De quoi airbnb est-il le nom ?
Alors ça y est... Les dirigeants de airbnb sont convoqués aujourd'hui à Bercy parce qu'ils ont inventé "un mécanisme qui encourage la fraude fiscale internationale pour les résidents français" (voir Le Figaro). Mais le problème est bien plus vaste...
Télescopage... Retour sur deux informations qui prennent plus d'importance si on les croise :
21 novembre 2017 : salon des maires à Paris, Airbnb lance son portail "dataville" qui constitue "un effort de transparence sans précédent". Les communes peuvent accéder aux données de location d'appartements par une interface "ouverte". Mieux : la France est le seul pays au monde à bénéficier de cette ouverture des données ! Et les services municipaux savent que ces données sont essentielles. Depuis l'arrivée des opérateurs de plateformes de location, il est devenu impossible d'évaluer, de suivre, de prévoir (de prédire ?) les flux touristiques. Les services publics (accueil, culture, transports, santé...) sont devenues borgnes, et parfois aveugles. Les services publics ne peuvent pas gérer de façon satisfaisante l'accueil des touristes si cet accueil se fait dans la plus totale opacité. Ouf ! Et enfin, Airbnb (tout comme Uber ailleurs) ouvre ses données... [La Gazette des communes].
1er décembre 2017 : la cellule investigation de Radio France révèle que depuis des années airbnb "propose aux hébergeurs de les payer sur une carte de crédit rechargeable, émise depuis Gibraltar. Une aubaine pour les propriétaires qui cherchent à échapper au fisc" [ici]. Et voici donc, quelques jours plus tard, les représentants d'airbnb convoqués à Bercy.
Il est essentiel de faire le lien entre ces deux informations. Airbnb, comme Uber, Booking ou d'autres plateformes de service qui bouleversent la vie de la Cité, sont face à un choix. Ils peuvent continuer à surfer sur l'élan extraordinaire né d'idées géniales qui répondent à des envies, des besoins, des pratiques, des usages individuels... qui eux-mêmes contribuent à émietter, fragmenter, disperser, pulvériser l’intérêt général au profit de la somme des intérêts individuels. Ils peuvent aussi prendre conscience et assumer le fait qu'ils ont inventé de nouveaux modèles d'action collective qui impactent fortement, et parfois suppléent, l'action publique. Aujourd'hui, ils affichent des principes et... font l'inverse !
Retour sur Airbnb... Mettre toutes ses données en opendata et offrir la possibilité à ses loueurs de cacher leurs revenus au fisc : cherchez l'erreur ! La France ne doit pas être naïve. Les données fournies par Airbnb peuvent aider à gérer des flux de touristes, mais elles ne seront jamais exactes. La preuve à New York [internetactu.net] où les données publiées se sont avérées déloyales. D'autres pays ou villes en ont fait l'amère expérience : Amsterdam, Bruxelles...
La question posée est simple. Les plateformes géantes, et tous les nouveaux services qui s'en inspirent, interviennent dans l'espace public. Parfois elles l'occupent directement. Parfois elles l'impactent. Souvent elles utilisent pour se développer des données publiques. Elles s'affranchissent de la réciprocité. Pire, sous couvert de principes généreux et de discours dans l'air du temps, ces plateformes privées cachent, travestissent, dissimulent leurs propres données qui sont pourtant, à l'évidence, des données d'intérêt général.
Exiger le retour des données d'intérêt général produites ou collectées, et traitées, par les plateformes de service qui interviennent dans l'espace public, est vital !