Diable ! La France pourrait être un paradis pour entrepreneurs ? (extrait #1)
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Diable ! La France pourrait être un paradis pour entrepreneurs ? (extrait #1)

Beaucoup d’entre vous sont curieux des arguments qui sous-tendent mon livre « Oui !La France est un paradis pour entrepreneurs » (Plon, 2016). Le titre est effectivement provocateur, mais l’ouvrage développe une logique et s’appuie sur les dernières avancées dans le domaine de l’entrepreneuriatPlutôt que d’essayer une redite, avec l’accord de la maison d’édition, je partage ici sous forme de quelques billets, quelques bonnes feuilles du début de l’ouvrage.

Extrait #1 : Introduction (pages 11 à 16)

Souvenez-vous d’octobre 2012. Des mesures fiscales dans le projet de loi budgétaire déclenchent un mouvement de protestation : les plus-values sur l’investissement dans une startup seraient taxées comme les revenus du travail, menaçant d’augmenter le plafond de taxation de 32  % à 60  %. Cette décision provoque une grogne qui se mue bientôt en un mouvement d’entrepreneurs et d’investisseurs en colère se baptisant « les Pigeons ».

Patrick Robin, l’une des figures de la high-tech parisienne, vient témoigner dans mon cours de l’ESSEC, une grande école de commerce parisienne, de son extraordinaire expérience, de la presse aux télécoms en
passant par la publicité et finalement l’investissement. Les Pigeons, il connaît : il est, dans les médias, l’un des porte-parole de cette colère. Et, pour les étudiants de mon cours, son témoignage est troublant : ce n’est pas un patron-entrepreneur énervé, fatigué qu’ils découvrent, mais un homme rayonnant du plaisir qu’il semble avoir pris au cours de ses décennies d’entrepreneuriat. Que comprendre ?

Un an plus tard, septembre 2013. Le magazine Challenges publie un article au titre involontairement provocateur : « La France, meilleur pays du G20 pour créer son entreprise ». « Ben voyons... », pensent les apprentis entrepreneurs avec qui je discute de cet article. Pour eux, c’est de l’humour noir, encore un journaliste mal informé sur la situation de notre pays.

Janvier 2015, c’était hier. La presse internationale fait le buzz : les startups françaises constituent le plus gros contingent hors États-Unis dans le hall innovation du plus grand salon mondial consacré à la technologie grand public, le Consumer Electronics Show (CES) de Las Vegas. Une armée de startups françaises y présentent des produits innovants, malins, formidables. Mais cela ne change rien pour les adeptes du French bashing : pour eux, cette réussite ne peut être due qu’à un hasard étrange ou une hallucination médiatique qu’il est urgent d’oublier.

On se doit de considérer l’entrepreneuriat en France comme un sujet d’inquiétude, une faiblesse congénitale, une défaillance collective

En trois exemples, trois moments récents, le problème est résumé : on se doit de considérer l’entrepreneuriat en France comme un sujet d’inquiétude, une faiblesse congénitale, une défaillance collective. Quid si les faits suggèrent par ailleurs que l’entrepreneur y est heureux, que l’environnement lui est favorable et qu’il réussit mieux qu’ailleurs ?

« Quand la légende devient réalité, imprimez la légende », suggérait le cinéaste John Ford dans L’homme qui tua Liberty Valance. Une approche très américaine.

En France, quand il s’agit de notre capacité à créer des entreprises, préférerait-on la légende, surtout si elle est moins belle que la réalité ? La bulle Internet vient à peine d’initier la population, les politiques et les médias aux délices de l’entrepreneuriat... et une bonne part de la communauté nationale aurait déjà décidé de sa propre médiocrité ? 

Ces événements, apparents paradoxes, ont été pour moi l’occasion d’une réflexion. D’un côté, je constatais, attristé, un dénigrement que nous ne remarquons même plus tant le French bashing est dans l’air du temps. De l’autre, j’observais une multitude de signaux positifs suggérant que la France serait un terrain favorable à l’entrepreneuriat. Qui avait raison ? Où est la vérité ? Pourrait-elle être plus belle que la légende ?

Mon intérêt pour le sujet est autant personnel que professionnel. En tant qu’enseignant-chercheur sur l’entrepreneuriat, je suis amené en salle de classe à commenter de tels signaux et étudier, en profondeur, si « cela serait mieux ailleurs ». Confronté toute l’année à un mélange d’élèves français et étrangers, tous ambitieux et géographiquement mobiles, la comparaison entre les grands écosystèmes entrepreneuriaux est une question récurrente et parfaitement légitime.

Pas seulement en salle de cours d’ailleurs : ce débat s’invite également dans des discussions improvisées avec des amis qui commencent à envisager une autre vie après avoir passé toute leur carrière dans de grands groupes comme BNP Paribas, L’Oréal ou Danone. Et même avec leurs enfants, jeunes adultes ou grands adolescents, qui se posent des questions d’avenir.

