Devenir, Michelle Obama
Celui-ci aurait pu être le sixième livre de mon marathon de lecture sur 2019 mais il ne l’est pas pour la simple raison que j’ai entamé sa lecture le 24 décembre de l’année dernière pour l’achever le 6 janvier de l’année actuelle.
Vous vous doutez probablement qu’avant même d’attendre le mail m’informant de l’arrivée de ce bouquin sur Douala, j’avais fait deux trois tours sur la toile histoire de prendre connaissance des avis des lecteurs de l’ouvrage dans ces pays qui l’avaient déjà commercialisé et au sein de l’un desquels j’ai dû passer commande.
Autrement ce n’est qu’en Mars 2021 que j’aurai été en mesure de me le procurer. La Fnac de Bali saura vous le confirmer. D’autant plus que, comme je l’explique dans Littérature & Afriques, brève réflexion, il y’a des bouquins qu’il ne sied de posséder qu’au format papier et non Kindle. Devenir de Michelle Obama fait indéniablement partie de ces ouvrages là.
Revenons à nos moutons :
J’ai donc pris connaissance de différents avis au sujet de Devenir et l’un d’eux sur Goodreads m’a fait un effet tout particulier. Il décrivait en des termes peu amènes le livre, le qualifiant en gros de ramassis d’histoires vaseuses à vous endormir à coup sûr. Rien de bien consistant ni de très factuel en somme.
J’avoue qu’il s’agit là de l’impression que l’extrait à disposition sur Amazon et ailleurs m’a également laissé. Ne parlons même pas des premières pages de l’ouvrage lorsqu’il était entre mes mains.
À mon avis en ce qui concerne les récits [auto]biographiques, les faits liés à l’enfance de l’intéressé sont une véritable torture de l’âme. Je me rappelle La méditation m’a sauvé de Phakyab Rinpoche dont les détails interminables sur ses premières années dans son incarnation la plus récente ont failli me lasser profondément.
Mais j’ai tenu bon; Sofia Strill Rever ayant une plume à nulle autre semblable au demeurant. Ç’aurait été un beau gâchis que d’abandonner en si bon chemin.
Devenir n’aura pas dérogé à la règle. Comme dans le cas Phakyab Rinpoche, au fur et à mesure que j’avançais dans ma lecture, les contours de l’affaire ont commencé à se faire plus précis, à s’affiner et mon intérêt pour la narration allait grandissant.
Je me suis demandé si cette “lectrice” sur Goodreads avait réellement pris le temps de s’appesantir sur le contenu de l’ouvrage ou si elle s’était contentée des cinq premières pages pour formuler son avis. Anyway… peut-être s’agit-il simplement d’une militante Républicaine bon teint des confins du Texas.
J’ai eu beaucoup de plaisir à établir des parallèles avec l’ouvrage documentaire de ce bon vieux Guillaume Debré. L’autobiographie de Dame Michelle est aussi une biographie du sieur Barack d’une certaine manière. Bravo à la première qui à mon avis est demeurée très objective au sujet de sa personnalité contrairement à mes prévisions.
Selon toute vraisemblance, Guillaume s’est montré très habile dans l’élaboration des portraits psychologiques des deux époux. Quoique j’aurais bien aimé pouvoir lire Devenir avant Obama face au pouvoir histoire de bénéficier de quelques lumières préliminaires.
Quelques-uns des caprices – pas tous – de Michelle décrits dans Obama face au pouvoir, deviennent parfaitement compréhensibles à la lecture de Devenir. La rivalité entre l’emploi du temps de Barack depuis son entrée dans l’arène de la politique et ses devoirs matrimoniaux/parentaux n’a visiblement rien d’une gâterie pour la première.
L’ouvrage est lui-même politique sous bien des rapports, notamment concernant son époux qui semble avoir toutes les qualités imaginables pour zéro défaut, mis à part sa nonchalance bien connue, son goût peu prononcé pour le rangement domestique, son “mépris” pour la ponctualité et son profond intérêt pour le tabac – un défaut selon Auntie Michelle. Ces “défauts” qui ont plus tendance à humaniser “44th” aux yeux de l’électeur lambda à l’époque ou du lecteur d’aujourd’hui, qu’autre chose. La stratégie est parfaitement rodée.
