Des simulacres. Paradigme, concept ou split?
Il y aurait donc une continuité transnationale, internationale, des idées et simulacres, continuité simultanée. C'est là porte ouverte puisque depuis des années sont évoquées les idées libérales – ou dites telles – qui agissent simultanément sur l'entière surface du globe sans tenir compte des peuples et nations. Avant elles furent évoquées les idées communistes comme sont maintenant évoquées les idées islamistes, l'anti-sémitisme, la haine de l'autre, etc. Mais tout cela n'est qu'idées appliquées. Une idée n'est en rien de telles choses comme elles ne sont en rien des jeux, des objets, des pratiques.
Il y a bien longtemps, avait été évoqué par Jerry Fodor le changement paradigmatique. Subitement, le monde était perçu autrement. Ce n'est pas un changement de point de vue mais plutôt un changement d'importance des choses, de leurs relations comme dans ces peintures où le fond d'autres œuvres semblent être devenus le sujet principal du tableau. D'autres connexions sont établies reliant des trous perdus à des ports alors que de grandes villes prospères sombrent dans l'oubli. On a tôt fait de démontrer que les sciences ne procèdent pas ainsi, que ce changement brutal est une erreur de l'observateur qui n'a pas suivi le long cheminement inquisitorial des hypothèses et expériences qui a permis d'installer petit à petit des façons de penser et de comprendre le monde. Mais non selon un snap qui ferait recouvrir une figure ancienne toute faite par une autre tout aussi faite mais inédite. N'empêche que, pour qui n'était dans les coulisses, le snap est arrivé. Est-ce de cela dont il est question lorsque nous désignons le split? Non, bien que dans chaque partie les acteurs lisent le monde d'une manière que décrit le modèle de l'élève d'Hilary Putnam.
Ce split est-il le fait de concepts différents qui s'opposent? Je ne sais trop, étant assez mal à l'aise avec les définitions et classifications de ce terme par les philosophes et philosophies, excepté la description donnée par François Laruelle d'outils qui décollent l'esprit de son lieu actuel. Cette description est intéressante renvoyant au modèle physique de déplacement d'une masse. Une force verticale pour décoller la masse – le concept – une force latérale pour déplacer la masse – la transcendance de l'humain. Ici, il est question de mise en œuvre, quel que soit le modèle dans lequel se fait cette mise en œuvre. Nous pourrions remplacer le terme d'idée par celui de "champ-de-force" utilisé par Cl.-P. Bruter, donc de l'énergie organisée, orientée et autonome. En ce champ aucun contenu lisible et nous dirons que ce contenu n'est que la traduction d'un champ par autre sous la forme d'une interprétation objectivée.
Certains vont affirmer que, comme un fameux tricheur, je sors de ma manche la carte qui m'est nécessaire pour organiser le coup de théâtre nécessaire à ma partie. Excepté qu'il suffit de me lire pour voir qu'il n'en est guère ainsi. Il existe une analogie au moins méthodologique entre les deux termes. Alors le simulacre induit dans des champs-de-forces de différentes complexités des comportements analysés intérieurement et attribués à des forces externes ou internes, sans qu'existent ces forces. Le split est rendu possible parce que les djihadistes, banquiers, industriels et autres qui ont de mêmes comportements sont des mêmes localisés en un même lieu. Pour être des mêmes, il suffit qu'ils aient la même trajectoire dans le champ des possibles et un même degré de complexité. En d'autres termes, et pour revenir à d'autres textes, le niveau de complexité d'un objet-champs-de-forces décrit par Cl.-P. Bruter le localise dans un espace d'évolution spécifique, espace qui peut être envahi par des objets de complexité supérieure. Le simulacre est comme un patch qui efface l'incohérence logique qui apparaît à la frontière des niveaux de complexité.