Tous sont imprégnés de la doxa : « Mais, de toute façon, la France n’est pas propice à l’entrepreneuriat, n’est-ce pas ? » Comment leur en vouloir ?

On entend répéter à l’envi que nos entrepreneurs, surtout les jeunes, feraient mieux de partir... ailleurs... pour des destinations où le ciel entrepreneurial serait uniformément plus bleu

Depuis la fin des années 2000, cette idée s’est immiscée profondément dans les débats économiques et politiques. Et on entend répéter à l’envi que nos entrepreneurs, surtout les jeunes, feraient mieux de partir... ailleurs... pour des destinations où le ciel entrepreneurial serait uniformément plus bleu.

Selon les tenants de ce French bashing économique, notre environnement serait irrémédiablement défavorable à l’entrepreneuriat. Les réussites ? Ces success stories qui poussent régulièrement des hommes et des femmes souriants à la une des magazines économiques ? Elles découleraient toutes d’une suite d’exceptions. Les rayons des librairies regorgent donc d’ouvrages qui soit incitent les forces vives de la nation au départ, soit encensent l’extraordinaire bravoure de réussites présentées comme isolées.

Comme tous ceux qui s’expriment sur l’entrepreneuriat en France, je porte une responsabilité. Ma parole peut brider l’enthousiasme ou le libérer. Elle peut encourager – ou freiner – le choix de l’entrepreneuriat par des
personnes envisageant de renoncer à un parcours professionnel normé, d’investir leurs propres deniers et parfois ceux de leurs proches, de sacrifier de futurs revenus salariaux confortables et de chambouler leur identité professionnelle. Ma parole peut les inciter à prendre des risques importants, que ce soit sur un plan financier ou psychique. Ou, au contraire, elle peut les en dissuader.

S’assurer d’offrir le meilleur conseil à ces jeunes – et moins jeunes – car il s’agit de leur vie, et pas seulement économique

Discuter de ces questions n’est donc ni un exercice académique ni une galéjade. Une règle s’impose : s’assurer d’offrir le meilleur conseil à ces jeunes – et moins jeunes. L’enjeu est de taille : il s’agit de leur vie, et pas seulement économique.

Alors ? Soyons clair : pas plus ici qu’ailleurs l’entrepreneuriat n’est une promenade de santé. Partout, l’entrepreneuriat implique un niveau d’effort et de douleur qui en fait sa grandeur. Mais attribuer aveuglément cette douleur à notre système national est irresponsable.

Ce French bashing-là est une trahison, un mensonge et une lâcheté. Il décourage inutilement nos entrepreneurs potentiels en leur masquant les réels mécanismes du succès entrepreneurial. Il incite également les observateurs étrangers à se détourner de notre activité économique, une triste prophétie autoréalisatrice.

Ce French bashing non seulement occulte les réels atouts de la France du point de vue de l’entrepreneuriat, mais encore il masque une objective réalité : les inconvénients français (et ils existent, bien entendu) ne sont pas un obstacle pour les vrais chasseurs d’opportunité.

 Faire évoluer le débat public afin que la critique devienne plus nuancée, et permettre de corriger les aspects qui le méritent réellement, tout en préservant ceux qui fonctionnent bien

Ce livre s’adresse à tous les entrepreneurs potentiels, ainsi qu’à tous les acteurs qui les accompagnent, les aident, les forment, les motivent et les sélectionnent. Une population large comprenant les décideurs politiques de tout niveau, les enseignants, les journalistes, etc.

Ce livre n’obéit pas à un agenda politique. Il ne fournit pas non plus de conseils en matière de placements ou d’investissements. Il ne se situe pas à un niveau d’analyse macroéconomique.

Il adopte la perspective de l’acteur, de l’entrepreneur qui doit choisir son secteur d’activité, trouver son opportunité et naviguer entre les obstacles. Dans cette perspective, la comparaison avec un « ailleurs » n’est pas fantasmée mais envisagée d’un point de vue pragmatique.

Enfin, cet ouvrage a surtout vocation à faire évoluer le débat public sur la création d’activité en France. Afin que la critique de notre écosystème devienne plus nuancée et contribue à corriger les aspects qui le méritent réellement, tout en préservant ceux qui fonctionnent bien, voire remarquablement bien.

... à suivre ...

 

 

 

 

 

Disponible dans toutes les bonnes libraires, à la FNAC, chez Amazon, etc.

Patrick A. Delhougne

Board / C-Level Recruitment | Transition from an Executive to Board Role

8 ans

Thank you for bringing a more balanced view based on research on the status of French entrepreneurship. It is critical for the French authorities to better understand how start-ups shapes the future economic development of its economic national platform and GDP. Merci. Patrick

Marion Tosi

⭐️ Recruteuse de talents marketing, communication et digital ⭐️

8 ans

jeune "entrepreneuse" je suis complètement d'accord avec vous, et j'espère vous donner raison dans 1 an au moment du premier bilan!! merci

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