Demandeurs d'emploi ou porteurs/offreurs de compétences ?
Parmi les personnes que j’accompagne en quête de leur voie professionnelle, certains bien sûr sont demandeurs d’emploi et nombreux l’ont été à un moment de leur parcours. Parfois je les rencontre de manière concentrée, au cours de forums de l’emploi par exemple.
J’ai envie de vous faire part de ce que ma pratique et mon expérience personnelle aussi m’inspirent à ce sujet, et de vous emmener comme souvent vers un changement de perspective.
Et si, pour bien employer les personnes, il s’agissait d’abord de bien employer les mots ?! Pour en avoir une vision plus porteuse de solutions j’entends.
Traverser une période de « chômage » est rarement vécu de manière positive, c’est une étape souvent redoutée par la plupart d’entre nous.
Dans l’imaginaire collectif, elle correspond à un moment de vide, où il manque quelque chose d’important : le travail, qui n’est plus à notre portée. Et au-delà du travail, la rémunération qui risque bientôt de disparaître. Tout ça alors qu’on est pourtant encore en pleine possession de ses capacités. S’installe alors une sensation de privation, voire de punition, mêlée à une grande dévalorisation, quand cela dure trop longtemps. Sans parler de la pression de sortir de là le plus rapidement possible.
Mais regardons de plus près les mots employés :
Pour désigner les personnes dans cette situation, on est certes déjà passé du terme de « chômeurs » à celui de « demandeurs d’emploi », c’est à dire de la vision de gens qui chôment, sous-entendu qui ne font rien puisqu’ils ne travaillent pas (est-ce vraiment le cas ?), à celle de gens qui sont en demande.
Or, quand on est en demande de quelque chose, c’est par définition qu’il nous manque quelque chose qu’on aimerait bien avoir. L’intention est-elle vraiment de valoriser cette catégorie de personnes aux yeux de la société ? En tous cas, cette tournure induit directement la posture avec laquelle nos « candidats » à l’emploi (autre formule du même acabit) se pressent sur les bancs saturés de Pôle Emploi, et ça sent pas mal le déséquilibre.
En effet, je constate qu’on ne parle pas pour les employeurs de « demandeurs de compétences »… C’est pourtant aussi la réalité. Pourquoi cette demande implicite n’est-elle pas mise en évidence dans notre langage ? Pendant quelques secondes, prenez donc le temps vous-mêmes de ressentir le regard que vous porteriez face à un « demandeur de compétences » plutôt qu’un employeur potentiel. Et sur vous-même alors en tant qu’offreur plutôt que demandeur ?…
Bref, le chômage, j’y suis passée moi-même à plusieurs reprises. Ainsi, je connais bien cette impression unanime quand on est « sans emploi » (encore une tournure axée sur le manque !) de ne correspondre à aucune case… et pour cause !
Serait-il possible en fait que les gens ne soient pas faits pour correspondre à UNE CASE mais juste à QUI ILS SONT tout simplement ?
Le souci, c’est que ce qu’on croit devient rapidement notre réalité… Mais est-ce là bien le reflet de la réalité ?
Aujourd’hui je vois ces expériences comme un atout majeur dans la pratique de la mission professionnelle que je me suis donnée. Elles m’ont apporté une compréhension de l’intérieur de la quête de la voie professionnelle. De la même manière, dans mes accompagnements, je constate que ces périodes de pause professionnelle (qualifions-les donc ainsi pour ce qu’elles sont) ont généralement tout leur sens dans le parcours des personnes. En effet, à tout âge, on ne se développe pas de manière linéaire, il y a des paliers avant d’aller plus loin. Pensez au développement des enfants…
Et si « accéder » à l’emploi, ou trouver sa place au sens large, résidait avant tout dans un changement de perspective et de posture pour chacun d’entre nous ?
Une perspective bien plus positive bien sûr !
Mais laissez-moi vous parlez de mon expérience à ce propos :
Chaque année, en ma qualité de membre certifié d’ICF (International Coaching Federation), j’interviens pour Les Rencontres pour l’Emploi, un forum dédié à l’emploi, organisé par Montpellier Méditerranée, en partenariat avec le Club des entreprises FACE Hérault. Avec des collègues volontaires, nous assurons des mini-coachings de 20 min pour permettre aux « demandeurs d’emploi » de mieux se préparer à rencontrer les recruteurs présents.
