DE LA DIFFICULTÉ DE RETROUVER UN EMPLOI: LA VIEILLESSE

J’étais assis devant elle, dans ce petit bureau impersonnel mais propre. Elle était à moitié cachée par son écran, occupée à remplir un formulaire ou chercher je ne sais quoi. Pour meubler, presque badin, j’ai lâché un : « Ah, et puis vous savez je sens tout de même que je commence à rentrer dans une zone de turbulences concernant mon âge ». Ma conseillère Pôle Emploi me répondit sans même me regarder : « Vous avez quel âge ? 47 ? Ah non, vous êtes en plein dedans ». Elle me regarda alors pour me répéter en me regardant droit dans les yeux, pour être sûr que j’avais bien compris : « Là vous êtes déjà en plein dedans… ».

Vieux !

Pour la première fois de ma vie, assis dans ce petit bureau, je me voyais asséner une vérité à laquelle je ne m’attendais pas avant une dizaine d’années. Alors c’est donc ça ce sentiment qui vous tombe sur les épaules, vous surprend là, au détour d’une phrase a priori sans importance ? Le coup fut rude, même si je crois que sur l’instant je ne m’en rendis pas tout à fait compte. L’âge sans doute ! Pour ce qui me concerne, j’ai 2 fils de 6 ans, je pratique le rugby – en tant que joueur dans une équipe de vétérans (pas de seniors !) et en tant qu’entraîneur des moins de 8 ans –, je suis marié à une femme qui vient de passer la quarantaine, bref, je ne peux objectivement qu’être jeune !

Quelques mois ont passé depuis et il faut se rendre à l’évidence : elle avait raison. Le senior est dans le recrutement un fruit qui se mange encore vert. Que ce soit sur la rémunération, les interrogations sur le rapport à la hiérarchie ou aux modes de travail, je suis souvent soupçonné d’être un peu « à la ramasse ». Imaginez : je suis né à une époque où le téléphone portable n’existait pas, où le chômage allait atteindre 1 million, ce qui était déjà beaucoup trop. Au début de ma carrière professionnelle le navigateur star de l’internet naissant s’appelait Netscape, Apple avait lancé sa gamme Performa et bientôt tous les commerciaux allaient se balader avec leur Palm ! Be Bop, minitel, toutes ces avancées technologiques alors considérées comme majeures sont aujourd’hui tombées dans l’oubli. Est-ce là notre destin à nous aussi ?

Ce que je sais c’est que décrocher un entretien d’embauche lorsque son CV tient difficilement sur 1 page en Calibri 10 pts est un exploit. Un poste ? Ne rêvons pas ! Il faut disposer du réseau d’un énarque, accepter souvent de s’asseoir sur une rémunération que notre expérience justifie mais le contexte supposé interdit. Et encore, j’ai la chance de ne pas être une femme, car celle-ci cumule en plus tous les défauts de son genre… Tout cela bien sûr à une époque où la mode est à « l’esprit start-up », où la coolitude de l’entreprise qui propose ping-pong et pots entre collègues/potes tous les vendredis cache en réalité une difficulté à sortir du recrutement de stagiaires aux postes de RH ou de jeunes diplômes à celui de Key Account Manager confirmés ! Ils sont combien autour de moi, ces presque cinquantenaires qui, en recherche d’emploi, se voient offrir des postes où ils sont surqualifiés et en concurrence directe avec des candidats plus jeunes, moins chers, plus en phase avec le management moderne, qui récompense rarement la fidélité à l’entreprise et s’embarrasse peu de l’ancienneté – qui n’est pas toujours une tare – ou du capital « connaissances » d’un(e) salarié(e) ?

Bien sûr je caricature, car ce n’est pas toujours comme cela. Mais entre le discours angélique de certains qui, comme sur les valeurs de la RSE mettent en avant la richesse de ces seniors pour l’entreprise et la réalité, il y bien souvent un écart qui me choque. Moi, qui a 47 ans étais déjà un vieux.

Sandrine PERDEREAU

Directrice Générale Associée

6 ans

Toi qui est si happy et fun, tu ne nos vends pas du rêve là!!!

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