De la Perfection. L'Inversion
Les tenants de la Perfection s'appuient sur ce type de jugement pour propager leurs différents dispositifs. Cela signifie qu'ils ont la conscience de son existence. Alors nous pouvons dire qu'ils savent ce qu'ils font et qu'ils manifestent une intentionnalité dont ils et elles évaluent la réalisation. J'introduis le masculin et le féminin pour rappeler que la Perfection a ses tenants dans toute l'humanité, dans tout le vivant, sans que personne ne puisse a priori y échapper par une sorte d'immunité naturelle. Je reprendrai maintenant la forme "il" générique. Ils le savent mais ceux qui sont contaminés par la Perfection le savent-ils et peuvent-ils le savoir?
Un adage affirme que le cycliste qui voudrait comprendre comment il tient sur un vélo et le fait avancer en même temps qu'il pédale, tomberait. Faire et savoir ce que l'on fait seraient deux activités incompatibles. C'est bien ce qu'affirment avec force et même violence nombre de praticiens de tous les métiers existants, ayant existé et qui existeront. Ils sont dédiés à la perfection de leurs pratiques et ignorent toute information, actuelle ou secondaire, à propos de celles-ci. Cette ignorance est un des phénomènes de la Perfection, argument utilisé par nombre de tueurs nazis, et probablement de tous les régimes dictatoriaux, en se décrivant comme de parfaits techniciens ignorant les conséquences de leurs actes. Ils nous renvoyaient ainsi au dispositif utilisé pour générer de la connaissance, un isolat semblable au modèle de la chasse dans lequel apparaît un corps-proie, nécessairement mort. Puisque nous tuions nous-mêmes pour connaître en quoi leurs activités pouvaient être jugées autrement que celles des sciences? C'est une pince dialectique que nombre de gens ont reconnue, parmi eux des philosophes et des scientifiques, et qu'ils ont utilisée pour nier toute valeur morale aux découvertes des sciences et des philosophies. Les philosophes ont réagi en utilisant de vieux outils de confusion, la position surplombante, la critique des sciences comme pratiques, le renvoi de nombre de sciences comme l'Esthétique expérimentale dans les griffes des catégories morales.
Les tenants de la Perfection dans l'Industrie font de même mais, apparemment en utilisant l'outil dialectique de l'inversion des valeurs. Ils affirment qu'ils chassent vraiment, que les proies qu'ils capturent sont vivantes et que nous pouvons tester leur matérialité et que, en rien leur activité dépend de critères moraux, elle est d'un autre monde. Vous serez fâché que j'utilise l'argument de l'inversion des valeurs car n'est-ce pas ce que font les accusateurs des procès iniques pour ôter toute chance à l'accusé de prouver son innocence? Vous avez raison, c'est une pratique inique à moins de pouvoir justifier l'accusation. L'Industrie n'est pas d'un monde différent de celui des activités humaines, ni l'Economie d'ailleurs. Nous ne devons pas l'une et l'autre confondre leurs domaines qui sont des sortes de cosmos au sens de Karl Popper, avec un autre monde dans les "lois" sont étrangères aux humains. Les humains fabriquent des domaines, des cosmos, dans le Réel, pour résoudre des problématiques de connaissance afin de pouvoir durer le plus longtemps possible, et aucun de ces domaines ne peut légitimement réclamer son indépendance. Si donc les humains inventent et usent de critères moraux, les domaines qu'ils ont générés, sont accessibles à ces critères moraux. Mais l'Industrie n'a-t-elle pas raison d'affirmer qu'elle chasse et ramène ainsi de véritables proies, matériellement testables? La réponse n'est pas simple car il faudrait étudier différentes promesses, différentes affirmations, et en constater la matérialité. Beaucoup d'entrepreneurs affirment qu'ils ne sont pas là pour créer des emplois. L'emploi n'est donc pas la proie mais il est utilisé comme paramètre de régularisation de l'Industrie. Il appartient au domaine de la Perfection.