Je suis très interpellée par la différence entre l’attitude et le positionnement des personnes que j’y rencontre et leurs réelles capacités qui émergent dès qu’on creuse un peu le sujet avec elles. De quelle manière la vision que l’on a de la rencontre de l’offre et la demande d’emploi (ou de compétences…) est-elle biaisée par un regard induit ?
Voici quelques unes des postures habituellement rencontrées qui à mon sens, si on n’en prend pas conscience, constituent un frein à l’accès à l’emploi. Attention aucun jugement de ma part ici, un simple constat pour pouvoir aller plus loin :
– les personnes n’expriment pas d’objectif précis
– elles ont des CV passe-partout qui ressemblent à ceux des autres candidats
– elles s’attendent à ce que les recruteurs devinent à leur place ce pour quoi elles sont faites. Elles mettent la responsabilité de leur vie professionnelle dans la main d’autres personnes.
– elles ont des discours tout faits, avec des mots-clés issus du langage RH et qui ne sonnent pas vraiment authentiques.
– elles mettent en avant ce qu’elles ont fait jusqu’ici et malheureusement qu’elles aiment souvent de moins en moins faire, pensant que leurs compétences se trouvent uniquement là.
– elles focalisent sur leurs faiblesses, du moins sur ce qu’elles identifient comme étant des faiblesses : ex: âge, manque d’expérience professionnelle…
– elles mettent leurs mauvaises expériences en référence
– elles poursuivent uniquement la fameuse logique : aller là où il y a des débouchés (tiens ça m’inspire un autre article !)
– elles se laissent choisir par les recruteurs
Je constate donc à chaque fois une grande dévalorisation des candidats par rapport à leurs compétences, la tendance à mettre de côté ce qui les anime au fond et qui ferait la différence. Ils viennent souvent fatigués, blasés par les démarches, venus pour SE VENDRE parce qu’il le faut bien, en donnant apparemment entièrement le pouvoir aux recruteurs. Ils ne voient pas trop (n’y pensent même pas) qu’ils pourraient aussi être acteurs du processus à part entière. Souvent ils ne savent pas non plus ce qu’ils veulent vraiment au niveau professionnel. On dirait qu’ils ont mis leurs désirs de côté, pensant qu’ils n’ont pas leur place. Et pour cause, ILS NE SONT PAS EN TRAIN DE PRENDRE LEUR PLACE CORRECTEMENT. Certains ont des discours tout faits en préparation à un entretien, mais qui ne sonnent pas très authentiques. Ils pensent aussi n’avoir pas vraiment le choix. Ils ont rarement conscience de leurs réels talents et de leur rôle d’acteur à part entière dans un processus de rencontre dont ils sont l’autre moitié.
Serait-ce parce que ce sont eux qui sont juste les demandeurs ?…
Souvent en fait, ils visent des postes en dessous de leurs compétences :
Las des démarches et stressés par la peur de ne plus avoir de ressources financières prochainement, ce qui peut se comprendre, ou bien par manque de confiance en eux, ce qui se comprend aussi, ils candidatent à des postes qui en fait ne leur correspondent pas et souvent leurs demandes n’aboutissent pas simplement parce qu’ils ont visé trop « bas ». Ces postes ne sont pas le reflet de la personne qu’ils sont en train de devenir. Même s’ils prennent parfois le soin de ne pas mentionner toutes leurs compétences, ils adoptent ainsi une attitude de personne qui se dévalorise, qui arrive avec une attitude intérieure remplie de freins.
Ainsi, ils s’interdisent de voir grand et voient plutôt leur avenir en rétréci, parce qu’à leurs yeux leurs perspectives se sont rétrécies avec le chômage.
Et si c’était en fait le contraire ?
Et si leurs perspectives professionnelles étaient en fait en train de rétrécir là où ils se trouvaient avant d’être en recherche d’emploi ?
