De la crise sanitaire à un réveil salutaire
La crise sanitaire met à jour une crise plus globale aux effets sur le long terme faute d'un réveil salutaire de nos sociétés. Comme le risque de verser dans une autre dépendance tout aussi nuisible et porteuse d'une paralysie de même ampleur à venir tout aussi inquiétante.
L'urgence nous aveugle toujours. Les yeux exclusivement rivés sur le plus palpable, le plus immédiat, le plus visible, en l'occurrence la crise sanitaire. C'est humain.
Cependant il faut élargir notre angle. Car l'urgence nous détourne de ce qui est véritablement en jeu à long terme. Car la crise sanitaire, tout en reconnaissant son caractère éminemment dramatique d'un point de vue humain, sera forcément passagère.
Or que nous dit cette crise ou paralysie de nos sociétés. Quel véritable message nous envoie-t-elle ?
Au-delà de la crise sanitaire, se superpose une crise plus globale qui doit appeler impérativement à une remise en cause en profondeur de notre système de production, économique ou industriel. Peu importe comme on le nomme. En tous cas qui touche au cœur notre façon de vivre, notre système socio-économique depuis plus de trente ans.
Une crise qui aujourd'hui nous éclate violemment à la figure. Et dont les effets seront durables et bien plus dévastateurs sur le long terme en l'absence rapide et massive d'une prise de conscience et faute d'un changement de paradigme radical.
Cette crise est aussi une des conséquences de notre démission, de notre passivité, c'est à dire d'avoir remis une énorme partie de notre destin économique, énergétique et industriel entre les mains de la Chine au cours des trente dernières années. En faisant de ce pays la première l'usine du monde par exemple jusqu'à présent.
Ce qui nous a conduit à sacrifier grandement notre sécurité (économique, sociale et sanitaire) sur l'autel de la rentabilité à tout prix. A n'importe quel prix.
Avec une obstination, et peut-être même une insouciance qui dépasse l'entendement. Car les signaux nous alertant de la dangerosité de ce déséquilibre s'accumulaient depuis plusieurs années.
Par ces propos, il faut comprendre avoir abandonné une partie croissante de nos industries. Donc une partie de notre souveraineté. Notre sino-dépendance n'a cessé de se poursuivre. Et elle a de beaux jours devant elle. Sauf si une volonté forte, coordonnée et déterminée est activée pour inverser cette réalité tangible.
La culpabilité est aussi collective. Car producteurs et consommateurs en ont bénéficié, privilégiant leurs intérêts du moment au détriment des générations futures. Maximiser les profits du côté de l'offre et minimiser le coût (achat) pour la demande. Une folle course à la maximisation de ses propres intérêts immédiats.
C'est ainsi que « La part de l’Europe dans les chaînes de valeur mondiales s’est amenuisée au profit de la Chine, ajoute Alicia Garcia-Herrero, chef économiste pour la région Asie-Pacifique chez Natixis selon un article du quotidien Le Monde publié le 8 février 2020.
On voudrait nous faire croire que la tendance s'inverse depuis peu. Avec notamment des relocalisations d'industries. Certes. Mais c'est un phénomène encore à la marge. Donc un trompe l'oeil. Ses incidences en termes de création d'emplois donc d'effets positifs sur les économies se font peu ressentir.
De plus ces "relocalisations n’ont souvent qu’un effet marginal sur l’emploi peu qualifié. En effet, pour compenser des coûts salariaux plus élevés, les entreprises doivent doper leur productivité en automatisant leurs lignes de production" selon un article intitulé "Ca y est, nos industries relocalisent enfin en France" par Capital.
A écouter avec attention les uns et les autres c'est juré, promis on ne les reprendra plus les doigts dans le pot de confiture après cette crise sanitaire sans équivalent qui frappe nos sociétés contemporaines. Ils nous le promettent la leçon à été retenue. Davantage d'indépendance économique. Tel est le nouveau credo.
On aimerait tant y croire. Mais, hélas, une fois le chaos passé et la normalité de retour, sans illusion, il est à craindre que les réflexes faciles reprennent le dessus.
C'est l'édifiante réalité que nous révèle le livre "La guerre des métaux rares" et cette enquête magistrale menée par Guillaume Pitron sur ce qu'on appelle les métaux rares et dont toute notre économie devient de plus en plus dépendante. Pour ne pas dire accro.
Or la Chine maîtrise la quasi-totalité de ce marché. Sur les 170.000 tonnes produites en 2018, 71% (120.000 tonnes) l’ont été par cette dernière, selon le US Geological Survey. Les autres producteurs -Australie (20.000 tonnes) et États-Unis (15.000) - sont loin derrière.
Par métaux rares on désigne un ensemble de 17 éléments métalliques (le scandium, l’yttrium et 15 lanthanides) dont leurs propriétés électroniques, catalytiques, magnétiques et optiques les ont rendu incontournables dans de nombreux secteurs, comme l’automobile, l’aéronautique, la défense et toutes les nouvelles technologies.
C'est le nouveau Graal convoité par toutes les Nations pour assurer la prospérité de la quatrième révolution industrielle.
Or on apprend que les Etats Européens ont jusqu'ici brillé par l'absence de politique industrielle et énergétique digne de ce nom. C'est à dire qui nous préserve d'une dépendance excessive à la Chine. Une des causes majeures de la crise ou de la paralysie que nous traversons actuellement.
On aimerait croire que tous les enseignements seront tirés de la part de nos dirigeants pour nous éviter dans dix ans voire vingt ans, de faire face à une situation critique similaire. Mettant à nue avec brutalité notre vulnérabilité au sein de cette mondialisation aux asymétries nombreuses.
Or visiblement ce n'est pas le chemin pris jusqu'à présent. Les actes forts tardent à venir. Pire ils montrent à nouveau le défaut de politique concertée et coordonnée parmi les Etats Européens. Sans parler des consciences qui peinent à saisir cette nécessité vitale pour nos sociétés de sécuriser leur approvisionnement et se réapproprier nos outils de production.
Sous peine de vivre une crise du même type. Les mêmes causes produisant comme chacun le sait les mêmes effets.
Pour ces raisons et tenter de se projeter dans ce futur très proche, même si je concède que la conjoncture si prégnante n'aide pas ou peu, je vous invite, cependant, vivement à lire cette enquête et à faire circuler autour de vous.
On ne pourra pas dire qu'on ne savait pas ou qu'on n'y pouvait rien. Dans 10 ou 20 ans.