes les chances d’atteindre les objectifs de diminution des victimes de la route fixés par la résolution des Nations Unies du 31 août 2020 proclamant la 2e décennie de la sécurité routière (2020-2030).
Assistante RH Élite Care
1 ansOhogogog
La sécurité routière est un état d'esprit et une remise en cause permanente. Merci Bécaye pour ce brillant rappel à la responsabilité individuelle et collective.
Human Resources Officer chez World Health Organization
1 ansTrès bel article!
Référent d'équipe LA POSTE FRANCE
1 ansGrave notre discipline
Communication & Press Relations I Watchmaking I Luxury I
1 ansMagnifique article pour un fléau dramatique!