Et si en fait leur dernier emploi ne correspondait au final plus vraiment à leur évolution en tant que personne ? En creusant un peu, on constate aisément qu’ils ne s’y sentaient pas vraiment à leur place. Peut-être avaient-ils choisi ce travail par convenance (près de chez eux par exemple). Certains admettent qu’ils s’étaient laissés choisir, bien contents d’avoir plu à quelqu’un.
Et si la période de chômage était alors une réelle occasion de prendre de l’élan pour aller vers des postes bien plus adaptés à leur nature profonde ? Et si ils avaient bien plus à offrir qu’ils ne l’imaginent ?
C’est ce que m’inspirent encore et encore les coachings que je réalise.
Voici ce qui me saute aux yeux également :
– ils ont tous des talents, parfois déjà bien développés.
– leur parcours est toujours cohérent, il suffit de bien l’interpréter et de le mettre en lien avec ce à quoi ils aspirent au fond d’eux.
– ils savent au fond très bien ce qu’ils ne veulent plus et donc ce qu’ils veulent en fait
– ils sont en recherche de sens par rapport à ce qui leur arrive
– ils n’étaient donc finalement pas vraiment à leur place dans leur dernier emploi.
– ils sont capables de se connecter rapidement à ce qu’ils souhaitent si on leur donne l’espace pour le faire
Voici des exemples concrets où, en se recentrant, les personnes ont trouvé une piste pour faire la différence (en quelques minutes…) :
– Changer sa posture face aux recruteurs :
Elisabeth vient me voir avec l’objectif d’envisager ses entretiens auprès des recruteurs avec moins de stress, donc plus de sérénité. Au bout de 10 min, elle se rend compte qu’elle donne tout le pouvoir aux recruteurs. Elle réalise qu’elle aussi, elle a des critères au fond d’elle-même, riche de ses propres expériences. Elle est finalement là elle aussi pour choisir l’employeur qui lui proposera le meilleur cadre pour lui permettre d’exprimer ses compétences. C’est une rencontre pour un résultat gagnant-gagnant.
Le coaching aura duré 10 min. Elle est confiante pour la suite.
– Mettre sa passion au coeur de sa démarche :
Damien souhaite augmenter sa confiance dans ses démarches professionnelles. Jeune homme, il habite encore chez ses parents et souhaite pouvoir être autonome rapidement. Il a quelques brèves expériences dans le domaine de la logistique, mais rien qui ne le démarque des autres candidats.
Au cours de l’entretien, je me rends compte que c’est un passionné de pêche qu’il pratique depuis tout petit. Il connaît très bien le matériel et les techniques, et d’aspect plutôt timide, son visage et ses gestes s’animent dès qu’il parle de ce sujet qu’il connaît par coeur.
Il réalise avec joie qu’il pourrait être complètement crédible auprès d’employeurs de ce secteur en alliant et en mettant en avant ses compétences acquises lors de ses expériences autant professionnelles que personnelles. Il se trouve qu’il a déjà en fait quelques contacts intéressants…
– Mettre en avant ses résultats et sa personnalité plutôt que ses domaines d’intervention précédents :
Magali voudrait y voir plus clair pour la suite, pourtant elle n’est pas très positive sur ce qui l’attend.
Elle a une grande expérience dans l’agro-alimentaire, mais en fait ce n’est pas un secteur dans lequel elle se sent à l’aise, mais selon elle c’est là que se situe son expérience donc elle pense avoir comme seul choix celui de continuer à postuler dans cette branche. En plus elle a été licenciée au bout de deux semaines dans son dernier emploi, donc elle fait profil bas.
A la lecture de son CV, je constate qu’elle a occupé des postes à responsabilité importante et obtenu des résultats très intéressants, parfois même spectaculaires. Dans ses loisirs, elle pratique aussi un sport de combat. C’est ce qu’on pourrait appeler un profil de battante.
Au cours de notre discussion, elle réalise qu’elle adore se surpasser et surtout permettre à une équipe d’aller loin ensemble. C’est ce qu’elle a toujours fait, avec succès. Elle a besoin maintenant de passer à l’étape supérieure. Elle était effectivement sous-qualifiée pour son dernier emploi qui n’a pas convenu.
