De l’automatisation à l’individualisation du travail
Automatisation, robotisation, plate-formisation… Les mots utilisés pour décrire l’avenir du travail semblent évacuer l’humain. Pour Martin Richer, professeur à l’IAE de Paris, le pire n’est cependant pas sûr car ces évolutions génèrent une autre tendance lourde : l’individualisation qui remet l’homme au centre du jeu.
Comme il l’écrit dans une récente étude, “la valeur du travail humain ne réside plus dans la force physique, dans les processus modélisables (donc réplicables) ou dans la simple restitution de connaissances : tous ces apports sont automatisables. Elle réside désormais dans ses aspects émotionnels et relationnels : capacité à faire preuve d’empathie, de sympathie, de créativité, à interpréter, à prendre l’initiative, à s’adapter aux aléas, à produire de l’innovation, à collaborer” (1).
Reste toutefois à savoir ce que produira la concomitance de ces mouvements. Deux hypothèses sont présentées par l’auteur. La première, sombre, est celle d’un naufrage individualiste et narcissique de travailleurs tétanisés par la nécessité de devenir des “entrepreneurs d’eux-mêmes” ou des “marketers de leurs compétences”, dans une logique de rivalité mimétique dont les réseaux sociaux donnent déjà un aperçu. La seconde, plus lumineuse, mise sur une distinction entre l’individualisme et l’individualisation.
Alors que l’individualisme c’est le “chacun pour soi”, l’individualisation se caractériserait, elle, par le “chacun son choix” sans toutefois nier à la relation à l’autre, si bien que, pour les entreprises, le défi serait alors de parvenir à articuler envies personnelles et projets collectifs. Un enjeu humain dont on peut toutefois se demander s’il ne constitue pas déjà le présent des managers !
(1) “Comment travaillerons-nous demain ?”, Futuribles, n° 422, janvier 2018.