Auntie Michelle se sert de ses mémoires pour régler ses comptes avec plusieurs pontes des partis Républicain comme Démocrate et dresse un inventaire très détaillé de tout ce qu’elle a pu accomplir en huit années aux premières loges de l’exercice du pouvoir. On ne lui en voudra tout de même pas d’afficher de manière aussi ostensible son côté débonnaire même si ça fait parfois drôle. Et puis tout cela est partie intégrante de son histoire…
Elle se révèle comme étant un individu tenace, pugnace, à même de prendre du recul et d'analyser rationnellement l’environnement dans lequel elle évolue, psychologue voire sociologue à souhait, sachant mettre les mots adéquats sur tel ou tel phénomène comportemental, relationnel, sociétal – j’ai aimé ! – , tirant des conclusions lourdes de sens, prompte cependant à se comparer à autrui et cherchant systématiquement la validation et l’approbation des uns et des autres.
Un Type A personality dans toute sa splendeur.
Les clivages raciaux ont bien évidemment la part belle dans l’ouvrage. À ce sujet, je me suis souvent retrouvé en train de pester contre ces millenials américains, activistes de réseaux sociaux pour la plupart – ce qui n’est déjà pas mal – que j’estimais être dans une posture d’hyper revendication avant de me ressaisir en considérant l’histoire raciale de cette partie du nouveau monde; histoire dont les heures sombres sont loin d’être reléguées au rang de mauvais souvenir.
Les nombreuses “bavures” impunies de policiers Blancs vis-à-vis de membres de la communauté Noire au terme du dernier mandant de Barack Obama sont encore dans tous les esprits. N’évoquons même pas la situation états-unienne sous la houlette de ce brave Donnie*.
Cet état de choses ne me permet pas non plus de nier le fait que chaque mouvement, même de contestation légitime, connaît ses dérapages, ses surenchères idéologiques portées par ses membres radicalisés.
Barack, qui apparaît en gros comme le Moïse afro-américain des années 90 après son échec dans la course à l’investiture Démocrate pour la Chambre des Représentants principalement, a su apporter une dimension nouvelle à la vie de son épouse et l’inspirer quant à son engagement social réel – entre autre.
À mon avis, son passage au Third World Center n’était pas encore mu par un enthousiasme véritable pour la défense de la cause Noire tout particulièrement mais beaucoup plus par le désir de retrouver ce confort identitaire qui lui faisait bien souvent défaut à Princeton.
Les sacrifices à n’en plus finir de la paire, les heures incalculables de travail de Barack, les temps forts de sa première campagne présidentielle et ses implications sur l’organisation familiale, tout y est.
Au travers de Devenir, Michelle Obama veut visiblement incarner une sorte "d’espoir des nations" et démontrer que tout est possible pour ceux qui se donnent coûte que coûte vaille que vaille, la peine d’y arriver, y compris les cas les plus improbables.
Au vu de l’engouement généré par le livre et pour d’autres raisons, j’ai d’abord pensé à un coup de comm marketing sans réelle substance mais fidèle à mon credo qui veut qu’il soit impossible d’atteindre gratuitement une telle notoriété planétaire sans raison valable, je me suis décidé à lire ce livre. Et j’ai compris. J’ai compris au delà de ce que je savais déjà ou pensais savoir.
J’ai dû m’arrêter par moment dans ma lecture dans le but de réfléchir, méditer, digérer le flot d’informations, d’émotions et de passion suscité par certains passages d’une profondeur abyssale. Sans exagération, cet ouvrage m’a eu aux tripes. La surprise a été de taille.
J’ai eu à de nombreuses reprises le vif sentiment que cette histoire était déjà écrite quelque part dans l’Univers et que le temps marqué pour sa manifestation étant le seul paramètre décisif; ce que reconnaît Michelle de différentes manières et à sa façon au travers de son témoignage.
Tout était accompli avant même que nous ayons vu le scénario se jouer sous nos yeux.
Pour ma part le score est sans appel : Cinq étoiles sur cinq possibles sur Goodreads.
Un ouvrage à mettre d’urgence entre toutes les mains.
Je recommande sans hésiter.
*Donald Trump