Elle décide de mettre en avant sa vision, sa personnalité et ses résultats. Voilà, son coeur de métier est identifié. L’agro-alimentaire était juste un cadre possible, il y en a de nombreux autres et certainement plus en adéquation avec ses valeurs ! Son parcours n’a pas changé. Son sentiment de valeur personnelle n’est plus le même !
– Utiliser les barrières que l’on se met :
Pauline passe près du stand de coaching par hasard et se laisse tenter par curiosité. Elle cherche à clarifier son objectif professionnel, sans y croire, car elle a 60 ans passés.
Outre une belle carrière dans l’administratif, elle s’occupe d’un des membres de sa famille depuis quelques années. Elle a bien pensé faire une formation pour pouvoir faire bénéficier d’autres personnes dans son cas de son expérience, mais ah quoi bon maintenant, la retraite est proche. Elle réalise qu’elle peut en fait tout à fait se mettre à son compte dans son projet, que du coup son âge n’est pas un frein, mais plutôt un atout pour inspirer confiance, que son expérience professionnelle lui a donné tout ce qu’il faut pour monter une entreprise et qu’elle est par ailleurs de tendance plutôt créative et autonome. La formation est pour elle. Cela lui donnera toute la légitimité dont elle a besoin. Il se trouve qu’un représentant de cette formation se trouve sur le Forum…
– Mettre ses talents au service d’une cause qui nous tient à coeur :
Patricia souhaite savoir vers quoi s’orienter professionnellement. Elle a un CV très fourni malgré son jeune âge, tellement fourni qu’on ne distingue pas ce qu’elle veut. Elle a une expérience dans le commercial et l’administratif et pourtant dit en être lassée.
En la questionnant, je me rends compte qu’elle est en train de conduire un projet de défense pour l’environnement, qui l’a amenée à perfectionner son anglais, s’approprier de nombreuses compétences en informatique, pour pouvoir communiquer à l’international et au plus grand nombre pour cette cause qui la touche. En quelques temps elle a été capable de fédérer de nombreuses personnes à travers le monde et d’obtenir des résultats très intéressants. Cela démontre une très forte capacité d’apprentissage et de mobilisation en peu de temps. Mais ça ça ne compte pas, c’est à ses heures perdues, dans un contexte personnel, n’est-ce pas…
Que va-t-il se passer si elle se rapproche d’un employeur engagé dans une cause qui la fait vibrer tout autant ? Elle réalise qu’elle pourrait alors apporter une très grande valeur ajoutée. Elle a trouvé son moteur : une cause à défendre. Ses nombreux talents feront le reste.
Ces quelques exemples, mais il y en a d’autres, m’ont donc confirmé l’importance de changer notre regard sur cette période de latence.
Derrière la peur de ne pas avoir d’emploi, c’est à mon sens une excellente opportunité pour apprendre à mieux se connaître, exprimer ce que l’on souhaite réellement vivre professionnellement pour pouvoir se positionner de manière plus précise et plus juste face aux employeurs. C’est un moment privilégié pour élargir sa vision des situations professionnelles et faire de vrais choix en accord avec ses valeurs… et sa propre valeur.
Le chômage vient révéler une inadéquation entre la personne et son environnement professionnel. Est-ce pour autant la personne qui n’est plus apte ou bien l’environnement qui ne permet pas au potentiel de chacun de s’exprimer ?
Quoi qu’il en soit, quand l’écart entre la personne et son environnement de travail est trop grand. ça ne colle plus. Il est temps de changer et de penser à « offrir » ses compétences, mais aussi sa vision, sa personnalité, son énergie, ailleurs ou autrement.
Commençons par changer notre regard sur nous-même et la situation pour faire de vraies rencontres gagnantes !
Et c’est bien sûr plus facile quand on se fait accompagner.
Alors comment voulez-vous envisager la suite de votre parcours professionnel ? Avec quelque chose à demander ou plutôt à offrir ? :-)
Sylvie Filipski
Coach professionnelle, multilingue et certifiée ICF
www.perspektives.fr
Le coaching pour trouver votre voie professionnelle, naturellement.