Des Anciens et des Modernes
Hier encore, en parcourant mon fil LinkedIn, je me suis trouvée nez à nez avec cette citation. Ce n'était pas la première fois et probablement pas la dernière. J'ai été encore plus déroutée lorsque j'ai remarqué que ladite citation provenait d'un manager d'une petite quarantaine d'années, donc susceptible d'accueillir et former les talents de demain. Comme toujours sur les réseaux sociaux, la lecture des commentaires était toute aussi éclairante : "Vous avez bien raison, les jeunes de nos jours sont paresseux, en retard, indécis, trop sûrs d'eux, inattentifs..." (Rayez la mention inutile). Le plus surprenant est que certains de ces commentaires venaient de "jeunes" eux-mêmes qui battaient leur coulpe tout en se déclarant différent de ceux de leur génération. Heureusement, dans ces fameux commentaires, il se trouve toujours une personne pour remettre les choses en perspective et souligner que la "lutte des générations" est un sujet vieux comme Hérode, ou plutôt comme Platon puisque c'est sa citation issue de "La République" qui est la plus souvent partagée et que je remets à disposition ci-dessous.
La querelle des Anciens et des Modernes
Plutôt que parler de "Jeunes" et "Vieux", termes que je trouve assez peu pertinents, je préfère parler d'"Anciens" et de "Modernes" comme d'autres le firent avant moi. En effet, l'âge n'est pas l'unique critère qui permet d'établir une distinction. On voit des grands-parents très à l'aise dans l'utilisation des nouvelles technologies et la compréhension des enjeux de demain et à l'inverse, des jeunes adultes paniqués à l'idée de ne pas répliquer le modèle de leurs parents. Sans parler de la fracture numérique tant géographique que sociale mais ceci est un autre débat.
Il ne faut pas se leurrer, les Modernes sont toujours pour les Anciens une source d'inquiétude. En témoigne la littérature prolifique sur le sujet. Tout simplement parce qu'ils sont amenés à les remplacer, parce qu'ils marquent une rupture, un passage vers une nouvelle ère. Concrètement, un Moderne symbolise la fin d'une époque pour un Ancien, il est la preuve qu'il est temps de passer la main. Cette crainte se traduit donc par des articles réguliers sur ces nouvelles générations de jeunes qui ont un rapport différent au monde du travail tantôt qualifiés de Millenials, tantôt de génération X, Z ou Y : "Comment manager un Millenial ?" comme s'il s'agissait d'une espèce à part, "Comment manager la génération Z ?". Des propos au mieux critiques au pire alarmistes qui interrogent la capacité des Modernes à prendre la suite de leurs parents. A tel point, que les Millenials en viennent à douter d'eux-mêmes et à mépriser leur génération. Pas terrible pour se mettre le pied à l'étrier !
Une différence qui tend à s'accentuer
Innover, se transformer, casser les codes n'est pas facile, surtout lorsqu'on travaille de la même manière depuis 20 ou 30 ans, chose qu'a priori les Millenials ne feront plus. Ce n'est pas une règle absolue certes, mais on est généralement plus disrupteur en début qu'en fin de carrière, lorsqu'on a encore un œil neuf sur le métier, sur le monde de l'entreprise, qu'on a l'esprit encore empli d'idéaux et de convictions à défendre. Certains conservent cette propension à se remettre en question tout au long de leur vie quand, il faut bien l'avouer, chez d'autres cette habitude s'émousse au fur et à mesure qu'ils s'installent davantage dans le confort et l'habitude. Mais, comme je l'indiquais ci-dessus, cet état de fait a toujours existé. Au XVIIème siècle, les Anciens reprochaient aux Modernes de s'éloigner du modèle de leurs prédécesseurs, lors de la Révolution Industrielle, c'était les anciens qui ne comprenaient pas l'exode rural et lorsque les nouvelles technologies ont émergées, beaucoup de grandes entreprises ont coulé de n'avoir pas su anticiper le tournant qui s'amorçait, Kodak en est le meilleur exemple. Aujourd'hui, une nouvelle variable a intégré l'équation : la transformation numérique. Celle qui est considérée comme la 3ème grande révolution après la révolution agraire et la révolution industrielle est aujourd'hui en train de disrupter tout le système politique, économique, social… beaucoup plus rapidement que les précédentes. Et cette fois-ci, les Anciens ont du mal à se mettre à la page. C'est tout un système de pensée, de valeurs qui est remis en question. Alors oui, les Modernes sont plus impatients puisqu'ils ont toute l'information qu'ils souhaitent à portée de clavier depuis l'adolescence, leurs codes vestimentaires sont moins stricts puisque leurs modèles sont des startupeurs en baskets et que l'histoire a prouvé qu'ils étaient capables de réussir malgré cela et ils sont moins attachés à leur entreprise puisqu'ils ont été élevés avec l'idée qu'ils auraient probablement plusieurs métiers dans leur vie…. Mais est-ce si grave ?
Et si on s'entraidait ?
Parmi les Anciens, on trouve deux types de profil : l'un que je qualifierais d'"extrémiste" pour lequel il n'est point de salut en dehors de leur manière de procéder, l'autre que j'appellerais "passeur", celui qui a compris qu'à nouvelle génération, nouveaux codes, nouvelles mœurs. A l'inverse, les Modernes qui rejettent en bloc tout ce qui a précédé se privent de solides appuis. Il est nécessaire pour innover de s'inspirer du passé comme les artistes les plus disruptifs qui commencent souvent par maîtriser tous les codes classiques. En résumé, les Modernes ont besoins de racines pour atteindre la lumière. J'ai récemment lu dans "Femmes qui courent avec les loups" de Clarissa Pinkola Etés, un propos qui m'a paru très juste que je souhaite partager avec vous :
"J'ai rêvé que je racontais des histoires et que quelqu'un me tapotait le pied pour m'encourager. Baissant les yeux, je m'apercevais que j'étais debout sur les épaules d'une vieille femme qui me tenait aux chevilles et me souriait.
Voyons, disais-je, c'est à vous de monter sur mes épaules. Car je suis jeune et vous êtes âgée.
Absolument pas. C'est ainsi que les choses doivent être."
Cela me semble résumer tout ce que j'essaye de démontrer dans cette partie. Les Modernes ne doivent pas avoir pour objectif d'écraser les Anciens mais bien s'appuyer sur eux pour faire avancer. Quant aux Anciens, ils devraient les encourager à monter sur leurs épaules et les porter.
En somme, nous avons tout à gagner à faire équipe : pour les Modernes, de l'expérience et une certaine pondération, pour les Anciens, un regard neuf et de l'innovation. Suite à ce petit article qui, je l'espère, aura su trouver un écho chez vous, j'espère que vous considérerait d'un autre œil ces articles, messages au titre racoleur qui font leur miel des défauts des Millenials, de la Génération Y ou Z, et de leur incapacité à prendre la suite de leurs parents dans la société, vous repenserez à ces modestes phrases et ferez partie de ceux qui mettront les choses en perspective.
Photographe / Vidéaste / Formateur
7 ansL'image de tenir sur ses épaules et l'utilisation d'ancien et moderne et très bien vue. Jolie article
Fondatrice de Jeannina - Location de tenues pour un mariage
7 ansBravo Agathe, ton article est réaliste et très bien écrit!
Responsable RH chez SYNLAB France
7 ansArticle très intéressant et tellement réaliste!!! Bravo!
Sophrologue
7 ansBien vu Agathe 😊
Avocat associé, Elige Social
7 ansExcellent !