Devenir élève : quelle obéissance? Quelle résistance?
Devenir élève. Voici une entrée bien surprenante du socle commun des compétences mis en place au sein de l’Éducation Nationale. Qu’entend-on par devenir élève ? C’est une bien drôle de compétence si l’on s’en tient à la définition stricte de la compétence . Vais-je être élève en toutes circonstances ? Serai-je capable de transférer cette compétence dans un autre cadre ? Bien des questions qui restent en suspens.
Devenir élève, c’est surprenant lorsque l’objectif de l’éducation, est, à priori, faire advenir des sujets pensants. On pourrait rétorquer que c’est précisément ce que vise la « compétence » devenir élève puisqu’elle doit permettre l’acquisition des règles du vivre-ensemble par le petit d’homme. Parce que les mots sont importants , si tel est l’objet de devenir élève, alors cette « compétence » est bien mal nommée. En effet, l’acquisition des règles du vivre-ensemble ne se structure pas à l’échelle de l’individu mais a besoin d’une institution qui offre des « butées structurantes ( René Laffitte) pour aider l’enfant à grandir. Nous ne devons pas transformer en un autre l’enfant qui nous est confié. Nous devons l’aider à se construire, en lien avec l’Autre ( principe d’altérité, bien trop souvent absent de l’école, en raison de la ségrégation spatiale et des stratégies d’évitement) et en prise avec lui-même. L’école ne doit pas gommer les processus de résistance, indispensables à l’acte d’apprentissage, mais bien les absorber pour les transformer en force créatrice.
Devenir élève, c’est conduire l’enfant à adopter des comportements stéréotypés qui facilitent, peut être (cela reste à démonter), le travail de l’enseignant mais qui ne peut nullement conduire l’enfant à la construction de sa personnalité. Devenir élève c’est adopter des codes scolaires et rien d’autre.
Cette entrée en matière avec l’école, car devenir élève est une « compétence » travaillée en maternelle, est dommageable : l’école ne favorise pas l’émancipation mais au contraire la soumission à une norme. On peut dès lors s’interroger sur les finalités d’un tel programme. En effet conduit-on l’enfant vers la conscience de soi et l’utilisation de son esprit critique ou au contraire, imprimons-nous dans son esprit la nécessité absolue et impérative de se conformer aux us et coutumes de l’institution ? Et c’est là que le bât blesse car c’est de la résistance que naît le sujet et non du conformisme. Être sujet plutôt que devenir élève, vaste programme.
Sapere aude ! Avoir le courage de se servir de son propre entendement : Kant peut-il encore nous éclairer ?
PhD candidate, Bookshop Manager, Consultant
9 ansPhilippe Meirieu avait écrit un très bon article à ce sujet. Je l'avais posté il y a un moment. Très bonne réflexion Karima Mondon :)