L’harmonie du chaos
Le génie de l’époque
Pour avancer nous avons besoin de nous faire une image du monde qui nous attend. C’est le défi de l‘époque lancé à la communication visuelle. Pour construire une vision, nous savons par expérience que pouvons faire confiance à notre intuition avec en ressource l’intelligence collective accessible autour de nous. Mais il serait impossible de fonder de nouveaux imaginaires sans s’engager sur une conviction plus personnelle de l’évolution de nos sociétés.
Nous avons un besoin intime de comprendre un peu des mécanismes et des mutations de cette époque qui nous heurte avec tant de brutalité. Ce serait déjà guérir un peu nos inquiétudes que de pouvoir nous faire une idée pour nous rassurer et retrouver l’envie d’agir. Rendre intelligible nos sociétés par des images neuves est vital pour ouvrir les espérances. La communication et l’information sont l’antidote de la propagande des dangers et la réponse nécessaire à l’explosion des micro-conflits allumés sur les réseaux sociaux.
Mais qu’avons nous à proposer d’autre, quel est le génie de notre temps ? Et qu’avons-nous appris de l’évolution de nos environnements médiatiques, de la multiplication simultanée des images et des informations qui peuplent nos environnements ?
Les nouveaux riches de la connaissance
Nous ne pouvons que concéder à la réalité de l’émergence d’une société de la connaissance. C’est une évidence en le disant : « C’est un nouveau modèle de « croissance endogène » : où l’augmentation des revenus est en grande partie attribuable, non pas à l’accumulation du capital, mais au progrès technologique, c’est-à-dire à la capacité à apprendre à mieux faire. » (1)
Enfin un espoir, nous avons trouvé une nouvelle source de valeur. C’est la prédiction d’une hyper-croissance pour toutes les activités nées par la puissance du code et l’alliage de l’information au divertissement. Cela sonne comme une aubaine pour tous les créateurs et concepteurs de contenus, qui deviennent les produits à échanger de cette nouvelle économie.
Le design est né pour rationaliser la production de produits de consommation de masse et inventer l’esthétique de l’ère industrielle. Maintenant, il est investit d’une nouvelle fonction, celle de distraire les publics pour établir des connexions entre des individus et des petits groupes d’intérêts. Il faut les distraire de la réalité et les emmener dans un espace virtuel pour qu’ils communiquent.
Dans cette société de la connaissance et de la distraction, le design a l’objectif d'optimiser les usages et le plaisir de consommer des médias. Il vise à augmenter la plus-value des interfaces digitales et audiovisuelles. Il conçoit les codes graphiques pour construire les territoires identitaires visuels des marques pour les valoriser encore davantage. Il n’y a pas de limite dans ce marché, que ce soit des institutions, des entreprises, des médias, ou pour le déploiement des événements culturels, sportifs, politiques… et la visibilité peut être mondiale. « Everything that you read is design »(2). Il ne reste plus qu’à convaincre les prescripteurs de l’efficacité de l’investissement.
Nous pouvons lire toutes les réussites de l’époque, de Bernard Arnault à Elon Musk, au prisme du nouvel attelage de la richesse. Il est entrainé par l’innovation et par l’information.
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L’IA, l’IA, l’IA… Sans s’en faire un enfer
Comme des enfants devant le jeu Brawl Stars*, les yeux des agences ont brillés avec envie pour l’IA et l’IA générative. Une fascination bien naturelle devant l’infini potentiel de l’intelligence artificielle pour augmenter les performances de chaque collaborateur quelque soit son domaine. Mais, à ne pas voir de limites dans son usage, à penser lui déléguer l’exercice de nos cerveaux, nous nourrissions le spectre de la dégénérescence des nos capacités intellectuelles.
Le digital avait déjà tenté de subtiliser à la création une partie de sa magie en focalisant l’admiration sur ses prouesses techniques. Alors la considération se détourna des créatifs qui se virent mués en opérateurs de machines. Et la confusion règne encore, à être polarisés sur la capacité technique nous perdons le sens. La création est un langage vivant, le langage des idées, un levier puissant pour transmettre du sens. Bien sûr l’apport d’une technique nouvelle nous permet d’apprendre d’autres choses de nous-même, elle nous permet de changer notre regard, de multiplier les points de vue, les angles d’une même chose. (4) Et nous serions des idiots de nous en priver.
N’ayons pas peur, ce n’est pas la technologie qui décide de ce qui va être dit. Nous apprenons nos leçons de la réalité de la vie et des mutations de nos sociétés pour le plaisir de les partager.
Olivier Dureau pour Oh Ah - Designers de communication
_ (1) Construire une économie et une société capables d’apprendre, une « nouvelle société de la connaissance », indispensable à l’élévation de la prospérité de nos pays : tel est le défi relevé par les éminents économistes Joseph E. Stiglitz et Bruce Greenwald.
_ (2) Paula Scher is one of the most influential graphic designers in the world. Described as the “master conjurer of the instantly familiar,” Scher straddles the line between pop culture and fine art in her work.
_ (3) Brawl Stars est le phénomène du moment… Brawl Stars est un MOBA, c'est-à-dire une arène de bataille en ligne multijoueur2, où les joueurs affrontent d'autres joueurs (JcJ) ou l'intelligence artificielle (JcE) … Selon Le Temps , « … Le jeu développé par le studio finlandais Supercell n’est pas récent, mais il fait aujourd’hui un malheur chez les plus jeunes. »
_ (4) Bruno Munari, grand designer italien, a donné en 1967 un cours de communication visuelle à Harvard. D’une incroyable modernité, l’œuvre professorale de Munari mérite d’être découverte pour sa simplicité, sa plume alerte et les points de vue qu’elle défend.